« Macbeth/Traduction Guizot, 1864 » : différence entre les versions

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Macbeth s’était rendu célèbre par son courage, et on l’eût jugé parfaitement digne de régner s’il n’eût été « de sa nature, » dit la chronique, « quelque peu cruel. » Duncan, au contraire, prince peu guerrier, poussait jusqu’à l’excès la douceur et la bonté ; en sorte que si l’on eût pu fondre le caractère des deux cousins et les tempérer l’un par l’autre, on aurait eu, dit la chronique. « un digne roi et un excellent capitaine. »
 
Après quelques années d’un règne paisible, la faiblesse de Duncan ayant encouragé les malfaiteurs, Banquo, thane de Lochaber, chargé de recueillir les revenus du roi, se vit forcé de punir un peu sévèrement (''somewhat sharpelie'') quelques-uns des plus coupables, ce qui occasionna une révolte. Banquo, dépouillé de tout l’argent qu’il avait reçu, faillit perdre la vie, et ne s’échappa qu’avec peine et couvert de blessures. Aussitôt qu’elles lui permirent de se rendre à la cour, il alla porter plainte à Duncan et il détermina enfin celui-ci à faire sommer les coupables de comparaître ; mais ils tuèrent le sergent d’armes qu’on leur avait envoyé et se préparèrent à la défense, excités par Macdowald, le plus considéré d’entre eux, qui, réunissant autour de lui ses parents et ses amis, leur représenta Duncan comme un lâche au cœur faible (''faint hearted milksop''), plus propre à gouverner des moines qu’à régner sur une nation aussi guerrière que les Écossais. La révolte s’étendit particulièrement sur les îles de l’ouest, d’où une foule de guerriers vinrent dans le Lochaber se ranger autour de Macdowald ; l’espoir du butin attira aussi d’Irlande un grand nombre de Kernes et de Gallouglasses{{refl|1}}<ref>Soldats d’infanterie, armés les premiers à la légère, les seconds d’armes pesantes.</ref>, prêts à suivre Macdowald partout où il voudrait les conduire. Au moyen de ces renforts, Macdowald battit les troupes que le roi avait envoyées à sa rencontre, prit leur chef Malcolm, et, après la bataille, lui fit trancher la tête.
 
<p style="font-size:90%">{{refa|1}} Soldats d’infanterie, armés les premiers à la légère, les seconds d’armes pesantes.</p>
 
Duncan, consterné de ces nouvelles, assembla un conseil où Macbeth lui ayant vivement reproché sa faiblesse et sa lenteur à punir, qui laissaient aux rebelles le temps de s’assembler, offrit cependant de se charger, avec Banquo, de la conduite de la guerre. Son offre ayant été acceptée, le seul bruit de son approche avec de nouvelles troupes effraya tellement les rebelles qu’un grand nombre déserta secrètement ; et Macdowald, ayant essayé avec le reste, de tenir tête à Macbeth, fut mis en déroute et forcé de s’enfuir dans un château où il avait renfermé sa femme et ses enfants ; mais, désespérant d’y pouvoir tenir, et dans la crainte des supplices, il se tua, après avoir tué d’abord sa femme et ses enfants. Macbeth entra sans obstacle dans le château, dont les portes étaient demeurées ouvertes. Il n’y trouva plus que le cadavre de Macdowald au milieu de ceux de sa famille ; et la barbarie de ce temps fut révoltée de ce qu’insensible à ce tragique spectacle, Macbeth fit couper la tête de Macdowald pour l’envoyer au roi, et attacher le reste du corps à un gibet. Il fit acheter très-cher aux habitants des îles le pardon de leur révolte, ce qui ne l’empêcha pas de faire exécuter tous ceux qu’il put prendre encore dans le Lochaber. Les habitants se récrièrent hautement contre cette violation de la foi promise, et les injures qu’ils proférèrent contre lui, à cette occasion, irritèrent tellement Macbeth qu’il fut près de passer dans les îles avec une armée pour se venger ; mais il fut détourné de ce projet par les conseils de ses amis, et surtout par les présents au moyen desquels les insulaires achetèrent une seconde fois leur pardon.
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Quelques autres lois ont pour objet d’assurer les immunités du clergé et l’autorité des censures de l’Église, de régler les devoirs de la chevalerie, les successions, etc. Plusieurs de ces lois, dont quelques-unes assez singulières pour le temps, sont faites par des motifs d’ordre et de règle ; d’autres sont destinées à maintenir l’indépendance civile contre le pouvoir des officiers de la couronne ; mais la plupart ont évidemment pour objet de diminuer la puissance des nobles et de concentrer toute l’autorité dans les mains du roi. Toutes sont rapportées par les historiens du temps comme des lois sages et bienfaisantes ; et si Macbeth fût arrivé au trône par des moyens légitimes, s’il eût continué dans les voies de la justice comme il avait commencé, il aurait pu, dit la chronique de Hollinshed, « être compté au nombre des plus grands princes qui eussent jamais régné. »
 
Mais ce n’était, continue notre chronique, qu’un zèle d’équité contrefait et contraire à son inclination naturelle. Macbeth se montra enfin tel qu’il était ; et le même sentiment de sa situation qui l’avait porté à rechercher la faveur publique par la justice changea la justice en cruauté ; « car les remords de sa conscience le tenaient dans une crainte continuelle qu’on ne le servît de la même coupe qu’il avait administrée à son prédécesseur. » Dès lors commence le Macbeth de la tragédie. Le meurtre de Banquo, exécuté de la même manière et pour les mêmes motifs que ceux que lui attribue Shakspeare, est suivi d’un grand nombre d’autres crimes qui lui font « trouver une telle douceur à mettre ses nobles à mort que sa soif pour le sang ne peut plus être satisfaite, et le peuple n’est, pas plus que la noblesse, à l’abri de ses barbaries et de ses rapines. » Des magiciens l’avaient averti de se garder de Macduff, dont la puissance d’ailleurs lui faisait ombrage, et sa haine contre lui ne cherchait qu’un prétexte. Macduff, prévenu du danger, forma le projet de passer en Angleterre pour engager Malcolm, qui s’y était réfugié, à venir réclamer ses droits. Macbeth en fut informé, « car les rois, dit la chronique, ont des yeux aussi perçants que le lynx et des oreilles aussi longues que Midas, » et Macbeth tenait chez tous les nobles de son royaume des espions à ses gages. La fuite de Macduff, le massacre de tout ce qui lui appartenait, sa conversation avec Malcolm, sont des faits tirés de la chronique. Malcolm opposa d’abord aux empressements de Macduff des raisons tirées de sa propre incontinence, et Macduff lui répondit comme dans Shakspeare, en ajoutant seulement : « Fais-toi toujours roi, et j’arrangerai les choses avec tant de prudence que tu pourras te satisfaire à ton plaisir, si secrètement que personne ne s’en apercevra. » Le reste de la scène est fidèlement imité par le poëte ; et tout ce qui concerne la mort de Macbeth, les prédictions qui lui avaient été faites et la manière dont elles furent à la fois éludées et accomplies, est tiré presque mot pour mot de la chronique où nous voyons enfin comment « par l’illusion du diable il déshonora, par la plus terrible cruauté, un règne dont les commencements avaient été utiles à son peuple{{refl|2}}<ref>Chroniques de Hollinshed, édit. in-fol. de 1586, t. I, p. 168 et suiv., et pour ce qui concerne le meurtre du roi Duffe, p. 150 et suiv. C’est probablement des faits fournis par Hector Boèce à cette chronique que Buchanan, en rapportant beaucoup plus sommairement l’histoire de Macbeth, a dit : ''Multa hic fabulose quidam nostrorum affingunt ; sed quia theatris aut milesiis fabulis sunt aptiora quam historiæ, ea omitto''. (''Rerum Scot. Hist. l.'' VII.)</ref>. » Macbeth avait assassiné Duncan en 1040 ; il fut tué lui-même en 1057, après dix sept ans de règne.
 
<p style="font-size:90%">{{refa|2}} Chroniques de Hollinshed, édit. in-fol. de 1586, t. I, p. 168 et suiv., et pour ce qui concerne le meurtre du roi Duffe, p. 150 et suiv. C’est probablement des faits fournis par Hector Boèce à cette chronique que Buchanan, en rapportant beaucoup plus sommairement l’histoire de Macbeth, a dit : ''Multa hic fabulose quidam nostrorum affingunt ; sed quia theatris aut milesiis fabulis sunt aptiora quam historiæ, ea omitto''. (''Rerum Scot. Hist. l.'' VII.)</p>
 
Tel est l’ensemble de faits auquel Shakespeare s’est chargé de donner l’âme et la vie. Il se place simplement au milieu des événements et des personnages, et d’un souffle mettant en mouvement toutes ces choses inanimées, il nous fait assister au spectacle de leur existence. Loin de rien ajouter aux incidents que lui a fournis la relation à laquelle il emprunte son sujet, il en retranche beaucoup ; il élague surtout ce qui altérerait la simplicité de sa marche et embarrasserait l’action de ses personnages ; il supprime ce qui l’empêcherait de les pénétrer d’une seule vue et de les peindre en quelques traits. Macbeth, avec les crimes et les grandes qualités que lui attribue son histoire, serait un être trop compliqué ; il faudrait en lui trop d’ambition et trop de vertu à la fois pour que l’une de ses dispositions pût se soutenir quelque temps en présence de l’autre, et l’on aurait besoin de trop grandes machines pour faire pencher la balance de l’un ou l’autre côté. Le Macbeth de Shakespeare n’est brillant que par ses vertus guerrières, et surtout par sa valeur personnelle ; il n’a que les qualités et les défauts d’un barbare : brave, mais point étranger à la crainte du péril dès qu’il y croit, cruel et sensible par accès, perfide par inconstance, toujours prêt à céder à la tentation qui se présente, qu’elle soit de crime ou de vertu, il a bien, dans son ambition et dans ses forfaits, ce caractère d’irréflexion et de mobilité qui appartient à une civilisation presque sauvage ; ses passions sont impérieuses, mais aucune série de raisonnements et de projets ne les détermine et ne les gouverne ; c’est un arbre élevé, mais sans racines, que le moindre vent peut ébranler et dont la chute est un désastre. De là naît sa grandeur tragique ; elle est dans sa destinée plus que dans son caractère. Macbeth, placé plus loin des espérances du trône, fût demeuré vertueux, et sa vertu eût été inquiète, car elle eût été seulement le fruit de la circonstance ; son crime devient pour lui un supplice, parce que c’est la circonstance qui le lui a fuit commettre : ce crime n’est pas sorti du fond de la nature de Macbeth ; et cependant il s’attache à lui, l’enveloppe, l’enchaîne, le déchire de toutes parts, et lui crée ainsi une destinée tourmentée et irrémissible, où le malheureux s’agite vainement, ne faisant rien qui ne l’enfonce toujours davantage, et avec plus de désespoir, dans la carrière que lui prescrit désormais son implacable persécuteur. Macbeth est un de ces caractères marqués dans toutes les superstitions pour devenir la proie et l’instrument de l’esprit pervers, qui prend plaisir à les perdre parce qu’ils ont reçu quelque étincelle de la nature divine, et qui en même temps n’y rencontre que peu de difficultés, car cette lumière céleste ne lance en eux que des rayons passagers, à chaque instant obscurcis par des orages.
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(Une voix les appelle.)
 
{{Personnage|PREMIÈRE SORCIÈRE}}. — J’y vais, Grimalkin{{refl|3}}<ref>Grimalkin, nom d’un vieux chat. Grimalkin est très-souvent, en Angleterre, le nom propre d’un chat.</ref> !
 
{{Personnage|DEUXIÈME SORCIÈRE}}. — Paddock{{refl|4}}<ref>Paddock, espèce de gros crapaud. Les chats et les crapauds jouaient, comme on sait, un rôle très-important dans la sorcellerie.</ref> appelle.
 
{{Personnage|TROISIÈME SORCIÈRE}}. — Tout à l’heure !
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(Elles disparaissent.)
 
<p style="font-size:90%">{{refa|3}} Grimalkin, nom d’un vieux chat. Grimalkin est très-souvent, en Angleterre, le nom propre d’un chat.</p>
 
<p style="font-size:90%">{{refa|4}} Paddock, espèce de gros crapaud. Les chats et les crapauds jouaient, comme on sait, un rôle très-important dans la sorcellerie.</p>
 
{{Scène|II}}
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{{Personnage|MALCOLM}}. — C’est le sergent qui a combattu en brave et intrépide soldat pour me sauver de la captivité.—Salut, mon brave ami ; apprends au roi ce que tu sais de la mêlée : en quel état l’as-tu laissée ?
 
{{Personnage|LE SERGENT}}. — Elle demeurait incertaine, comme deux nageurs épuisés qui s’accrochent l’un à l’autre et paralysent tous leurs efforts. L’impitoyable Macdowald (bien fait pour être un rebelle, car tout l’essaim5l’essaim<ref>::::For to that
::The multiplying villainies of nature,
::Do swarm upon him.

M. Steevens explique to that par in addition to that (outre cela) ; je crois qu’il se trompe et que to that signifie ici pour cela. Le sergent, qui vient de combattre loyalement un rebelle, regarde le caractère du rebelle comme le plus monstrueux de tous, et comme l’assemblage de tous les vices de la nature. Dans la chronique d’Hollinshed, le rebelle porte le nom de Macdowald.</ref> des vices de la nature s’est abattu sur lui pour l’amener là) avait reçu des îles de l’ouest un renfort de Kernes6Kernes<ref>Deux espèces de soldats, les premiers armés à la légère, les autres plus pesamment.</ref> et de Gallow-Glasses ; et la Fortune, souriant à sa cause maudite, semblait se faire la prostituée d’un rebelle. Mais tout cela n’a pas suffi. Le brave Macbeth (il a bien mérité ce nom) dédaignant la Fortune, comme le favori de la Valeur, avec son épée qu’il brandissait toute fumante d’une sanglante exécution, s’est ouvert un passage, jusqu’à ce qu’il se soit trouvé en face du traître, à qui il n’a pas donné de poignée de mains ni dit adieu, qu’il ne l’eût décousu du nombril à la mâchoire, et qu’il n’eût placé sa tête sur nos remparts.
 
{{Personnage|DUNCAN}}. — O mon brave cousin ! digne gentilhomme !
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(Ils sortent.)
 
Note 5 :
 
For to that
 
The multiplying villainies of nature,
 
Do swarm upon him.
 
M. Steevens explique to that par in addition to that (outre cela) ; je crois qu’il se trompe et que to that signifie ici pour cela. Le sergent, qui vient de combattre loyalement un rebelle, regarde le caractère du rebelle comme le plus monstrueux de tous, et comme l’assemblage de tous les vices de la nature. Dans la chronique d’Hollinshed, le rebelle porte le nom de Macdowald.
 
Note 6 : Deux espèces de soldats, les premiers armés à la légère, les autres plus pesamment.
 
 
 
{{Scène|III}}
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{{Personnage|PREMIÈRE SORCIÈRE}}. — Où as-tu été, ma sœur ?
 
{{Personnage|DEUXIÈME SORCIÈRE}}. — Tuer les cochons<ref>Killing swine. C’était une des grandes occupations des sorcières de faire mourir les cochons de ceux qui leur avaient déplu d’une façon quelconque.</ref>.
 
{{Personnage|TROISIÈME SORCIÈRE}}. — Et toi, ma sœur ?
 
{{Personnage|PREMIÈRE SORCIÈRE}}. — La femme d’un matelot avait des châtaignes dans son tablier ; elle mâchonnait, mâchonnait, mâchonnait.—Donne-m’en, lui ai-je dit.—Arrière, sorcière ! m’a répondu cette maigrichonne<ref>La sorcière insulte ici la pauvreté de son ennemie qui vivait, disait-elle, des restes qu’on distribuait à la porte des couvents et des maisons opulentes.</ref> nourrie de croupions.—Son mari est parti pour Alep, comme patron du Tigre ; mais je m’embarquerai avec lui dans un tamis, et sous la forme d’un rat sans queue<ref>Lorsqu’une sorcière prenait la forme d’un animal, la queue lui manquait toujours, parce que, disait-on, il n’y a pas dans le corps humain de partie correspondante dont on puisse façonner une queue, comme on fait du nez le museau, des pieds et des mains les pattes, etc.</ref>, je ferai, je ferai, je ferai.
 
{{Personnage|DEUXIÈME SORCIÈRE}}. — Je te donnerai un vent.
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{{Personnage|TROISIÈME SORCIÈRE}}. — Le tambour ! le tambour ! Macbeth arrive.
 
{{Personnage|TOUTES TROIS ENSEMBLE}}. — Les sœurs du Destin<ref name=p235>The weird sisters. La chronique d’Hollinshed, en rapportant l’apparition des trois figures étranges qui prédirent à Macbeth sa future grandeur, dit que, d’après l’accomplissement de leurs prophéties, on fut généralement d’opinion que c’étaient ou the weird sisters, « comme qui dirait les déesses de la destinée, ou quelques nymphes ou fées que leurs connaissances nécromantiques douaient de la science de prophétie. » Warburton les prend pour les walkyries, nymphes du paradis d’Odin, chargées de conduire les âmes des morts et de verser à boire aux guerriers ; et les fonctions que s’attribuent, dans leur chant magique, les </ref> se tenant par la main, parcourant les terres et les mers, ainsi tournent, tournent, trois fois pour le tien, trois fois pour le mien, et trois fois encore pour faire neuf. Paix ! le charme est accompli.
 
(Macbeth et Banquo paraissent, traversant cette plaine de bruyères ; ils sont suivis d’officiers et de soldats.)
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{{Personnage|MACBETH}}. — Je n’ai jamais vu de jour si sombre et si beau.
 
{{Personnage|BANQUO}}. — Combien dit-on qu’il y a d’ici à Fores ? —Quelles sont ces créatures si décharnées et vêtues d’une manière si bizarre ? Elles ne ressemblent point aux habitants de la terre, et pourtant elles y sont.—Êtes-vous des êtres que l’homme puisse questionner ? Vous semblez me comprendre, puisque vous placez toutes trois à la fois<ref follow=p235>sorcières de Shakspeare, étaient aussi, selon quelques auteurs, celles que la mythologie scandinave attribuait aux walkyries. Mais on oppose à cette opinion de Warburton, que les walkyries étaient très-belles, et ne peuvent être représentées par les sorcières de Shakspeare avec leurs barbes ; que, d’ailleurs, les walkyries étaient plus de trois, ce qui paraît être le nombre fixe des weird sisters. Il y a lieu de croire que ces divinités avaient du rapport avec les Parques ; et un ancien auteur anglais (Gawin Douglas), qui a donné une traduction de Virgile, y rend en effet le nom de Parcæ par ceux weird sisters, et on trouve le mot wierd ou weird employé dans le même sens par d’autres auteurs. D’autres en ont fait un substantif, et l’ont employé dans le sens de prophétie, d’après la signification du mot anglo-saxon wyrd, d’où il est dérivé. Ce qui paraît clair, c’est que Shakspeare, de même que dans la Tempête, au lieu de s’astreindre à suivre exactement un système de mythologie, a réuni sur un même personnage les diverses attributions appartenant à des êtres d’ordres fort différents, et a présenté comme identiques les sœurs du destin (weird sisters) et les sorcières (witches) que la chronique d’Hollinshed distingue positivement, attribuant la première prédiction faite à Macbeth et à Banquo aux weird sisters, tandis qu’elle attribue les prédictions subséquentes à certains sorciers et sorcières (wizards et witches), en qui Macbeth avait grande confiance, et qu’il consultait habituellement. Les weird sisters étaient des êtres surnaturels, de véritables déesses qui ne se communiquaient aux mortels que par des apparitions, tandis que les sorciers et les sorcières étaient simplement des hommes et des femmes initiés dans les mystères diaboliques de la sorcellerie. Shakspeare a de plus subordonné ses sorcières à Hécate, divinité du paganisme.</ref> votre doigt décharné sur vos lèvres de parchemin. Je vous prendrais pour des femmes si votre barbe ne me défendait de le supposer.
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Parlez, si vous pouvez ; qui êtes-vous ?
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{{Personnage|MACBETH}}. — Dans l’air ; et ce qui paraissait un corps s’est dissipé comme l’haleine dans les vents.—Plût à Dieu qu’elles eussent demeuré plus longtemps !
 
{{Personnage|BANQUO}}. — Étaient-elles réellement ici ces choses dont nous parlons, ou bien aurions-nous mangé de cette racine de folie11folie<ref>Probablement la ciguë ; on lui attribuait autrefois la propriété de troubler la raison.</ref> qui rend la raison captive ?
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Vos enfants seront rois.
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(Entrent Rosse et Angus.)
 
{{Personnage|ROSSE}}. — Macbeth, le roi a reçu avec joie la nouvelle de tes succès ; et à la lecture de tes exploits dans le combat contre les rebelles, son étonnement et son admiration se disputaient en lui pour savoir ce qui devait lui rester ou t’appartenir12.t’appartenir<ref>:His Réduitwonders parand his aupraises silence,do en parcourant le reste des événements du même jour, il t’a trouvé au milieu des solides bataillons norwégiens, sans effroi au milieu de ces étranges spectacles de mort, ouvrage de ta main. Aussi pressés que la parole, les courriers succédaient aux courriers, chacun apportant et répandant devant lui les éloges que tu mérites pour cette étonnante défense de son royaume.contend
:Which should be thine or his.
 
<p>On a tâché de rendre ici exactement, mais sans espoir de la rendre clairement, une subtilité qui a d’autant plus embarrassé les commentateurs anglais, qu’ils ont voulu y trouver plus de sens qu’elle n’en a réellement. Shakspeare n’a prétendu dire autre chose, si ce n’est que Duncan ne savait s’il devait plus s’étonner des exploits de Macbeth ou l’en louer ; en sorte que l’étonnement appartenant à Duncan, et les éloges à Macbeth, disputaient which should be thine or his.</p></ref>. Réduit par là au silence, en parcourant le reste des événements du même jour, il t’a trouvé au milieu des solides bataillons norwégiens, sans effroi au milieu de ces étranges spectacles de mort, ouvrage de ta main. Aussi pressés que la parole, les courriers succédaient aux courriers, chacun apportant et répandant devant lui les éloges que tu mérites pour cette étonnante défense de son royaume.
 
{{Personnage|ANGUS}}. — Nous avons été envoyés pour te porter les remerciements de notre royal maître, pour te conduire en sa présence, non pour te récompenser.
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{{Personnage|BANQUO}}. — Si vous le croyez sincèrement, cela pourrait bien aussi vous faire aspirer à obtenir la couronne, outre le titre de thane de Cawdor ; mais c’est étrange ; et souvent, pour nous attirer à notre perte, les ministres des ténèbres nous disent la vérité : ils nous amorcent par des bagatelles permises, pour nous précipiter ensuite dans les conséquences les plus funestes.—Mes cousins, un mot, je vous prie.
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Deux vérités m’ont été dites13dites<ref name=p239> Les commentateurs sont assez embarrassés à expliquer comment Macbeth, déjà thane de Glamis, ''par la mort de Sinel'', lors </ref>, favorables prologues de la grande scène de ce royal sujet.—Je vous remercie, messieurs.—Cette instigation surnaturelle ne peut être mauvaise, ne peut être bonne. Si elle est mauvaise, pourquoi me donnerait-elle un gage de succès, en commençant ainsi par une vérité ? Je suis thane de Cawdor. Si elle est bonne, pourquoi est-ce que je cède à cette suggestion, dont l’horrible image agite mes cheveux et fait que mon cœur, retenu à sa place, va frapper mes côtes par un mouvement contraire aux lois de la nature ? Les craintes présentes sont moins terribles que d’horribles pensées. Mon esprit, où le meurtre n’est encore qu’un fantôme, ébranle tellement mon individu que toutes les fonctions en sont absorbées par les conjectures ; et rien n’y existe que ce qui n’est pas.
 
{{Personnage|BANQUO}}. — Voyez dans quelles réflexions est plongé notre compagnon.
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{{Personnage|BANQUO}}. — Digne Macbeth, nous attendons votre bon plaisir.
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Pardonnez-moi : ma mauvaise tête se travaillaittra<ref follow=p239>de la rencontre des sorcières, peut regarder le salut qu’elles lui ont donné sous ce premier titre comme une preuve de leur science surnaturelle. Le traducteur écossais de Boèce semble faire entendre que Sinel ne mourut qu’après cette rencontre. Hollinshed dit, au contraire, que Macbeth, par la mort de son père, venait d’entrer (had lately entered) en possession du titre de thane de Glamis. C’est bien certainement la chronique d’Hollinshed que Shakspeare a suivie en ceci, comme dans tout le reste de la pièce ; Macbeth, ayant soin de nous apprendre quel événement l’a rendu thane de Glamis, prouve clairement que la nouvelle en est si récente pour lui, que l’idée de ce titre ne lui est pas encore familière et ne se lie qu’à la circonstance qui l’en a rendu possesseur. Shakspeare a donc voulu indiquer un événement si nouveau que Macbeth peut s’étonner que des personnes qui lui sont étrangères en soient déjà instruites.</ref>vaillait à retrouver des choses oubliées.—Nobles seigneurs, vos services sont consignés dans un registre dont chaque jour je tournerai la feuille pour les relire.—Allons trouver le roi. (A Banquo.) Réfléchissez à ce qui est arrivé ; et, plus à loisir, après avoir tout bien pesé, dans l’intervalle, nous en parlerons à cœur ouvert.
 
{{Personnage|BANQUO}}. — Très-volontiers.
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(Ils sortent.)
 
Note 7 : Killing swine. C’était une des grandes occupations des sorcières de faire mourir les cochons de ceux qui leur avaient déplu d’une façon quelconque.
 
Note 8 : La sorcière insulte ici la pauvreté de son ennemie qui vivait, disait-elle, des restes qu’on distribuait à la porte des couvents et des maisons opulentes.
 
Note 9 : Lorsqu’une sorcière prenait la forme d’un animal, la queue lui manquait toujours, parce que, disait-on, il n’y a pas dans le corps humain de partie correspondante dont on puisse façonner une queue, comme on fait du nez le museau, des pieds et des mains les pattes, etc.
 
Note 10 : The weird sisters. La chronique d’Hollinshed, en rapportant l’apparition des trois figures étranges qui prédirent à Macbeth sa future grandeur, dit que, d’après l’accomplissement de leurs prophéties, on fut généralement d’opinion que c’étaient ou the weird sisters, « comme qui dirait les déesses de la destinée, ou quelques nymphes ou fées que leurs connaissances nécromantiques douaient de la science de prophétie. » Warburton les prend pour les walkyries, nymphes du paradis d’Odin, chargées de conduire les âmes des morts et de verser à boire aux guerriers ; et les fonctions que s’attribuent, dans leur chant magique, les sorcières de Shakspeare, étaient aussi, selon quelques auteurs, celles que la mythologie scandinave attribuait aux walkyries. Mais on oppose à cette opinion de Warburton, que les walkyries étaient très-belles, et ne peuvent être représentées par les sorcières de Shakspeare avec leurs barbes ; que, d’ailleurs, les walkyries étaient plus de trois, ce qui paraît être le nombre fixe des weird sisters. Il y a lieu de croire que ces divinités avaient du rapport avec les Parques ; et un ancien auteur anglais (Gawin Douglas), qui a donné une traduction de Virgile, y rend en effet le nom de Parcæ par ceux weird sisters, et on trouve le mot wierd ou weird employé dans le même sens par d’autres auteurs. D’autres en ont fait un substantif, et l’ont employé dans le sens de prophétie, d’après la signification du mot anglo-saxon wyrd, d’où il est dérivé. Ce qui paraît clair, c’est que Shakspeare, de même que dans la Tempête, au lieu de s’astreindre à suivre exactement un système de mythologie, a réuni sur un même personnage les diverses attributions appartenant à des êtres d’ordres fort différents, et a présenté comme identiques les sœurs du destin (weird sisters) et les sorcières (witches) que la chronique d’Hollinshed distingue positivement, attribuant la première prédiction faite à Macbeth et à Banquo aux weird sisters, tandis qu’elle attribue les prédictions subséquentes à certains sorciers et sorcières (wizards et witches), en qui Macbeth avait grande confiance, et qu’il consultait habituellement. Les weird sisters étaient des êtres surnaturels, de véritables déesses qui ne se communiquaient aux mortels que par des apparitions, tandis que les sorciers et les sorcières étaient simplement des hommes et des femmes initiés dans les mystères diaboliques de la sorcellerie. Shakspeare a de plus subordonné ses sorcières à Hécate, divinité du paganisme.
 
Note 11 : Probablement la ciguë ; on lui attribuait autrefois la propriété de troubler la raison.
 
Note 12 :
 
His wonders and his praises do contend
 
Which should be thine or his.
 
On a tâché de rendre ici exactement, mais sans espoir de la rendre clairement, une subtilité qui a d’autant plus embarrassé les commentateurs anglais, qu’ils ont voulu y trouver plus de sens qu’elle n’en a réellement. Shakspeare n’a prétendu dire autre chose, si ce n’est que Duncan ne savait s’il devait plus s’étonner des exploits de Macbeth ou l’en louer ; en sorte que l’étonnement appartenant à Duncan, et les éloges à Macbeth, disputaient which should be thine or his.
 
Note 13 : Les commentateurs sont assez embarrassés à expliquer comment Macbeth, déjà thane de Glamis, par la mort de Sinel, lors de la rencontre des sorcières, peut regarder le salut qu’elles lui ont donné sous ce premier titre comme une preuve de leur science surnaturelle. Le traducteur écossais de Boèce semble faire entendre que Sinel ne mourut qu’après cette rencontre. Hollinshed dit, au contraire, que Macbeth, par la mort de son père, venait d’entrer (had lately entered) en possession du titre de thane de Glamis. C’est bien certainement la chronique d’Hollinshed que Shakspeare a suivie en ceci, comme dans tout le reste de la pièce ; Macbeth, ayant soin de nous apprendre quel événement l’a rendu thane de Glamis, prouve clairement que la nouvelle en est si récente pour lui, que l’idée de ce titre ne lui est pas encore familière et ne se lie qu’à la circonstance qui l’en a rendu possesseur. Shakspeare a donc voulu indiquer un événement si nouveau que Macbeth peut s’étonner que des personnes qui lui sont étrangères en soient déjà instruites.
 
{{Scène|IV}}
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{{Personnage|DUNCAN}}. — Il n’y a point d’art qui apprenne à découvrir sur le visage les inclinations de l’âme : c’était un homme en qui j’avais placé une confiance absolue.—(Entrent Macbeth, Banquo, Rosse et Angus.) O mon très-digne cousin, je sentais déjà peser sur moi le poids de l’ingratitude. Tu as tellement pris les devants, que la plus rapide récompense n’a pour t’atteindre qu’une aile bien lente.—Je voudrais que tu eusses moins mérité, et que tu m’eusses ainsi laissé les moyens de régler moi-même la mesure de ton salaire et de ma reconnaissance. Il me reste seulement à te dire qu’il t’est dû plus qu’on ne pourrait acquitter en allant au delà de toute récompense possible.
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Le service et la fidélité que je vous dois, en s’acquittant, se récompensent eux-mêmes. Il appartient à Votre Majesté de recevoir le tribut de nos devoirs, et nos devoirs nous lient à votre trône et à votre État comme des enfants et des serviteurs, qui ne font que ce qu’ils doivent en faisant tout ce qui peut mériter votre affection et votre estime14.estime<ref>
:By doing every thing
:Safe toward your love and honour.
 
Les commentateurs ont voulu expliquer ce passage assez obscur par une subtilité qui le rendrait inintelligible. Toute la difficulté porte sur le sens du mot safe, qui me paraît évidemment signifier ici entier, complet, à l’abri du reproche.</ref>.
 
{{Personnage|DUNCAN}}. — Sois ici le bienvenu : j’ai commencé à te planter, et travaillerai à te faire parvenir à la plus haute croissance.—Noble Banquo, tu n’as pas moins mérité, et cela ne doit pas être moins connu. Laisse-moi t’embrasser et te presser sur mon cœur.
Ligne 369 ⟶ 339 :
 
(Fanfares.—Ils sortent.)
 
Note 14 :
 
By doing every thing
 
Safe toward your love and honour.
 
Les commentateurs ont voulu expliquer ce passage assez obscur par une subtilité qui le rendrait inintelligible. Toute la difficulté porte sur le sens du mot safe, qui me paraît évidemment signifier ici entier, complet, à l’abri du reproche.
 
{{Scène|V}}
Ligne 394 ⟶ 356 :
{{Personnage|LE SERVITEUR}}. — Avec votre permission rien n’est plus vrai ; notre thane est en chemin : un de mes camarades a été chargé de le devancer. Presque mort de fatigue, à peine lui est-il resté assez de souffle pour accomplir son message.
 
{{Personnage|LADY MACBETH}}. — Prends soin de lui ; il apporte de grandes nouvelles ! (Le serviteur sort.) La voix est près de manquer au corbeau lui-même, dont les croassements annoncent l’entrée fatale de Duncan entre mes remparts.—Venez, venez, esprits qui excitez les pensées homicides ; changez à l’instant mon sexe, et remplissez-moi jusqu’au bord, du sommet de la tête jusqu’à la plante des pieds, de la plus atroce cruauté. Épaississez mon sang ; fermez tout accès, tout passage aux remords ; et que la nature, par aucun retour de componction, ne vienne ébranler mon cruel projet, ou faire trêve à son exécution15exécution<ref name=p244>
:Nor keep peace between
:The effect—and it.

Johnson regarde ce passage comme inintelligible, et veut substituer à keep peace, keep pace, qui signifierait ici intervenir, tandis que keep pace signifie marcher d’un pas égal avec, et, selon l’aveu même de Johnson, n’a jamais-été employé dans le sens qu’il</ref>. Venez dans mes mamelles changer mon lait en fiel, ministres du meurtre, quelque part que vous soyez, substances invisibles, prêtes à nuire au genre humain.—Viens, épaisse nuit ; enveloppe-toi des plus noires fumées de l’enfer, afin que mon poignard acéré ne voie pas la blessure qu’il va faire, et que le ciel ne puisse, perçant d’un regard ta ténébreuse couverture, me crier : Arrête ! Arrête ! —(Entre Macbeth.) Illustre Glamis, digne Cawdor, plus grand encore par le salut qui les a suivis, ta lettre m’a transportée au delà de ce présent rempli d’ignorance, et je sens déjà l’avenir exister pour moi.
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Mon cher amour, Duncan arrive ici ce soir.
Ligne 408 ⟶ 374 :
{{Personnage|LADY MACBETH}}. — Songez seulement à montrer un visage serein : changer de visage est toujours un signe de crainte.—Laissez-moi tout le reste.
 
(Ils sortent.)<ref follow=p244> veut lui donner. Keep peace me paraît correspondre littéralement à notre expression française faire trêve, qui présente ici le sens le plus naturel.</ref>
(Ils sortent.)
 
Note 15 :
 
Nor keep peace between
 
The effect—and it.
 
Johnson regarde ce passage comme inintelligible, et veut substituer à keep peace, keep pace, qui signifierait ici intervenir, tandis que keep pace signifie marcher d’un pas égal avec, et, selon l’aveu même de Johnson, n’a jamais-été employé dans le sens qu’il veut lui donner. Keep peace me paraît correspondre littéralement à notre expression française faire trêve, qui présente ici le sens le plus naturel.
 
 
 
Ligne 436 ⟶ 393 :
{{Personnage|DUNCAN}}. — Voyez, voilà notre honorable hôtesse.—L’affection qui nous suit nous cause quelquefois des embarras que nous accueillons encore avec des remerciements, comme des marques d’affection. Ainsi je suis pour vous une occasion d’apprendre à prier Dieu de vous récompenser de vos peines, et à vous remercier de l’embarras que nous vous donnons.
 
{{Personnage|LADY MACBETH}}. — Tout notre effort, fût-il doublé ou redoublé, ne serait qu’une faible et solitaire offrande à opposer à ce vaste amas d’honneurs dont Votre Majesté accable notre maison. Vos anciens bienfaits, et les dignités nouvelles que vous venez d’accumuler sur les premières, nous laissent le devoir de prier pour vous16vous<ref>:We rest your hermits.
 
Hermit est pris ici pour beadsman. Le beadsman était, à ce qu’il paraît, un homme qui, sous certaines conditions, s’engageait à dire pour un autre un certain nombre de fois le chapelet (beads). C’étaient probablement des ermites qu’on chargeait le plus souvent de ce soin.</ref>.
 
{{Personnage|DUNCAN}}. — Où est le thane de Cawdor ? Nous courions sur ses talons, et voulions être son introducteur auprès de vous ; mais il est bon cavalier, et la force de son amour, aussi aiguë que son éperon, lui a fait atteindre sa maison avant nous. Belle et noble dame, nous serons votre hôte pour cette nuit.
Ligne 445 ⟶ 404 :
 
(Ils sortent.)
 
Note 16 :
 
We rest your hermits.
 
Hermit est pris ici pour beadsman. Le beadsman était, à ce qu’il paraît, un homme qui, sous certaines conditions, s’engageait à dire pour un autre un certain nombre de fois le chapelet (beads). C’étaient probablement des ermites qu’on chargeait le plus souvent de ce soin.
 
 
 
{{Scène|VII}}
Ligne 460 ⟶ 411 :
Un maître d’hôtel et plusieurs domestiques portant des plats et faisant le service entrent et passent sur le théâtre. Entre ensuite MACBETH.
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Si lorsque ce sera fait c’était fini, le plus tôt fait serait le mieux. Si l’assassinat tranchait à la fois toutes les conséquences, et que sa fin nous donnât le succès, ce seul coup, qui peut être tout et la fin de tout, au moins ici-bas, sur ce rivage, sur ce rocher du temps, nous hasarderions la vie à venir.—Mais en pareil cas, nous subissons toujours cet arrêt, que les sanglantes leçons enseignées par nous tournent, une fois apprises, à la ruine de leur inventeur. La Justice, à la main toujours égale, offre à nos propres lèvres le calice empoisonné que nous avons composé nous-mêmes.—Il est ici sous la foi d’une double sauvegarde. D’abord je suis son parent et son sujet, deux puissants motifs contre cette action ; ensuite je suis son hôte, et devrais fermer la porte à son meurtrier, loin de saisir moi-même le couteau. D’ailleurs ce Duncan a porté si doucement ses honneurs, il a rempli si justement ses grands devoirs, que ses vertus, comme des anges à la voix de trompette s’élèveront contre le crime damnable de son meurtre, et la pitié, semblable à un enfant nouveau-né tout nu, montée sur le tourbillon, ou portée comme un chérubin du ciel sur les invisibles courriers de l’air, frappera si vivement tous les yeux de l’horreur de cette action, que les larmes feront tomber le vent. Je n’ai pour presser les flancs de mon projet d’autre éperon que cette ambition qui, s’élançant et se retournant sur elle-même, retombe sans cesse sur lui17.—(Entrelui<ref>:::::I ladyhave Macbeth.)no Eh bien ! quelles nouvelles ?spur
::To prick the sides of my intent, but only
::Vaulting ambition, which overleaps itself,
::And falls on the other.
 
Les commentateurs se sont inutilement donné beaucoup de peine pour expliquer cette phrase ; leur embarras est venu de ce qu’ils n’ont pas fait attention au sens du verbe vault, qui signifie ici voltiger, faire des tours de force (to make postures), d’où il résulte qu’au lieu de comparer, ainsi que l’a cru M. Steevens, son ambition à un cheval qui, se renversant sur lui-même, écrase son cavalier, Macbeth la représente comme un voltigeur (vaulting ambition) qui, s’élançant et se retournant sur lui-même (overleaps itself), retombe continuellement sur le dos de son cheval, et lui tient ainsi lieu d’éperon (spur), pour le forcer à courir. L’image est ainsi parfaitement d’accord dans toutes ses parties ; au lieu que, dans la signification supposée par M. Steevens, l’ambition, comme il le remarque lui-même, se trouverait jouer à la fois le rôle du cheval et celui de l’éperon. On est presque toujours sûr de se tromper lorsqu’on attribue à Shakspeare des images incohérentes ; il a au contraire le défaut d’abandonner rarement une image ou une comparaison, avant de l’avoir épuisée sous tous ses aspects.</ref>.—(Entre lady Macbeth.) Eh bien ! quelles nouvelles ?
 
{{Personnage|LADY MACBETH}}. — Il a bientôt soupé : pourquoi avez-vous quitté la salle ?
Ligne 470 ⟶ 426 :
{{Personnage|MACBETH}}. — Nous n’irons pas plus loin dans cette affaire. Il vient de me combler d’honneurs, et j’ai acquis parmi les hommes de toutes les classes une réputation brillante comme l’or, dont je dois me parer dans l’éclat de sa première fraîcheur, au lieu de m’en dépouiller si vite.
 
{{Personnage|LADY MACBETH}}. — Était-elle dans l’ivresse cette espérance dont vous vous étiez fait honneur ? a-t-elle dormi depuis ? et se réveille-t-elle maintenant pour paraître si pâle et si livide à l’aspect de ce qu’elle faisait de si bon cœur ? Dès ce moment je commence à juger par là de ton amour pour moi. Crains-tu de te montrer par tes actions et ton courage ce que tu es par tes désirs ? aspireras-tu à ce que tu regardes comme l’ornement de la vie, pour vivre en lâche à tes propres yeux, laissant, comme le pauvre chat du proverbe, le je n’ose pas se placer sans cesse auprès du je voudrais bien18bien<ref>''Catus amat pisces, sed non vult tingere plantas.''</ref> ?
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Tais-toi, je t’en prie ; j’ose tout ce qui convient à un homme : celui qui ose davantage n’en est pas un.
Ligne 487 ⟶ 443 :
 
(Ils sortent.)
 
Note 17 :
 
I have no spur
 
To prick the sides of my intent, but only
 
Vaulting ambition, which overleaps itself,
 
And falls on the other.
 
Les commentateurs se sont inutilement donné beaucoup de peine pour expliquer cette phrase ; leur embarras est venu de ce qu’ils n’ont pas fait attention au sens du verbe vault, qui signifie ici voltiger, faire des tours de force (to make postures), d’où il résulte qu’au lieu de comparer, ainsi que l’a cru M. Steevens, son ambition à un cheval qui, se renversant sur lui-même, écrase son cavalier, Macbeth la représente comme un voltigeur (vaulting ambition) qui, s’élançant et se retournant sur lui-même (overleaps itself), retombe continuellement sur le dos de son cheval, et lui tient ainsi lieu d’éperon (spur), pour le forcer à courir. L’image est ainsi parfaitement d’accord dans toutes ses parties ; au lieu que, dans la signification supposée par M. Steevens, l’ambition, comme il le remarque lui-même, se trouverait jouer à la fois le rôle du cheval et celui de l’éperon. On est presque toujours sûr de se tromper lorsqu’on attribue à Shakspeare des images incohérentes ; il a au contraire le défaut d’abandonner rarement une image ou une comparaison, avant de l’avoir épuisée sous tous ses aspects.
 
Note 18 : Catus amat pisces, sed non vult tingere plantas.
 
 
Ligne 537 ⟶ 479 :
{{Personnage|BANQUO}}. — Quand cela vous sera agréable.
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Si vous vous unissez à mes combinaisons, lorsqu’elles auront lieu, il vous en reviendra de l’honneur.<ref>Selon la chronique de Hollinshed, Banquo fut averti du projet de Macbeth, et promit de le soutenir ; mais Jacques Ier (Jacques VI d’Écosse) régnait en Angleterre lors de la représentation de Macbeth, et comme les Stuarts prétendaient descendre de Banquo, par Fleance, il était naturel que le poëte cherchât à dissimuler cette circonstance, faite pour diminuer l’intérêt qu’il s’est plu à répandre sur l’auteur de leur race. Fleance, selon la chronique d’Hollinshed, s’en fut en Écosse, où il fut très-bien accueilli par le roi, et si bien par la princesse sa fille, que celle-ci poussa la courtoisie, dit la chronique, jusqu’à souffrir qu’il lui fît un enfant (that she of courtsye in the end suffered him to get her with child). Cet enfant fut Walter, dont les grandes qualités regagnèrent ce que lui avait fait perdre la naissance ; il finit par être nommé lord steward d’Écosse (grand sénéchal), et chargé de percevoir les revenus de la couronne. Le quatrième descendant de ce Walter épousa la fille de Robert Bruce, et en eut un fils qui fut Robert II, roi d’Écosse. On voit encore à Inverness, dans les îles occidentales d’Écosse, les ruines du château de Macbeth, mais la chronique ne dit pas si ce fut là qu’il tua Duncan.</ref>
{{Personnage|MACBETH}}. — Si vous vous unissez à mes combinaisons, lorsqu’elles auront lieu, il vous en reviendra de l’honneur.19
 
{{Personnage|BANQUO}}. — Je me déterminerai pour ce qui ne m’exposera pas à le perdre en cherchant à l’augmenter, et me laissera conserver un cœur droit et une fidélité sans tache.
Ligne 550 ⟶ 492 :
 
(Il sort.)
 
Note 19 : Selon la chronique de Hollinshed, Banquo fut averti du projet de Macbeth, et promit de le soutenir ; mais Jacques Ier (Jacques VI d’Écosse) régnait en Angleterre lors de la représentation de Macbeth, et comme les Stuarts prétendaient descendre de Banquo, par Fleance, il était naturel que le poëte cherchât à dissimuler cette circonstance, faite pour diminuer l’intérêt qu’il s’est plu à répandre sur l’auteur de leur race. Fleance, selon la chronique d’Hollinshed, s’en fut en Écosse, où il fut très-bien accueilli par le roi, et si bien par la princesse sa fille, que celle-ci poussa la courtoisie, dit la chronique, jusqu’à souffrir qu’il lui fît un enfant (that she of courtsye in the end suffered him to get her with child). Cet enfant fut Walter, dont les grandes qualités regagnèrent ce que lui avait fait perdre la naissance ; il finit par être nommé lord steward d’Écosse (grand sénéchal), et chargé de percevoir les revenus de la couronne. Le quatrième descendant de ce Walter épousa la fille de Robert Bruce, et en eut un fils qui fut Robert II, roi d’Écosse. On voit encore à Inverness, dans les îles occidentales d’Écosse, les ruines du château de Macbeth, mais la chronique ne dit pas si ce fut là qu’il tua Duncan.
 
 
 
{{Scène|II}}
Ligne 561 ⟶ 499 :
LADY MACBETH entre.
 
{{Personnage|LADY MACBETH}}. — Ce qui les a enivrés m’a enhardie, ce qui les a éteints m’a remplie de flamme.—Écoutons ; silence ! C’est le cri du hibou, fatal sonneur qui donne le plus funeste bonsoir.—Il est à l’œuvre ; les portes sont ouvertes, et les serviteurs, pleins de vin, se moquent, en ronflant, de leurs devoirs. J’ai préparé leur boisson du soir20soir<ref>Possets, boisson composée, en général, à ce qu’il parait, de lait et de vin, et qu’il était alors d’usage de prendre en se couchant.</ref>, de telle sorte que la Nature et la Mort débattent entre elles s’ils vivent ou meurent.
 
MACBETH, derrière le théâtre.—Qui est là ? quoi ? holà !
Ligne 609 ⟶ 547 :
{{Personnage|MACBETH}}. — Je n’y retournerai pas ; je suis effrayé en songeant à ce que j’ai fait. Je n’ose pas le regarder de nouveau.
 
{{Personnage|LADY MACBETH}}. — Faible dans vos résolutions ! —Donnez-moi ces poignards. Ceux qui dorment, ceux qui sont morts, ne sont que des images ; c’est l’œil de l’enfance qui craint un diable en peinture. Si son sang coule, j’en rougirai la face des deux serviteurs, car il faut que le crime leur soit attribué21.attribué<ref name=p255>:::I’ll gild the faces of the grooms withal
:::For it must seem their guilt.
 
Il est plus que probable que Shakspeare a voulu jouer ici sur</ref>21.
 
(Elle sort.)
Ligne 624 ⟶ 565 :
 
(Ils sortent.)
 
Note 20 : Possets, boisson composée, en général, à ce qu’il parait, de lait et de vin, et qu’il était alors d’usage de prendre en se couchant.
 
Note 21 :
 
I’ll gild the faces of the grooms withal
 
For it must seem their guilt.
 
Il est plus que probable que Shakspeare a voulu jouer ici sur les mots gild et guilt, dont la prononciation est la même. Mais tout effort pour rendre en français ce jeu de mots eût été inutile et eût gâté une admirable scène. On a pensé qu’il suffisait de l’indiquer.
 
 
 
{{Scène|III}}
Ligne 643 ⟶ 572 :
(On frappe derrière le théâtre.)
 
On frappe ici, ma foi. Si un homme était le portier de l’enfer, il aurait assez l’habitude de tourner la clef. (On frappe.) Frappe, frappe, frappe. Qui est là, de par Belzébuth ! C’est un fermier qui s’est pendu en attendant une bonne année. Entrez sur-le-champ, et ayez soin d’apporter assez de mouchoirs, car on vous fera suer ici pour<ref follow=p255>les mots gild et guilt, dont la prononciation est la même. Mais tout effort pour rendre en français ce jeu de mots eût été inutile et eût gâté une admirable scène. On a pensé qu’il suffisait de l’indiquer.</ref>
cela. (On frappe.) Frappe, frappe, frappe. Qui est là, au nom d’un autre diable ? Par ma foi, c’est un jésuite22jésuite<ref>''Equivocator''. Warburton pense que par cette expression Shakspeare a positivement entendu un religieux, ou du moins un affilié de l’ordre des jésuites ; mais toujours est-il certain qu’elle signifie précisément ce que nous entendons en français par jésuite, doué d’un esprit jésuitique.</ref> qui aurait juré pour et contre chacun des bassins d’une balance. Il a commis assez de trahisons pour l’amour de Dieu, et cependant le ciel n’a pas voulu entendre à ses jésuitismes. Entrez, monsieur le jésuite. (On frappe.) Frappe, frappe, frappe. Qui est là ? Ma foi, c’est un tailleur anglais qui vient ici pour avoir rogné sur un haut-de-chausses français23français<refLa plaisanterie porte sur ce que les hauts-de-chausses français paraissaient aux Anglais si étroits et si mesquins, qu’il fallait être doublement damnable pour trouver encore à rogner dessus.></ref>. Allons, entrez, tailleur, vous pourrez chauffer ici votre fer à repasser. (On frappe.) Frappe, frappe. Jamais un moment de repos. Qui êtes-vous ? Mais il fait trop froid ici pour l’enfer : je ne veux plus faire le portier du diable. J’avais eu l’idée de laisser entrer un homme de toutes les professions qui vont par le chemin fleuri au feu de joie éternel. (On frappe.) Tout à l’heure, tout à l’heure. (Il ouvre.) Je vous prie, n’oubliez pas le portier.
 
(Entrent Macduff et Lenox.)
Ligne 699 ⟶ 629 :
{{Personnage|MACBETH ET LENOX}}. — Qu’y a-t-il ?
 
{{Personnage|MACDUFF}}. — L’abomination a fait ici son chef-d’œuvre. Le meurtre le plus sacrilège a ouvert par force le temple sacré du Seigneur, et a dérobé la vie qui en animait la structure24.structure<ref:Most sacrilegious murder hath broke ope
:The lord’s anointed temple, and stole thence
:The life o’ the building.
 
The lord’s anointed temple signifie en même temps ici le temple oint de Dieu et la tempe ointe du roi ; dans l’impossibilité de rendre ce jeu de mots, il a fallu choisir, et l’on a pris des deux sens celui qui formait avec le reste de la phrase une image plus complète et plus suivie.></ref>.
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Que dites-vous ? la vie ?
Ligne 717 ⟶ 651 :
{{Personnage|LADY MACBETH}}. — Oh malheur ! quoi, dans notre maison !
 
{{Personnage|BANQUO}}. — Trop cruel malheur, n’importe en quel lieu ! Cher Duff25Duff<ref>Abréviation de Macduff.</ref>, je t’en prie, contredis-toi toi-même, et dis que ce n’est pas vrai.
 
(Rentrent Macbeth et Lenox.)
Ligne 770 ⟶ 704 :
 
(Ils sortent.)
 
Note 22 : Equivocator. Warburton pense que par cette expression Shakspeare a positivement entendu un religieux, ou du moins un affilié de l’ordre des jésuites ; mais toujours est-il certain qu’elle signifie précisément ce que nous entendons en français par jésuite, doué d’un esprit jésuitique.
 
Note 23 : La plaisanterie porte sur ce que les hauts-de-chausses français paraissaient aux Anglais si étroits et si mesquins, qu’il fallait être doublement damnable pour trouver encore à rogner dessus.
 
Note 24 :
 
Most sacrilegious murder hath broke ope
 
The lord’s anointed temple, and stole thence
 
The life o’ the building.
 
The lord’s anointed temple signifie en même temps ici le temple oint de Dieu et la tempe ointe du roi ; dans l’impossibilité de rendre ce jeu de mots, il a fallu choisir, et l’on a pris des deux sens celui qui formait avec le reste de la phrase une image plus complète et plus suivie.
 
Note 25 : Abréviation de Macduff.
 
 
 
{{Scène|IV}}
Ligne 881 ⟶ 797 :
{{Personnage|BANQUO}}. — Oui, mon seigneur ; il est temps que nous partions.
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Je vous souhaite des chevaux légers et sûrs, et je vous recommande à leur dos26dos<ref>:And so I commend you to their backs.
C’est une manière de donner congé. Les phrases de politesse et de cérémonie abondent dans cette tragédie.</ref>. Adieu. (Banquo sort.) (Aux courtisans.) Que chacun dispose à son gré de son temps jusqu’à sept heures du soir. Pour trouver nous-même plus de plaisir à la société, nous resterons seul jusqu’au souper : d’ici là, que Dieu soit avec vous.—(Sortent lady Macbeth, les seigneurs, les dames, etc.) Holà, un mot : ces hommes attendent-ils nos ordres ?
 
{{Personnage|UN DOMESTIQUE}}. — Oui, mon seigneur, ils sont à la porte du palais.
Ligne 920 ⟶ 837 :
 
(Il sort.)
 
Note 26 : And so I commend you to their backs. C’est une manière de donner congé. Les phrases de politesse et de cérémonie abondent dans cette tragédie.
 
 
 
{{Scène|II}}
Ligne 1 152 ⟶ 1 065 :
{{Personnage|PREMIÈRE SORCIÈRE}}. — Quoi ! qu’y a-t-il donc, Hécate ? Vous paraissez en colère.
 
{{Personnage|HÉCATE}}. — N’en ai-je pas sujet, sorcières que vous êtes, insolentes, effrontées ? Comment avez-vous osé entrer avec Macbeth en traité et en commerce d’énigmes et d’annonces de mort, sans que moi, souveraine de vos enchantements, habile maîtresse de tout mal, j’aie jamais été appelée à y prendre part et à signaler la gloire de notre art ? Et, ce qui est pis encore, c’est que tout ce que vous avez fait, vous l’avez fait pour un fils capricieux, chagrin, colère, qui, comme les autres, ne vous recherche que pour ses propres intérêts et nullement pour vous-mêmes. Réparez votre faute ; partez, et demain matin, venez me trouver à la caverne de l’Achéron27l’Achéron<ref>:''The pit of Acheron''
Probablement quelque caverne que l’on supposait devoir communiquer avec l’enfer.</ref>. Il y viendra pour apprendre sa destinée : préparez vos vases, vos paroles magiques, vos charmes et tout ce qui est nécessaire. Je vais me rendre dans les airs : j’emploierai cette nuit à l’accomplissement d’un projet fatal et terrible ; un grand ouvrage doit être terminé avant midi. A la pointe de la lune pend une épaisse goutte de vapeur ; je la saisirai avant qu’elle tombe sur la terre ; et, distillée par des artifices magiques, elle élèvera des visions fantastiques qui ; par la force des illusions, entraîneront Macbeth à sa ruine. Il bravera les destins, méprisera la mort, et portera ses espérances au delà de toute sagesse, de toute pudeur, de toute crainte ; et vous savez toutes que la sécurité est la plus grande ennemie des mortels.—(Chant derrière le théâtre.) « Viens, viens28viens<ref::::Viens, »viens Écoutez ! on m’appelle. Vous voyez mon petit lutin assis dans ce gros nuage noir : il m’attend.;
::::Hécate ; Hécate, viens, viens.
:::::::::HÉCATE.
::::Je viens, je viens, je viens, je viens
::::Tout aussi vite que je puis.
::::Tout aussi vite que je puis.
 
Ce chant n’est indiqué dans l’original que par les deux premiers mots, comme un chant connu pour être d’usage en ces sortes d’occasions. On le trouve tout entier dans la Sorcière de Middleton, pièce de théâtre composée, à ce qu’on croit, peu de temps avant Macbeth. La même remarque s’applique, dans la scène VI, au chant qui termine le charme : Esprits noirs et blancs, etc. Voyez, sur cela et sur une foule de détails relatifs aux croyances populaires que Shakspeare a employées dans Macbeth, l’édition de Shakspeare, de M. Steevens.></ref>,… » Écoutez ! on m’appelle. Vous voyez mon petit lutin assis dans ce gros nuage noir : il m’attend.
 
(Elle sort.)
Ligne 1 159 ⟶ 1 080 :
 
(Les sorcières sortent.)
 
Note 27 : The pit of Acheron Probablement quelque caverne que l’on supposait devoir communiquer avec l’enfer.
 
Note 28 :
 
Viens, viens ;
 
Hécate ; Hécate, viens, viens.
 
HÉCATE.
 
Je viens, je viens, je viens, je viens
 
Tout aussi vite que je puis.
 
Tout aussi vite que je puis.
 
Ce chant n’est indiqué dans l’original que par les deux premiers mots, comme un chant connu pour être d’usage en ces sortes d’occasions. On le trouve tout entier dans la Sorcière de Middleton, pièce de théâtre composée, à ce qu’on croit, peu de temps avant Macbeth. La même remarque s’applique, dans la scène VI, au chant qui termine le charme : Esprits noirs et blancs, etc. Voyez, sur cela et sur une foule de détails relatifs aux croyances populaires que Shakspeare a employées dans Macbeth, l’édition de Shakspeare, de M. Steevens.
 
 
 
{{Scène|VI}}
Ligne 1 186 ⟶ 1 087 :
Entrent LENOX ET un autre SEIGNEUR.
 
{{Personnage|LENOX}}. — Mes premiers discours n’ont fait que rencontrer vos pensées, qui peuvent aller plus loin. Seulement, je dis que les choses ont été prises d’une singulière manière. Le bon roi Duncan a été plaint de Macbeth ! vraiment je le crois bien, il était mort.—Le brave et vaillant Banquo s’est promené trop tard, et vous pouvez dire, si vous voulez, que c’est Fleance qui l’a assassiné, car Fleance s’est enfui. Il ne faut pas se promener trop tard.—Qui de nous peut ne pas voir combien il était horrible de la part de Malcolm et de Donalbain d’assassiner leur bon père ? Damnable crime ! combien Macbeth en a été affligé ! N’a-t-il pas aussitôt, dans une pieuse rage, mis en pièces les deux coupables qui étaient les esclaves de l’ivresse et les serfs du sommeil ? N’était-ce pas une noble action ? Oui, et pleine de prudence aussi, car toute âme sensible eût été irritée d’entendre ces hommes nier le crime. En sorte que j’en reviens à dire qu’il a très-bien pris toutes choses ; et je pense que s’il tenait les fils de Duncan sous sa clef (ce qui ne sera pas, s’il plaît au ciel), ils verraient ce que c’est que de tuer un père, et Fleance aussi. Mais, chut ! car j’apprends que pour quelques paroles trop libres, et parce qu’il a manqué de se rendre à la fête du tyran29tyran<ref>Ce fut, selon Hollinshed, pour ne s’être pas rendu en personne à Dunsinane, que Macbeth faisait bâtir. Dans les terreurs perpétuelles où le tenait le souvenir de ses crimes, il avait employé l’argent pris sur les nobles, qu’il faisait journellement périr, à s’entourer d’une garde mercenaire ; mais, non content de cette précaution, il voulut faire élever sur la colline de Dunsinane un château capable de résister à toutes les attaques. L’entreprise traînant en longueur, à cause de la difficulté et de la dépense, il ordonna à tous les thanes d’y envoyer des matériaux et de s’y rendre chacun à son tour avec ses vassaux pour aider aux travaux. Quand vint le tour de Macduff, il y envoya ses gens avec les matériaux nécessaires, leur recommandant de se conduire de manière à ce que Macbeth ne pût avoir aucun prétexte pour s’irriter de ce qu’il n’était pas venu lui-même ; mais il ne voulut pas s’y rendre, jugeant qu’il n’était pas sans danger pour lui de se mettre au pouvoir de Macbeth, qui lui voulait du mal ; ce qu’ayant appris Macbeth, il s’écria : « Je vois bien que cet homme n’obéira jamais à mes ordres qu’on ne le monte avec une bride. » Il ne se détermina pourtant pas immédiatement à le poursuivre.</ref>, Macduff est tombé en disgrâce. Pouvez-vous, monsieur, m’apprendre où il s’est réfugié ?
 
{{Personnage|LE SEIGNEUR}}. — Le fils de Duncan, à qui le tyran retient son légitime héritage, vit à la cour du roi d’Angleterre. Le pieux Edouard lui a fait un accueil si gracieux, que la malveillance de la fortune ne lui a rien fait perdre de la considération due à son rang. C’est là que Macduff est allé demander au saint roi de l’aider à éveiller le Northumberland et le belliqueux Siward, afin que, par leur secours et avec l’approbation de Celui qui est là-haut, nous puissions prendre nos repas sur nos tables, accorder le sommeil à nos nuits, affranchir nos fêtes et nos banquets des poignards sanglants, rendre des hommages légitimes et recevoir des honneurs libres de contrainte, toutes choses après quoi nous soupirons aujourd’hui. Ce rapport a mis le roi dans une telle fureur, qu’il se prépare à tenter quelque expédition guerrière.
Ligne 1 199 ⟶ 1 100 :
 
(Ils sortent.)
 
Note 29 : Ce fut, selon Hollinshed, pour ne s’être pas rendu en personne à Dunsinane, que Macbeth faisait bâtir. Dans les terreurs perpétuelles où le tenait le souvenir de ses crimes, il avait employé l’argent pris sur les nobles, qu’il faisait journellement périr, à s’entourer d’une garde mercenaire ; mais, non content de cette précaution, il voulut faire élever sur la colline de Dunsinane un château capable de résister à toutes les attaques. L’entreprise traînant en longueur, à cause de la difficulté et de la dépense, il ordonna à tous les thanes d’y envoyer des matériaux et de s’y rendre chacun à son tour avec ses vassaux pour aider aux travaux. Quand vint le tour de Macduff, il y envoya ses gens avec les matériaux nécessaires, leur recommandant de se conduire de manière à ce que Macbeth ne pût avoir aucun prétexte pour s’irriter de ce qu’il n’était pas venu lui-même ; mais il ne voulut pas s’y rendre, jugeant qu’il n’était pas sans danger pour lui de se mettre au pouvoir de Macbeth, qui lui voulait du mal ; ce qu’ayant appris Macbeth, il s’écria : « Je vois bien que cet homme n’obéira jamais à mes ordres qu’on ne le monte avec une bride. » Il ne se détermina pourtant pas immédiatement à le poursuivre.
 
 
FIN DU TROISIÈME ACTE.
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{{Personnage|DEUXIÈME SORCIÈRE}}. — Et trois fois le jeune hérisson a gémi une fois.
 
{{Personnage|TROISIÈME SORCIÈRE}}. — HarpieHarper<ref>''Harper''. On ne sait quel est ce Harper ; il n’en est pas question dans la Sorcière de Middleton ; c’est probablement quelque animal que la sorcière désigne ainsi en raison de la ressemblance de son cri avec le son d’une corde de harpe.</ref> nous crie : « Il est temps, il est temps. »
 
{{Personnage|PREMIÈRE SORCIÈRE}}. — Tournons en rond autour de la chaudière, et jetons dans ses entrailles empoisonnées<ref>Shakspeare met souvent ainsi dans la bouche de ses sorcières des phrases interrompues auxquelles elles semblent attacher un sens complet. On peut le voir dans la première scène.</ref>.
 
<poem>
Crapaud, qui, pendant trente et un jours et trente et une nuits,
:::Endormi sous la plus froide pierre,
:::T’es rempli d’un âcre venin,
:::Bous le premier dans la marmite enchantée.
</poem>
{{Personnage|LES TROIS SORCIÈRES ENSEMBLE.}}.
<poem>
:::Redoublons, redoublons de travail et de soins :
:::Feu, brûle ; et chaudière, bouillonne.
</poem>
{{Personnage|PREMIÈRE SORCIÈRE.}}.
<poem>
Filet d’un serpent des marais, bous, et cuis dans le chaudron,
:::Oeil de lézard, pied de grenouille,
:::Duvet de chauve-souris et langue de chien,
:::Dard fourchu de vipère et aiguillon du reptile aveugle<ref>Espèce de serpent.</ref>,
:::Jambe de lézard et aile de hibou ;
:::Pour faire un charme puissant en désordre,
:::Bouillez et écumez comme un bouillon d’enfer.
</poem>
 
{{Personnage|LES TROIS SORCIÈRES ENSEMBLE.}}.
Endormi sous la plus froide pierre,
<poem>
:::Redoublons, redoublons de travail et de soins :
:::Feu, brûle ; et chaudière, bouillonne.
</poem>
{{Personnage|TROISIÈME SORCIÈRE.}}.
<poem>
:::Écailles de dragon et dents de loup,
:::Momie de sorcière, estomac et gosier
:::Du vorace requin des mers salées,
:::Racine de ciguë arrachée dans la nuit,
:::Foie de juif blasphémateur,
:::Fiel de bouc, branches d’if
:::Coupées pendant une éclipse de lune,
:::Nez de Turc et lèvres de Tartare,
:::Doigt de l’enfant d’une fille de joie
:::Mis au monde dans un fossé et étranglé en naissant ;
:::Rendez la bouillie épaisse et visqueuse ;
:::Ajoutez-y des entrailles de tigre
:::Pour compléter les ingrédients de notre chaudière.
</poem>
 
{{Personnage|LES TROIS SORCIÈRES ENSEMBLE.}}
T’es rempli d’un âcre venin,
<poem>
 
:::Redoublons, redoublons de travail et de soins :
Bous le premier dans la marmite enchantée.
:::Feu, brûle ; et chaudière, bouillonne.
 
</poeù>
{{Personnage|LES TROIS SORCIÈRES ENSEMBLE.}}. — Redoublons, redoublons de travail et de soins :
{{Personnage|DEUXIÈME SORCIÈRE.}}
 
Feu, brûle ; et chaudière, bouillonne.
 
{{Personnage|PREMIÈRE SORCIÈRE.}}. — Filet d’un serpent des marais, bous, et cuis dans le chaudron,
 
Oeil de lézard, pied de grenouille,
 
Duvet de chauve-souris et langue de chien,
 
Dard fourchu de vipère et aiguillon du reptile aveugle,
 
Jambe de lézard et aile de hibou ;
 
Pour faire un charme puissant en désordre,
 
Bouillez et écumez comme un bouillon d’enfer.
 
{{Personnage|LES TROIS SORCIÈRES ENSEMBLE.}}. — Redoublons, redoublons de travail et de soins :
 
Feu, brûle ; et chaudière, bouillonne.
 
{{Personnage|TROISIÈME SORCIÈRE.}}. — Écailles de dragon et dents de loup,
 
Momie de sorcière, estomac et gosier
 
Du vorace requin des mers salées,
 
Racine de ciguë arrachée dans la nuit,
 
Foie de juif blasphémateur,
 
Fiel de bouc, branches d’if
 
Coupées pendant une éclipse de lune,
 
Nez de Turc et lèvres de Tartare,
 
Doigt de l’enfant d’une fille de joie
 
Mis au monde dans un fossé et étranglé en naissant ;
 
Rendez la bouillie épaisse et visqueuse ;
 
Ajoutez-y des entrailles de tigre
 
Pour compléter les ingrédients de notre chaudière.
 
'''LES TROIS SORCIÈRES ENSEMBLE'''.
 
Redoublons, redoublons de travail et de soins :
 
Feu, brûle ; et chaudière, bouillonne.
 
'''DEUXIÈME SORCIÈRE'''.
 
Refroidissons le tout dans du sang de singe,
 
Et notre charme est parfait et solide.
 
<poem>
:::Refroidissons le tout dans du sang de singe,
:::Et notre charme est parfait et solide.
</poem>
(Entre Hécate, suivie de trois autres sorcières.)
 
{{Personnage|HÉCATE.}}. —
<poem>
:::Oh ! à merveille ! j’applaudis à votre ouvrage,
:::Et chacune de vous aura part au profit,
 
:::Maintenant, chantez autour de la chaudière,
Et chacune de vous aura part au profit,
:::Dansant en rond comme les lutins et les fées,
 
:::Pour enchanter tout ce que vous y avez mis.
Maintenant, chantez autour de la chaudière,
</poem>
 
Dansant en rond comme les lutins et les fées,
 
Pour enchanter tout ce que vous y avez mis.
 
(Musique.)
 
{{Personnage|CHANT.}}. —
</poem>
:::Esprits noirs et blancs,
:::Esprits rouges et gris,
 
:::Mêlez, mêlez, mêlez,
Esprits rouges et gris,
:::Vous qui savez mêler.
 
</poem>
Mêlez, mêlez, mêlez,
 
Vous qui savez mêler.
 
{{Personnage|DEUXIÈME SORCIÈRE}}. — D’après la démangeaison de mes pouces, il vient par ici quelque maudit. Ouvrez-vous, verrous, qui que ce soit qui frappe.
Ligne 1 371 ⟶ 1 254 :
(Le fantôme rentre dans la terre.)
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Cela n’arrivera jamais. Qui peut ''presser''<ref>''Impress'', presser, forcer au service militaire.</ref> la forêt, commander à l’arbre de détacher sa racine liée à la terre ? O douces prédictions ! ô bonheur ! Rébellion, ne lève point la tête jusqu’à ce que la forêt de Birnam se lève ; et Macbeth, au faîte de la grandeur, vivra tout le bail de la nature, et son dernier soupir sera le tribut payé à la vieillesse et à la loi mortelle.—Cependant mon cœur palpite encore du désir de savoir une chose : dites-moi (si votre art va jusqu’à me l’apprendre), la race de Banquo régnera-t-elle un jour dans ce royaume ?
 
{{Personnage|TOUTES LES SORCIÈRES ENSEMBLE}}. — Ne cherche point à en savoir davantage.
Ligne 1 389 ⟶ 1 272 :
(Huit rois paraissent marchant à la file, le dernier tenant un miroir dans sa main. Banquo les suit.)
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Tu ressembles trop à l’ombre de Banquo ; à bas ! ta couronne brûle mes yeux dans leur orbite.—Et toi, dont le front est également ceint d’un cercle d’or, tes cheveux sont pareils à ceux du premier.—Un troisième ressemble à celui qui le précède. Sorcières impures, pourquoi me montrez-vous ceci ? —Un quatrième ! Fuyez mes yeux.—Quoi ! cette ligne se prolongera-t-elle jusqu’au jour du jugement ? Encore un autre ! —Un septième ! Je n’en veux pas voir davantage.—Et cependant voilà le huitième qui paraît, portant un miroir où j’en découvre une foule d’autres : j’en vois quelques-uns qui portent deux globes et un triple sceptre<ref>Allusion à la réunion des deux îles et des trois royaumes de la Grande-Bretagne, sous Jacques VI d’Écosse.</ref>. Effroyable vue ! Oui, je le vois maintenant, c’est vrai, car voilà Banquo, tout souillé du sang de ses plaies, qui me sourit et me les montre comme siens.—Quoi ! en est-il ainsi ?
 
{{Personnage|PREMIÈRE SORCIÈRE}}. — Oui, seigneur, il en est ainsi.—Mais pourquoi Macbeth reste-t-il ainsi saisi de stupeur ? Venez, mes sœurs, égayons ses esprits, et faisons-lui connaître nos plus doux plaisirs. Je vais charmer l’air pour qu’il rende des sons, tandis que vous exécuterez votre antique ronde ; il faut que ce grand roi puisse dire avec bonté que nous l’avons reçu avec les hommages qui lui sont dus.
Ligne 1 422 ⟶ 1 305 :
 
(Ils sortent.)
 
Note 30 : Harper. On ne sait quel est ce Harper ; il n’en est pas question dans la Sorcière de Middleton ; c’est probablement quelque animal que la sorcière désigne ainsi en raison de la ressemblance de son cri avec le son d’une corde de harpe.
 
Note 31 : Shakspeare met souvent ainsi dans la bouche de ses sorcières des phrases interrompues auxquelles elles semblent attacher un sens complet. On peut le voir dans la première scène.
 
Note 32 : Espèce de serpent.
 
Note 33 : Impress, presser, forcer au service militaire.
 
Note 34 : Allusion à la réunion des deux îles et des trois royaumes de la Grande-Bretagne, sous Jacques VI d’Écosse.
 
{{Scène|II}}
Ligne 1 449 ⟶ 1 322 :
{{Personnage|LADY MACDUFF}}. — Sagesse ! de laisser sa femme, laisser ses petits enfants, ses biens, ses titres dans un lieu d’où il s’enfuit ! Il ne nous aime point, il ne ressent point les mouvements de la nature. Le pauvre roitelet, le plus faible des oiseaux dispute dans son nid ses petits au hibou. Il n’y a que de la frayeur, aucune affection, et tout aussi peu de sagesse, dans une fuite précipitée ainsi contre toute raison.
 
{{Personnage|ROSSE}}. — Chère cousine, je vous en prie, gouvernez-vous ; car, pour votre époux, il est généreux, sage, judicieux, et connaît mieux que personne ce qui convient aux circonstances. Je n’ose pas trop en dire davantage ; mais ce sont dis temps bien cruels que ceux où nous sommes des traîtres sans nous en douter nous-mêmes, où le bruit menaçant arrive jusqu’à nous sans que nous sachions ce qui nous menace, et ou nous flottons au hasard, sans nous diriger, sur une mer capricieuse et irritée35irritée<ref name=p287>:When we hold rumour
:From what we fear, yet know not what we fear.
:But float upon a wild and violent sea,
:Each way and move.

Les commentateurs me paraissent n’avoir pas compris ce passage </ref>. Je prends congé de vous ; vous ne tarderez pas à me revoir ici. Les choses arrivées au dernier degré du mal doivent s’arrêter ou remonter vers ce qu’elles étaient naguère.—Mon joli cousin, que le ciel veille sur vous.
 
{{Personnage|LADY MACDUFF}}. — Il a un père, et pourtant il n’a point de père.
Ligne 1 457 ⟶ 1 335 :
{{Personnage|LADY MACDUFF}}. — Mon garçon, votre père est mort : qu’allez-vous devenir ? Comment vivrez-vous ?
 
{{Personnage|L’ENFANT}}.—Comme — Comme vivent les oiseaux, ma mère.
 
{{Personnage|LADY MACDUFF}}. — Quoi ! de vers et de mouches ?
 
{{Personnage|L’ENFANT}}.—De ce que je pourrai trouver, je veux dire : c’est ainsi que vivent les oiseaux.
 
{{Personnage|LADY MACDUFF}}. — Pauvre petit oiseau ! ainsi tu ne craindrais pas le filet, la glu, le piège, le trébuchet ?
 
{{Personnage|L’ENFANT}}.—Pourquoi les craindrais-je, ma mère ? Ils ne sont pas destinés aux petits oiseaux.—Mon père n’est pas mort, quoi que vous en disiez.
 
{{Personnage|LADY MACDUFF}}. — Oui, il est mort. Comment feras-tu pour avoir un père ?
 
{{Personnage|L’ENFANT}}.—Comment ferez-vous pour avoir un mari ?<ref follow=p287> ; ils veulent entendre hold dans le sens de keep, tenir, tenir pour certain, et je crois qu’il doit être pris pour celui catch, prendre, recevoir, comme prendre le mal, catch the infection. Ainsi le sens sera : nous recevons le bruit de ce que nous craignons sans savoir ce que nous craignons. Il a fallu rendre l’expression de cette pensée un peu moins littérale pour la rendre plus claire, ainsi qu’il arrive souvent en traduisant Shakspeare ; mais elle me parait d’ailleurs entièrement d’accord avec la phrase suivante, encore imparfaitement comprise par les commentateurs, qui ne conçoivent pas qu’au mot float Shakspeare ait ajouté and move, « parce que, disent-ils, si nous flottons de tous côtés, il n’est pas nécessaire de nous apprendre que nous nous mouvons (move). » Il est cependant certain qu’arrêtés par un bruit vague dont nous ne connaissons pas la source, et ne sachant pas de quel côté nous devons agir, nous ajoutons à l’incertitude des événements celle de nos propres volontés : c’est ce que Shakspeare a dû et voulu exprimer.</ref>
L’ENFANT.—Comment ferez-vous pour avoir un mari ?
 
{{Personnage|LADY MACDUFF}}. — Moi ! j’en pourrais acheter vingt au premier marché.
 
{{Personnage|L’ENFANT}}.—Vous les achèteriez donc pour les revendre ?
 
{{Personnage|LADY MACDUFF}}. — Tu dis tout ce que tu sais, et en vérité cela n’est pas mal pour ton âge.
 
{{Personnage|L’ENFANT}}.—Mon père était-il un traître, ma mère ?
 
{{Personnage|LADY MACDUFF}}. — Oui, c’était un traître.
 
{{Personnage|L’ENFANT}}.—Qu’est-ce que c’est qu’un traître ?
 
{{Personnage|LADY MACDUFF}}. — C’est un homme qui jure et qui ment.
 
{{Personnage|L’ENFANT}}.—Et tous ceux qui font cela sont-ils des traîtres ?
 
{{Personnage|LADY MACDUFF}}. — Oui, tout homme qui fait cela est un traître, et mérite d’être pendu.
 
{{Personnage|L’ENFANT}}.—Et doivent-ils être tous pendus, ceux, qui jurent et qui mentent ?
 
{{Personnage|LADY MACDUFF}}. — Oui, tous.
 
{{Personnage|L’ENFANT}}.—Et qui est-ce qui doit les pendre ?
 
{{Personnage|LADY MACDUFF}}. — Les honnêtes gens.
 
L’ENFANT{{Personnage|L’ENFAN}}T.—Alors les menteurs et les jureurs sont des imbéciles, car il y a assez de menteurs et de jureurs pour battre les honnêtes gens et pour les pendre.
 
{{Personnage|LADY MACDUFF}}. — Que Dieu te garde, pauvre petit singe ! Mais comment feras-tu pour avoir un père ?
 
{{Personnage|L’ENFANT}}.—S’il était mort, vous le pleureriez, et si vous ne pleuriez pas, ce serait un bon signe que j’aurais bientôt un nouveau père.
 
{{Personnage|LADY MACDUFF}}. — Pauvre petit causeur, comme tu babilles !
Ligne 1 519 ⟶ 1 397 :
L’ASSASSIN.—C’est un traître.
 
{{Personnage|L’ENFANT}}.—Tu en as menti, vilain, aux poils roux !
 
L’ASSASSIN, poignardant l’enfant.—Comment, toi qui n’es pas sorti de ta coquille, petit frai de traître !
 
{{Personnage|L’ENFANT}}.—Il m’a tué, ma mère : sauvez-vous, je vous en prie.
 
(Il meurt. Lady Macduff sort en criant au meurtre, et poursuivie par les assassins.)
 
Note 35 :
 
When we hold rumour
 
From what we fear, yet know not what we fear.
 
But float upon a wild and violent sea,
 
Each way and move.
 
Les commentateurs me paraissent n’avoir pas compris ce passage ; ils veulent entendre hold dans le sens de keep, tenir, tenir pour certain, et je crois qu’il doit être pris pour celui catch, prendre, recevoir, comme prendre le mal, catch the infection. Ainsi le sens sera : nous recevons le bruit de ce que nous craignons sans savoir ce que nous craignons. Il a fallu rendre l’expression de cette pensée un peu moins littérale pour la rendre plus claire, ainsi qu’il arrive souvent en traduisant Shakspeare ; mais elle me parait d’ailleurs entièrement d’accord avec la phrase suivante, encore imparfaitement comprise par les commentateurs, qui ne conçoivent pas qu’au mot float Shakspeare ait ajouté and move, « parce que, disent-ils, si nous flottons de tous côtés, il n’est pas nécessaire de nous apprendre que nous nous mouvons (move). » Il est cependant certain qu’arrêtés par un bruit vague dont nous ne connaissons pas la source, et ne sachant pas de quel côté nous devons agir, nous ajoutons à l’incertitude des événements celle de nos propres volontés : c’est ce que Shakspeare a dû et voulu exprimer.
 
 
 
{{Scène|III}}
Ligne 1 549 ⟶ 1 413 :
{{Personnage|MALCOLM}}. — Cherchons quelque sombre solitude où nous puissions vider de larmes nos tristes cœurs.
 
{{Personnage|MACDUFF}}. — Empoignons plutôt l’épée meurtrière, et, en hommes de courage, marchons à grands pas vers notre patrie abattue36abattue<ref name=p290>:And like goodmen
:Bestride our down fall’n birthdom.

Les commentateurs ont voulu expliquer par ''birth right'', droit de naissance, le mot de birthdom, qui signifie, je crois, pays </ref>. Chaque matin se lamentent de nouvelles veuves, de nouveaux orphelins pleurent ; chaque jour de nouveaux accents de douleur vont frapper la face du ciel, qui en retentit, comme s’il était sensible aux maux de l’Écosse, et qu’il répondit par des cris aussi lamentables.
 
{{Personnage|MALCOLM}}. — Je pleure sur ce que je crois ; je crois ce que j’ai appris, et ce que je puis redresser sera redressé dès que je trouverai l’occasion amie. Il peut se faire que ce que vous m’avez raconté soit vrai : cependant ce tyran, dont le nom seul blesse notre langue, passa autrefois pour un honnête homme ; vous l’avez aimé chèrement ; il ne vous a point encore fait de mal. Je suis jeune, mais vous pourriez vous faire un mérite près de lui à mes dépens ; et c’est sagesse que d’offrir un pauvre, faible et innocent agneau pour apaiser un dieu irrité.
Ligne 1 559 ⟶ 1 426 :
{{Personnage|MACDUFF}}. — J’ai perdu mes espérances.
 
{{Personnage|MALCOLM}}. — Peut-être là même où j’ai trouvé des doutes. Pourquoi avez-vous si brusquement quitté, sans prendre congé d’eux, votre femme et vos enfants, ces précieux motifs de nos actions, ces puissants liens d’amour ? —Je vous prie, ne voyez pas dans mes soupçons des affronts pour vous, mais seulement des sûretés pour<ref moifollow=p290>natal. :Dans vouscette pouvezsupposition, ils ont expliqué le mot bestride par être parfaitementà honnêtecheval, quoiqueà la manière d’un homme qui met entre ses jambes, pour le défendre, l’objet qu’on veut lui enlever. Cette explication me paraît être forcée et nullement en rapport avec le reste du dialogue.—Malcolm parle de se retirer dans un coin pour pleurer ; Macduff veut au contraire qu’il se rende dans son pays, et part de là pour lui décrire les maux de ce pays : jecela puisseest pensernaturel.</ref>
moi : vous pouvez être parfaitement honnête, quoique je puisse penser.
 
{{Personnage|MACDUFF}}. — Péris, péris, pauvre patrie ! Tyrannie puissante, affermis-toi sur tes fondements, car la vertu n’ose te réprimer ; et toi, subis tes injures, c’est maintenant à juste titre37. Adieu, prince titre<ref>:Wear jethou nethy voudrais pas être le misérable que tu soupçonnes pour tout l’espace qui est sous la main du tyranwrongs, avec le riche Orient par-dessus le marché.
:Thy title is affeer’d.
 
Affeer’d est un terme de loi qui paraît signifier confirmer. Je pense, malgré l’opinion de la plupart des commentateurs, que Macduff s’adresse ici à Malcolm, et lui dit, pour lui reprocher sa lâcheté : « Subis tes injures, ton titre est consacré, tu y as droit. »</ref>. Adieu, prince : je ne voudrais pas être le misérable que tu soupçonnes pour tout l’espace qui est sous la main du tyran, avec le riche Orient par-dessus le marché.
 
{{Personnage|MALCOLM}}. — Ne vous offensez point : ce que je dis ne vient point d’une défiance décidée contre vous. Je crois que notre patrie succombe sous le joug, elle pleure, son sang coule, et chaque jour de plus ajoute une plaie à ses blessures ; je crois aussi que plus d’une main se lèverait en faveur de mes droits, et je reçois ici de la généreuse Angleterre l’offre d’un million de bons soldats : mais après tout cela, quand j’aurai foulé aux pieds la tête du tyran, ou que je l’aurai placée sur la pointe de mon épée, ma pauvre patrie se trouvera en proie à plus de vices encore qu’auparavant ; elle souffrira encore, et de plus de manières, de celui qui succédera.
Ligne 1 577 ⟶ 1 448 :
{{Personnage|MALCOLM}}. — Outre cela, au nombre de mes penchants désordonnés s’élève en moi une avarice si insatiable, que, si j’étais roi, je ferais périr les nobles pour avoir leurs terres ; je convoiterais les joyaux de l’un, le château d’un autre ; et plus j’aurais, plus cet assaisonnement augmenterait mon appétit, en sorte que je forgerais d’injustes accusations contre des hommes honnêtes et fidèles, et je les détruirais par avidité de richesses.
 
{{Personnage|MACDUFF}}. — L’avarice pénètre plus avant et jette des racines plus pernicieuses que l’incontinence, fruit de l’été38l’été<ref>''Summer seeding lust''.</ref> ; elle a été le glaive qui a égorgé nos rois. Cependant ne craignez rien : l’Écosse contient des richesses à foison pour assouvir vos désirs, même de votre propre bien ; tous ces vices sont tolérables quand ils sont balancés par des vertus.
 
{{Personnage|MALCOLM}}. — Mais je n’en ai point : tout ce qui fait l’ornement des rois, justice, franchise, tempérance, fermeté, libéralité, persévérance, clémence, modestie, piété, patience, courage, bravoure, tout cela n’a pour moi aucun attrait ; mais j’abonde en vices de toutes sortes, chacun en particulier reproduit sous différentes formes. Oui ! si j’en avais le pouvoir, je ferais couler dans l’enfer le doux lait de la concorde, je bouleverserais la paix universelle, et je porterais le désordre dans tout ce qui est uni sur la terre.
Ligne 1 605 ⟶ 1 476 :
{{Personnage|MACDUFF}}. — Quelle est la maladie dont il veut parler ?
 
{{Personnage|MALCOLM}}. — On l’appelle le mal du roi39roi<ref>Les écrouelles.</ref> : c’est une œuvre miraculeuse de ce bon prince, et dont j’ai été moi-même souvent témoin depuis mon séjour dans cette cour. Comment il se fait exaucer du ciel, lui seul le sait ; mais le fait est qu’il guérit des gens affligés d’un mal cruel, tout bouffis et couverts d’ulcères, pitoyables à voir, et désespoir de la médecine, en leur suspendant au cou une médaille d’or qu’il accompagne de saintes prières ; et l’on dit qu’il transmettra aux rois ses successeurs ce bienfaisant pouvoir de guérir. Outre cette vertu singulière, il a encore reçu du ciel le don de prophétie ; et les nombreuses bénédictions qui planent sur son trône annoncent assez qu’il est rempli de la grâce de Dieu.
 
(Entre Rosse.)
Ligne 1 621 ⟶ 1 492 :
{{Personnage|MACDUFF}}. — L’Écosse est-elle toujours à sa place ?
 
{{Personnage|ROSSE}}. — Hélas ! pauvre pays qui n’ose presque plus se reconnaître ! On ne peut l’appeler notre mère, mais notre tombeau, cette patrie où l’on n’a jamais vu sourire que ce qui est privé d’intelligence ; où l’air est déchiré de soupirs, de gémissements, de cris douloureux qu’on ne remarque plus ; où la violence de la douleur est regardée comme une folie ordinaire40ordinaire<ref>Modern ecstasy.</ref> ; où la cloche mortuaire sonne sans qu’à peine on demande pour qui ; où la vie des hommes de bien expire avant que soit séchée la fleur qu’ils portent à leur chapeau, ou même avant qu’elle commence à se flétrir.
 
{{Personnage|MACDUFF}}. — O récit trop exact, et cependant trop vrai !
Ligne 1 673 ⟶ 1 544 :
{{Personnage|MALCOLM}}. — Prenez courage : cherchons dans une grande vengeance des remèdes propres à guérir cette mortelle douleur.
 
{{Personnage|MACDUFF}}. — Il n’a point d’enfants<ref>:He has no children !
{{Personnage|MACDUFF}}. — Il n’a point d’enfants41 ! —Tous mes jolis enfants, avez-vous dit ? tous ? Oh ! milan d’enfer ! Tous ? quoi ! tous mes pauvres petits poulets et leur mère, tous enlevés d’un seul horrible coup ?
On est demeuré dans l’incertitude sur le sens de cette exclamation : quelques personnes pensent qu’elle s’adresse à Malcolm, dont les impuissantes consolations ne peuvent venir que d’un homme qui n’a pu connaître une pareille douleur ; et il est certain qu’à l’appui de cette opinion vient ce qu’a dit lady Macbeth, dans le premier acte, du bonheur qu’elle a senti à allaiter son enfant ; de plus, les chroniques d’Écosse parlent d’un fils de Macbeth, nommé Lulah, qui fut, après la mort de son père, couronné roi par quelques-uns de ses partisans, et fut ensuite tué quatre mois environ après la bataille de Dunsinane. Mais, d’un autre côté, il est clair que Macduff répond à Malcolm, et qu’il repousse ses consolations par l’impossibilité où il est de se venger sur un homme qui n’a pas d’enfants. Il faut remarquer d’ailleurs que rien dans la pièce n’a indiqué que Macbeth eût des enfants vivants, et que le désespoir avec lequel Macbeth apprend que des enfants de Banquo régneront après lui, ne parait pas porter sur l’idée de voir privé de la couronne un enfant déjà existant. Il ne dit point : not my son, mais no son of mine succeeding ; enfin, ce sens exprime un sentiment beaucoup plus profond, et c’est une raison pour croire que c’est celui de Shakspeare.</ref> ! —Tous mes jolis enfants, avez-vous dit ? tous ? Oh ! milan d’enfer ! Tous ? quoi ! tous mes pauvres petits poulets et leur mère, tous enlevés d’un seul horrible coup ?
 
{{Personnage|MALCOLM}}. — Luttez en homme contre le malheur.
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(Ils sortent.)
 
Note 36 :
 
And like goodmen
 
Bestride our down fall’n birthdom.
 
Les commentateurs ont voulu expliquer pur birth right, droit de naissance, le mot de birthdom, qui signifie, je crois, pays natal. Dans cette supposition, ils ont expliqué le mot bestride par être à cheval, à la manière d’un homme qui met entre ses jambes, pour le défendre, l’objet qu’on veut lui enlever. Cette explication me paraît être forcée et nullement en rapport avec le reste du dialogue.—Malcolm parle de se retirer dans un coin pour pleurer ; Macduff veut au contraire qu’il se rende dans son pays, et part de là pour lui décrire les maux de ce pays : cela est naturel.
 
Note 37 :
 
Wear thou thy wrongs,
 
Thy title is affeer’d.
 
Affeer’d est un terme de loi qui paraît signifier confirmer. Je pense, malgré l’opinion de la plupart des commentateurs, que Macduff s’adresse ici à Malcolm, et lui dit, pour lui reprocher sa lâcheté : « Subis tes injures, ton titre est consacré, tu y as droit. »
 
Note 38 : Summer seeding lust.
 
Note 39 : Les écrouelles.
 
Note 40 : Modern ecstasy.
 
Note 41 : He has no children ! On est demeuré dans l’incertitude sur le sens de cette exclamation : quelques personnes pensent qu’elle s’adresse à Malcolm, dont les impuissantes consolations ne peuvent venir que d’un homme qui n’a pu connaître une pareille douleur ; et il est certain qu’à l’appui de cette opinion vient ce qu’a dit lady Macbeth, dans le premier acte, du bonheur qu’elle a senti à allaiter son enfant ; de plus, les chroniques d’Écosse parlent d’un fils de Macbeth, nommé Lulah, qui fut, après la mort de son père, couronné roi par quelques-uns de ses partisans, et fut ensuite tué quatre mois environ après la bataille de Dunsinane. Mais, d’un autre côté, il est clair que Macduff répond à Malcolm, et qu’il repousse ses consolations par l’impossibilité où il est de se venger sur un homme qui n’a pas d’enfants. Il faut remarquer d’ailleurs que rien dans la pièce n’a indiqué que Macbeth eût des enfants vivants, et que le désespoir avec lequel Macbeth apprend que des enfants de Banquo régneront après lui, ne parait pas porter sur l’idée de voir privé de la couronne un enfant déjà existant. Il ne dit point : not my son, mais no son of mine succeeding ; enfin, ce sens exprime un sentiment beaucoup plus profond, et c’est une raison pour croire que c’est celui de Shakspeare.
 
 
FIN DU QUATRIÈME ACTE.
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{{Personnage|LE DOMESTIQUE}}. — Soldats, seigneur.
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Va-t’en te piquer la figure pour cacher ta frayeur sous un peu de rouge, drôle, au foie blanc de lis42lis<ref>La blancheur du foie passait pour une preuve de lâcheté.</ref>. Quoi, soldats ! vous voilà de toutes les couleurs ! —Mort de mon âme ! Tes joues de linge apprennent la peur aux autres. Quoi, soldats ! des visages de petit-lait !
 
{{Personnage|LE DOMESTIQUE}}. — L’armée anglaise, sauf votre bon plaisir…
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{{Personnage|LE MÉDECIN}}. — C’est au malade en pareil cas à se soigner lui-même.
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Jette donc la médecine aux chiens ; je n’en veux pas.—Allons, mets-moi mon armure ; donne-moi ma lance.—Seyton, envoie la cavalerie.—Docteur, les thanes m’abandonnent.—Allons, monsieur, dépêchez-vous.—Docteur, si tu pouvais, à l’inspection de l’eau de mon royaume43royaume<ref>::::::::Cast
:::The water of my land.

''Cast the water'' était alors l’expression anglaise pour examiner les urines.</ref>, reconnaître sa maladie, et lui rendre par tes remèdes sa bonne santé passée, je t’applaudirais à tous les échos capables de répéter mes applaudissements.—(A Seyton.) Ôte-la, te dis-je.—Quelle sorte de rhubarbe, de séné, ou de toute autre drogue purgative, pourrais-tu nous donner pour nous évacuer de ces Anglais ? En as-tu entendu parler ?
 
{{Personnage|LE MÉDECIN}}. — Mon bon seigneur, les préparatifs de Votre Majesté nous en disent quelque chose.
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(Il sort.)
 
Note 42 : La blancheur du foie passait pour une preuve de lâcheté.
 
Note 43 :
 
Cast
 
The water of my land.
 
Cast the water était alors l’expression anglaise pour examiner les urines.
 
 
 
{{Scène|IV}}
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{{Personnage|SEYTON}}. — La reine est morte, mon seigneur.
 
{{Personnage|MACBETH}}. — Elle aurait dû mourir plus tard : il serait arrivé un moment auquel aurait convenu une semblable parole. Demain, demain, demain, se glisse ainsi à petits pas d’un jour à l’autre, jusqu’à la dernière syllabe du temps inscrit ; et tous nos hier n’ont travaillé, les imbéciles, qu’à nous abréger le chemin de la mort poudreuse44poudreuse<ref>:::And all our yesterdays have lighted fools
::The way to dusty death.

''To light'' se prend quelquefois pour ''to lighten'', alléger, et je crois que c’en est ici la signification. Les jours passés n’ont point éclairé, mais allégé ou abrégé le chemin que nous avons à faire jusqu’à la mort. Les commentateurs ne paraissent pas l’avoir entendu dans ce sens.</ref>. Éteins-toi, éteins-toi, court flambeau : la vie n’est qu’une ombre qui marche ; elle ressemble à un comédien qui se pavane et s’agite sur le théâtre une heure ; après quoi il n’en est plus question ; c’est un conte raconté par un idiot avec beaucoup de bruit et de chaleur, et qui ne signifie rien.—(Entre un messager.) Tu viens pour faire usage de ta langue : vite, ton histoire.
 
{{Personnage|LE MESSAGER}}. — Mon gracieux seigneur, je voudrais vous rapporter ce que je puis dire avoir vu ; mais je ne sais comment m’y prendre.
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(Ils sortent.)
 
Note 44 :
 
And all our yesterdays have lighted fools
 
The way to dusty death.>
 
To light se prend quelquefois pour to lighten, alléger, et je crois que c’en est ici la signification. Les jours passés n’ont point éclairé, mais allégé ou abrégé le chemin que nous avons à faire jusqu’à la mort. Les commentateurs ne paraissent pas l’avoir entendu dans ce sens.
 
 
 
{{Scène|VI}}