« Les Œuvres et les Hommes/Les Philosophes et les Écrivains religieux (1860)/Vauvenargues » : différence entre les versions

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{{c|VAUVENARGUES<smallref>''Œuvres'' ''de'' ''Vauvenargues'', édition nouvelle accompagnée de notes et de commentaires, par M. D.-L. Gilbert.</smallref>}}
 
 
 
 
<small>''Œuvres'' ''de'' ''Vauvenargues'', édition nouvelle accompagnée de notes et de commentaires, par M. D.-L. Gilbert.</small>
 
 
 
===I===
 
Le service très-réel que M. Gilbert a rendu aux lettres, à la critique et à l’histoire, n’est pas l’édition de Vauvenargues, à proprement dire, qu’on lui doit. On connaissait les ''Pensées'' ''et'' ''Maximes'' du moraliste du dix-huitième siècle, — ce petit livre qui tiendrait sur quelques cartes à jouer, — et ce que M. Gilbert ajoute aujourd’hui à cette œuvre mince n’est pas de nature, et dans aucun sens, à beaucoup l’augmenter. Toutes ces limailles pouvaient très-bien rester au pied de l’étau où fut poli ce travail d’un goût laborieux.
 
La main pieuse qui les a remuées n’a soulevé que de la poussière qui brille peu et qui doit retomber. Le service et la découverte ne sont pas là… Ils sont bien plutôt dans la publication de la correspondance, formant presque un volume entier, entre Vauvenargues et ses amis, et en première ligne le marquis de Mirabeau, père de l’orateur. Ceci est particulièrement intéressant, instructif, excellent et nécessaire à connaître pour juger d’un talent, que Voltaire s’est amusé à grandir outre mesure, et d’une moralité que ses éloges ont rendue suspecte. Quand on n’a que le livre d’un homme, on n’a guère que la lettre morte de son talent et de son âme, mais quand on étudie l’un et l’autre à la lumière d’une correspondance ou d’une autobiographie, on en tient réellement la lettre vivante, et la Critique peut hardiment se prononcer.
 
D’ailleurs, avant cette correspondance, on ne savait rien ou presque rien de précis sur Vauvenargues. On ne savait que ce que Voltaire en avait dit. Il est vrai qu’il en avait dit des choses inouïes. Excepté du roi de Prusse, à l’adoration duquel il y a une contrepartie, Voltaire n’avait parlé ainsi de personne. C’était presque un ton d’amoureux ! « Aimable créature, beau génie, écrivit-il à Vauvenargues dès 1744, j’ai lu votre premier manuscrit. J’y ai admiré cette hauteur d’âme qui s’élève si fort au-dessus des petits brillants des Isocrates… Le grand, le pathétique, le sentiment, voilà mes premiers maîtres. Vous êtes le dernier. Je vais vous lire encore… Votre état me touche (continuait-il en 1745), à mesure que je vois les productions de votre esprit si vrai, si naturel, si facile et quelquefois si sublime… » Et en 1746, faisant toujours la boule de neige de ces incroyables éloges : « Je vais lire vos portraits, lui mandait-il. Si jamais je veux tracer celui du génie le plus naturel, de l’homme du plus grand goût, de l’âme la plus haute et la plus simple, je mettrai votre nom au bas… » Ailleurs, à propos de cette détestable et ridicule déclamation, fausse comme les larmes d’un catafalque, sur la mort d’Hippolyte de Seytres, tué dans la campagne de Bohême, il avait déjà comparé Vauvenargues à… Bossuet ! Assurément une telle furie d’admiration touchait au délire. Venant de Voltaire, cela ressemblait à une ironie Ou à une gageure, mais Voltaire, qui a tant ri, ne riait pas. L’immense farceur était pipé. Il croyait réellement au mérite transcendant de Vauvenargues. Il ne le présentait pas et il ne le recommandait pas à la Gloire comme un jeune homme à qui on veut du bien. Avec ce débutant, resté débutant, il ne se permettait pas ces airs protecteurs dont la grâce adoucissait l’impertinence et qu’il eut avec tant de jeunes gens dont il immortalisa la médiocrité. Comme le sculpteur qui finit par adorer sa statue, il aimait et respectait le Vauvenargues qu’il avait créé et qui lui appartenait aussi bien que l’Orphelin ''de'' ''la'' ''Chine''. Pour lui, c’était la Galathée de la Sagesse. Il en était le Pygmalion ! Car de Vauvenargues tel que celui qu’il loue et qu’il invente, il n’y en a point et la Postérité le cherche.
 
Elle le cherchera sans le trouver. Vauvenargues est un esprit distingué, réfléchi, délicat, plus élevé certainement que les hommes de son temps, parce qu’il vécut à l’écart d’eux, mais entre ces qualités et celles que lui donnait Voltaire, il y avait l’imagination et le caprice de cet esprit de vif-argent et de feu grégeois. Quand on place Vauvenargues à côté de Pascal, La Rochefoucauld et La Bruyère, — ce La Bruyère qu’il a contrefait bien plus qu’il ne l’a imité, — on le trouve aussi petit que l’est son siècle, à côté du siècle de Louis XIV. On ne peut parler que de ce qu’il y a de réussi dans ses œuvres ; or, si vous exceptez les ''Pensées'' (il y en a neuf cent quarante-cinq, en comptant celles qu’il supprima), tout est à peu près avorté. Or, encore quelques gouttes d’essence, fussent-elles de l’ambre le plus pur, filtrées avec beaucoup de peine, et en trop petit nombre pour parfumer autre chose que le mouchoir de poche d’un homme d’esprit, ne suffisent pas pour mériter ce nom glorieux et sévère de moraliste auquel Vauvenargues prétendit et qu’on ne lui a pas assez marchandé. Un homme de la fin du même siècle, qui n’a exprimé aussi de sa pensée que quelques gouttes, mais autrement puissantes, d’un citron, autrement pénétrant, et parfois autrement mortelles que celles que Vauvenargues fit tomber de la sienne, Chamfort, si au-dessus de Vauvenargues par tout, excepté par le caractère, n’est pas un moraliste non plus, quoiqu’il en ait révélé les profondes aptitudes. Mais Chamfort, qui n’était pas valétudinaire comme Vauvenargues, Chamfort, l’Hercule et l’Apollon des boudoirs mythologiques de son temps et dont la vigueur n’était pas une fable, n’a pas eu de Voltaire qui l’ait pris dans son vitchoura d’Astracan comme Hercule prenait les Pygmées dans sa peau de lion. Voltaire, le Roi de son époque, a la manie du favoritisme, comme les rois. Vauvenargues fut un de ces favoris qui n’ont d’autre raison pour exister que le bon plaisir de leur maître.
 
Sur une lettre, très-peu merveilleuse, que nous pouvons lire dans l’édition de M. Gilbert, et dans laquelle Vauvenargues s’amuse à l’éternel parallèle, cher aux rhétoriques, du génie de Corneille et du génie de Racine, Voltaire prend feu comme un jeune homme pour cet officier du régiment du roi qui s’ennuie de son métier, et qui lui envoie, avec tous les salamalecs d’usage, de la littérature de garnison. Au reçu de ce simple hommage, Sa Majesté Voltaire, dont la tête ne baissait pas encore (il avait cinquante ans), s’exalte et se met à faire pleuvoir un déluge de titres sur son modeste correspondant. C’est une avalanche de faveurs ! Presque immédiatement, il le chamarre de tous les Ordres de la sagesse, de la vertu, du grand goût, du génie, de la magnanimité ; il le constelle de tous les crachats de la flatterie d’un souverain ; enfin, il en fait son Potemkin intellectuel ! Si Vauvenargues n’était pas mort au milieu de cette gloire, il aurait eu le sort de tous les favoris. La main qui, sans raison, l’avait mis au-dessus des autres, l’aurait laissé retomber. Mais il mourut jeune, à temps, avec la beauté d’une espérance que la mort a trompée, mais que la vie n’a pas trahie. Il mourut au moment où Voltaire lui disait le mot de Virgile : « tu seras Marcellus, ''tu'' ''Marcellus'' ''eris'' ! » Le sérieux de la mort communiqua aux éloges de la plume la plus légère, qui ait jamais joué avec toutes choses, la consistance du style lapidaire d’un tombeau. Certes, puisqu’il aimait la gloire, Vauvenargues a bien fait de mourir. La mort lui a été favorable comme la maladie. Sans la maladie, sans la douleur qui lui a donné le peu de fil et de mordant qu’on trouve dans ses œuvres, il aurait été, comme tous les humanitaires de son temps, un badaud, un optimiste, un philanthrope, un niais d’esprit, et sans la mort prématurée qui le fait vivre, il serait mort sur pied, de son vivant !
 
 
===II===
 
Et ceci est certain. Voltaire se serait dépris. L’engouement eût cessé, et la mobilité d’un pareil homme n’eût pas seule expliqué cette inévitable réaction… Malgré les éloges du commentaire qui suivirent les éloges des lettres, on la voit poindre… Dans ce cristal, on discerne la fêlure par laquelle il doit éclater. Il y a dans Vauvenargues, dans son jeune sage, dans son ami, dans son modèle, des choses qui affligent la philosophie de Voltaire. Il les a notées, ces deux ou trois choses, et sans loupe, elles sont énormes. Elles lui ont fait écrire le mot terrible et réprobateur qui est « le raca » de messieurs les philosophes : le mot : « capucin ». Et de quoi, diable, n’es-tu pas digne, si tu n’es pas digne d’être capucin ? disait un jour le Régent à un de ces braves grenadiers de la haire et du froc, qui sont la gloire même des armées de Dieu. Si Vauvenargues était revenu aux idées qu’il exprime dans sa ''Méditation'' ''sur'' ''la'' ''foi'', par exemple, Voltaire eût pensé vite comme le Régent. Il aurait trouvé « le ''capucin'' » ''indigne'', et la sifflante moquerie aurait, en un clin d’œil, remplacé l’admiration. M. Gilbert, dans son édition de Vauvenargues, a parfaitement mis en lumière ces points, très-peu aperçus jusqu’ici, qui auraient été les causes de rupture entre Vauvenargues et Voltaire, et c’est ici que la publication qu’il a faite éclaire pleinement un Vauvenargues, trop laissé dans l’ombre, et nous révèle en l’auteur des ''Pensées'' ''et'' ''Maximes'' une moralité qui n’était pas du tout la philosophique et la païenne que Voltaire lui avait bâtie comme une pyramide de Rhodope.
 
C’est la moralité du gentilhomme, de l’homme de qualité, élevé probablement par une mère chrétienne, qui a gardé en lui la première impression des leçons de sa mère, ce qui l’a empêché, dans un siècle de philosophie et malgré les entortillantes flatteries de Voltaire, d’être nettement un philosophe. Sans être le vertueux des vertueux et le sage des sages, sans réaliser le type de l’Alcibiade-Zénon que Voltaire avait composé, Vauvenargues, ce malheureux officier du régiment du roi, qui n’avait que la cape et l’épée, et dans sa cape un corps malingre et épuisé, l’emporte, il faut le reconnaître, sur la plupart des hommes de son temps, par la fierté, le calme, la pureté des sentiments, la souffrance noblement supportée. A coup sûr, il n’est pas le stoïque, revêtu des grâces de Platon. de la contrefaçon Voltaire, le juste d’Horace que les ruines frappaient sans émouvoir, même celles de son corps. D’immenses tristesses, au contraire, sont en Vauvenargues, voilées dans ses œuvres, mais perceptibles au fond, et dévoilées dans sa correspondance. Il est malheureux, impatienté, piétinant sous son harnais de guerre qui l’écrase, et s’il n’a pas assez d’ardeur pour couvrir d’écume le mors qu’il ronge, il y laisse de son sang ; mais tel que le voilà et que la réalité consciencieusement étudiée le montre, il l’emporte pourtant en moralité sur tous les heureux et les célèbres de son époque, et justement parce qu’il eut le hasard d’être pauvre et l’honneur d’être un officier ! Supposez-le riche et lancé dans le monde d’alors, il n’y aurait point englouti un puissant esprit qu’il n’avait pas, mais il y eût abaissé son âme. Il y aurait perdu une originalité de cœur plus belle à nos yeux que l’originalité du génie. Grâce à Dieu, retiré, contre les pestes de son temps, dans ce lazaret d’un régiment, la dernière chose de l’ancienne monarchie qui ait été corrompue ; s’il n’échappa point à tous les miasmes contemporains, ce qui est impossible à l’être perméable que l’on appelle l’homme le plus fort, il échappa du moins au plus grand nombre et aux plus dangereux. Sa vie militaire le sauva. Moraliste qui se voit de travers, le croirait-on ? il se plaint de cela dans ses lettres. Il sourit amèrement quand il parle à son ami Mirabeau « de traîner son esponton dans la crotte », et il n’a pas l’air de comprendre que cela, qui le dégoûte, le préserve de traîner son âme, plus avant que son esponton, dans les fanges brillantes de son siècle !
 
En effet, il ne le comprenait pas ! Nous avons parlé des miasmes du temps qui l’atteignirent. Celui qui le pénétra davantage fut la préoccupation des choses littéraires. La gloire des lettres, presque toujours si vaine quand elle n’est pas du plus haut parage, l’attirait avec empire, et c’était peut-être par là qu’il avait pris Voltaire, Voltaire charmé de voir un gentilhomme venir aux lettres et se détourner de ce métier des armes, exécré par les philosophes qui prétendent que la guerre est une barbarie, et qui croient dire, en disant cela, une chose profonde. Eh bien ! même sur ce point comme sur les autres, Vauvenargues faisait sa réserve de gentilhomme. « Il n’y a pas de gloire, écrit-il quelque part, de gloire complète, grande, sans l’éclat des armes. » Ah ! ceci n’est pas du dix-huitième siècle ! Ainsi, au fond de ce griffonneur qui envoyait ses essais à Voltaire, le gentilhomme tenait bon comme le chrétien, et c’est ce fond de Vauvenargues, — puisque son nom se prononce encore, — qui mérite l’étude et l’intérêt de l’histoire. Quand tout ce qui était littéraire se faisait philosophe, Vauvenargues était philosophe comme les autres, puisqu’il avait la rage d’être littéraire ; mais il n’était ni athée comme d’Holbach ou La Mettrie, ni ennemi de Jésus-Christ comme Voltaire, ni matérialiste comme Diderot, ni déiste raccourci et bourgeois comme Jean-Jacques, et il ne parvenait qu’à être sceptique, dans un temps qui ne connaissait que le dogme de toutes les erreurs et leur affirmation la plus véhémente. Le dix-huitième siècle répugne au scepticisme. Il sait à quoi s’en tenir. Il ne doute pas. Celui de Hume, pour qui sait voir, est une négation profondément articulée. Vauvenargues, avec ''sa'' ''Méditation'' ''sur'' ''la'' ''foi'', et les autres passages de ses écrits, que Voltaire appelait des « capucinades », en se priant de les excuser, est un sceptique du dix-neuvième siècle qui a devancé le temps où il aurait dû vivre. Il n’a aucune conclusion arrêtée et ferme dans l’esprit sur les grands problèmes de la destinée spirituelle. Mais il a des impressions d’enfance et des instincts. Comme lord Byron, il a jusqu’à ses heures de prière… Encore une fois, un pareil homme devait, un jour ou l’autre, être à couteaux tirés avec Voltaire, qui n’aimait pas les capucins de Saint-François, mais qui n’en était pas moins le capucin de la philosophie, quêtant perpétuellement pour son Ordre, et qui croyait avoir recruté Vauvenargues parmi les Frères de son couvent.
 
 
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Chateaubriand avait tout, lui, pour être heureux. Il eut la naissance, la beauté, la santé, le succès, la gloire de bonne heure, une femme qui l’aimait et qu’il n’aimait pas (deux profits ; il était adoré et il était tranquille), toutes les bonnes fortunes et la grande, la fortune de l’ambition, des millions, des décorations, une vieillesse illustre, la chapelle ardente de Mme Récamier, et enfin un tombeau préparé à l’avance comme un arc de triomphe, en face de cette mer qu’il avait tant aimée, si jamais il aima quelque chose ! Comparez cela à la destinée de Vauvenargues, pauvre, malade, défiguré, presque aveugle, mourant à trente-et-un ans, criblé de petites dettes, grandes comme des trous de crible ; espèce de Job qui manquait jusque de fumier ! Assurément, des deux, c’était bien celui-ci qui semblait le plus avoir le droit de se plaindre, et ce fut pourtant le moins malheureux. La philosophie n’en avait pas fait le beau buste de marbre blanc que disait Voltaire, mais il croyait aux hommes et il était ambitieux, tandis que Chateaubriand, au milieu de tous ses bonheurs, n’avait jamais cru qu’au profond néant de la vie !
 
C’est, en effet, cette ambition, même infortunée, qui empêcha Vauvenargues de toucher au malheur suprême, car l’ambition est faite dans nos cœurs avec de l’orgueil et de l’espérance, et Vauvenargues mourut avant de désespérer. Il était ambitieux. L’était-il parce qu’il était impuissant, comme les ''gens'' ''boiteux'' ''haïssent'' ''le'' ''logis'' ? Mais enfin il l’était. Il aspirait aux affaires et au gouvernement des hommes. Il se croyait fait pour les diriger. De nombreux passages de ses écrits, relevés avec discernement par M. Gilbert, semblent indiquer cette préoccupation de Vauvenargues, devenue plus profonde dans l’oisiveté d’une garnison. Pour son compte, le commentateur ne doute ni de la préoccupation de cet homme d’État qui se rêvait, ni de son aptitude. A chaque instant il donne Vauvenargues comme un ambitieux qui ne s’était mis à regarder les hommes que pour plus tard les gouverner.
 
Contemplateur dans un but qui n’était pas la connaissance de l’homme elle-même, laquelle est le but unique du moraliste pur, il fut un moraliste malgré lui, en attendant le jour de l’action, et qui sait ? c’était peut-être à cause de cela qu’il fut un moraliste médiocre. En écrivant sur la nature humaine, il s’entretenait cette main inutile, qu’il ne put allonger jamais sur les hommes pour les discipliner ou pour les conduire ; il pelotait, comme on dit, en attendant partie ; mais la partie ne fut pas jouée. Le grand politique, — si réellement il y en avait un en lui, — le grand politique ignoré, qui avait la conscience de sa force, est mort trop tôt pour l’exercer. Dieu lui a épargné de vieillir, de porter longtemps cette force désespérée et vaine qui n’a pas d’autre emploi que de nous peser sur le cœur. Il n’a été qu’un mort de plus dans ce cimetière de Gray, où sont rangées les grandeurs qui n’ont pu aboutir, les génies qui ont gardé leur lumière ! et ni le grand écrivain, ni le grand penseur ne nous consolent du grand homme d’État que nous n’avons pas !
 
Des deux côtés, il a manqué la gloire. La renommée qu’il doit à Voltaire tombera en miettes devant la Critique qui le touchera d’un doigt ferme, comme un vieux tableau pulvérisé. Son nom restera dans l’histoire des lettres, car il est dans la correspondance du diable d’homme qui tient son siècle dans sa main, comme Charlemagne tenait son globe, mais on s’étonnera des mérites que Voltaire a mis sous ce nom. Pour nous, il en a deux qui sont oubliés et qu’il faut remettre en mémoire. Le premier, c’est qu’il resta marquis de Vauvenargues, malgré sa pente vers les idées et les innovations de son temps ; et le second, qu’il eut les jambes gelées dans la campagne de Bohême pour le service de la France et du Roi.
 
 
 
 
 
 
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