« Les Œuvres et les Hommes/Les Philosophes et les Écrivains religieux (1860)/Pascal » : différence entre les versions

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==[[Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/208]]==
poëte de la peur qui a écrit ce grand mot caractéristique de son âme : « Le silence des astres m’épouvante ! » C’est un poète qui a dévoré, dans sa flamme, le géomètre, le philosophe, et même le sceptique qui était en lui, et de cette cendre il a fait jaillir sa poésie ! Poésie naïve s’il en fut, celle-là, car elle ne se sait pas poésie, et quand elle le saurait, elle ne s’en soucierait pas ! Chose prodigieuse ! dans une doctrine qui touche par un seul point à celle de Calvin, mais qui y touche, Pascal a su être un grand poète. Or le calvinisme éteint tout, excepté l’enfer. C’est la seule orthodoxie qu’il ait gardée. Eh bien ! l’enfer a été la source de la formidable poésie de Pascal. C’est par le sentiment, même quand il est inexprimé, de cette poésie terrible, plus que par sa roulette, plus que par un pamphlet toujours populaire, plus que par tout ce qu’il a fait jamais, qu’il est resté le dominateur des esprits, et même de ceux qui lui sont rebelles : car on a répondu, bien ou mal, à toutes ses ''raisons'', et, malgré l’accablante expression de son génie, l’intelligence humaine n’est pas vaincue, mais ses ''sentiments'' emportent tout, et ceux-là qu’il n’a pu convaincre de ce qu’il croit, il les a emportés par la beauté de ce qu’il écrit, et ils conviennent qu’ils sont emportés ! Qui sait, du reste ? peut-être n’y a-t-il pas d’autre manière de mettre les pieds sur ces deux révoltés tenaces, le cœur de l’homme et son esprit !
 
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===IV===
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Et c’est aussi par là qu’il vivra toujours, le Pascal des ''Pensées''. Rien n’est plus immortel qu’un poëte, que la grandeur de sentiment qui fait les poëtes et les héros, car les héros sont aussi des poëtes, les poëtes de l’action ! Les Sciences vieillissent : bonnes femmes qui radotent en nous parlant de leur éternelle jeunesse. Les Philosophies se succèdent. Je ne veux pas dire que Descartes ne soit plus, mais il est bien changé ; on en a fait un universitaire. Quel aplatissement ! S’il revenait au monde, il se trouverait un peu ''verdi'' dans la ''mirette'' de M. Cousin. Après Kant, d’ailleurs, après Schelling, après Hegel, il faut convenir que, même sans M. Cousin, l’homme du ''cogito'' serait un peu terni. Mais Pascal, lui, le Pascal des ''Pensées'', n’a pas, comme on dit, pris un jour. Toute une armée de géomètres a passé pourtant sur le géomètre du dix-septième siècle et planté plus loin que la place où il était tombé l’étendard de la découverte ! Le jansénisme s’en est allé en fumée avec les autres poussières d’un siècle écroulé, et, jusqu’en ce beau livre des ''Pensées'', il s’est trouvé de vastes places qui maintenant font trou dans le reste, comme dans un tableau écaillé. La foi religieuse a pâli. La croyance au surnaturel, qui était le seul naturel pour Pascal, a diminué dans les esprits, retournés vers l’en-bas des choses. Il y a donc tout un Pascal