« Euthydème (trad. Cousin) » : différence entre les versions

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CRITON.
 
Celui dont je demande le nom était assis le troisième à ta droite. [271b] Le fils d'Axiochus<ref><small>Clinias, (01)différent de celui du Protagoras. Voyez Schneider, Memorab. Socrat., p. 256.</small></ref> était entre vous deux. Il me semble qu'il a bien grandi, et qu'il est à peu près de l'âge de mon fils Critobule ; mais Critobule<ref><small>Xenoph., (02)Banquet.</small></ref> est délicat, tandis que l'autre est plus formé, beau et de bonne grâce.
 
SOCRATE.
 
Celui dont tu me demandes le nom s'appelle Euthydème<ref><small>Ce (03)ne peut guère être celui dont parle Xénophon, Memorab. Socrat., IV. C'est plus probablement l'Euthydème du Cratyle. Voyez aussi Aristote, de Sophist. Elench. 10; et Sext. Empyricus, liv. 7.</small></ref>, et celui qui était à ma gauche est son frère Dionysodore<ref><small>Xénophon le donne pour un (04)stratégiste.</small></ref>. Il était aussi de
la conversation.
 
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SOCRATE.
 
Originairement ils sont, je crois, de là-bas, de Chios, et ils étaient allés s'établir à Thurium<ref><small>L'ancienne (05)Sybaris, située entre le Sybaris et le Créthis, détruite par les Crotoniates, rebâtie par une colonie athénienne qui l'appela Thurium, de la fontaine Thuria. Diod. de Sicile, liv. XII, c. 10; Strabon, liv. VI.</small></ref> ; mais ils se sont enfuis de là et rôdent ici autour depuis plusieurs années. Pour ce qui est de leur science, Criton, elle est admirable; ils savent tout. Jusqu'ici j'ignorais encore ce que c'était que des athlètes parfaits; en voilà, grâce à Dieu : ils excellent dans toute espèce d'exercices. Et ils ne sont pas comme les frères Acarnaniens<ref><small>Il (06)n'est fait mention de ces athlètes nulle part ailleurs.</small></ref>[271d] qui ne savaient que les exercices du corps : d'abord ils sont supérieurs dans ce genre par une manière de combattre qui assure toujours la victoire; ils savent très
 
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nos<ref><small>Voyez (07)le Ménexène; et Cicéron, Lettres familières.</small></ref>, fils de Métrobe, qui me donne encore des leçons de musique. Les enfant, mes compagnons, se moquent de moi et appellent Connos le pédagogue des vieillards. J'ai peur qu'on ne raille de même ces étrangers, et qu'à cause de cela ils ne veuillent pas de moi. Voilà pourquoi, Criton, j'ai persuadé à quelques vieillards de venir apprendre avec moi la musique de Connos, [272d] et je tâcherai également de persuader à d'autres de venir apprendre à raisonner. Et si tu me veux croire, tu viendras aussi. Peut-être ne serait-il pas mal de prendre avec nous tes fils, comme un appât; car je suis sûr que pour les avoir ils consentiront à nous instruire.
 
CRITON.
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vais donc t'en faire un récit fidèle depuis le commencement jusqu'à la fin. [272e] Je m'étais assis d'aventure seul où tu me vis, dans l'endroit où l'on quitte ses habits, et déjà je m'étais levé pour sortir, quand le signe divin accoutumé me retint<ref><small>Voyez le (08)Théagès et l'Apologie.</small></ref>. Je m'assis donc de nouveau, et peu [273a] après Euthydème et Dionysodore entrèrent avec une foule de jeunes gens que je pris pour leurs écoliers. Ils se promenèrent un peu sous le portique couvert; et à peine avaient-ils fait deux ou trois tours, que Clinias entra, celui qui te semble, et avec raison, beaucoup grandi, suivi d'un grand nombre d'amans, et entre autres de Ctésippe, jeune homme de Péanée<ref><small>Dème (09)de la tribu Pandionide.</small></ref>, d'un beau naturel, mais un peu emporté, comme on l'est à [273b] son âge. Clinias dès l'entrée m'ayant vu seul, s'approcha de moi, et, ainsi que tu l'as remarqué, vint s'asseoir à ma droite. Dionysodore et Euthydème, le voyant, s'arrêtèrent; ils tinrent ensemble une espèce de conseil, et de temps en temps jetaient les yeux sur nous, car je les observais avec soin. Enfin ils s'approchèrent et s'assirent, Euthydème auprès du jeune homme, et Dionysodore à ma gauche. Les autres prirent
 
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mieux que vous mettre sur la voie de la philosophie et de la vertu ? — Nous le croyons, Socrate. — Vous nous ferez voir le reste avec le temps, mais présentement je ne vous demande que cela. Persuadez à ce jeune homme qu'il faut se donner tout entier à la philosophie et à l'exercice de la vertu, et vous nous obligerez tous, et moi et tous ceux qui sont ici présents; car il se trouve que nous prenons beaucoup d'intérêt à ce jeune homme et souhaitons avec passion qu'il devienne aussi bon que possible. Il est fils d'Axiochus, petit-fils de l'ancien Alcibiade<ref><small>Cet (10)ancien Alcibiade était le grand-père du célèbre Alcibiade, et eut deux fils, Clinias, père d'Alcibiade et de Clinias; et Axiochus, père du Clinias de l'Euthydème.</small></ref>, et cousin germain [275b] d'Alcibiade d'aujourd'hui; son nom est Clinias. Il est encore jeune, et nous craignons ce qu'on doit toujours craindre pour un jeune homme, que quelqu'un s'emparant avant nous de son esprit ne lui fasse prendre un mauvais pli et ne le corrompe. Vous ne pouviez donc arriver plus à propos ; ainsi, si rien ne s'y oppose, éprouvez Clinias et l'entretenez en notre présence. — Quand j'eus parlé à peu près de la sorte, Euthydème me dit d'un air fier et assuré: Rien ne s'y oppose, [275c] Socrate, pourvu que ce jeune homme veuille répondre. — Il y
 
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maîtres ne le sont-ils pas de ceux qui apprennent ? Le joueur de luth, le grammairien étaient tes maîtres ; toi et les autres garçons, vous étiez leurs disciples. — Il en tomba d'accord. — Mais quand vous appreniez, vous ne saviez pas encore les choses que vous appreniez? — Non, sans doute. — Vous n'étiez donc pas [276b] savants quand vous ignoriez ces choses-là ? — Il le faut bien. — Puisque vous n'étiez pas savants, vous étiez donc ignorants?— Il est vrai. — Vous donc qui apprenez les choses que vous ne savez pas, vous les apprenez étant ignorants? — Le jeune homme fit signe que oui. — Ce sont donc les ignorants qui apprennent, Clinias, et non pas les savants, comme tu le pensais.
 
A ces mots, comme un chœur au signal du chef, tous les amis d'Euthydème et de Dionysodore éclatèrent en de grands ris [276c] mêlés d'applaudissements. Le pauvre garçon n'avait pas encore eu le temps de respirer, que Dionysodore, reprenant le discours, lui demanda : Mais, Clinias, quand votre maître récite<ref><small>Chez (11)les Grecs, les enfants n'apportaient pas de livres à l'école, le maître récitait ce que les enfants devaient apprendre. Wolf., Prolégomènes sur Homère, p. III.</small></ref> quelque chose, qui sont ceux qui apprennent ce qu'il récite?
 
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non pas du nombre de ceux qui ont? — Sans doute. — Ce sont donc, Clinias, les ignorants qui apprennent, et non les savants.
 
[277d] Euthydème se préparait, comme dans la lutte, à porter une troisième atteinte à Clinias; mais voyant le jeune homme accablé de tous ces discours, pour le consoler et l'empêcher de perdre courage, je lui dis: Ne t'étonne point, Clinias, de cette manière de discourir, à laquelle tu n'es pas accoutumé. Peut-être ne vois-tu pas le dessein de ces étrangers. Ils font comme les corybantes, quand ils placent sur le trône celui qu'ils veulent initier à leurs mystères ; là on commence par des danses et des jeux, comme tu dois le savoir, si jamais tu as été initié. De même [277e] ces deux étrangers ne font que danser et badiner autour de toi, pour t'initier après. Imagine-toi donc que ce sont ici les préludes des mystères sophistiques; car premièrement, comme Prodicus l'a ordonné, il faut savoir la propriété des mots, ce que ces étrangers viennent d'enseigner. Tu ignorais qu'apprendre<ref><small> (12)Double sens de μανθάνειν.</small></ref> se dit quand on acquiert une connaissance qu'on n'avait pas auparavant, [278a] et aussi quand, après avoir acquis la connaissance d'une chose, on ré-
 
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la science<ref><small>La (13)science relative à cette fabrication.</small></ref> qui enseigne la vraie manière de s'y prendre ? — Oui. — Dans l'usage des biens, dont nous avons parlé d'abord, des richesses, de la santé et de la beauté, c'est donc aussi la science<ref><small>La (14)science est ici pour la sagesse; expression employée plus haut, et à laquelle l'auteur va revenir.</small></ref> [281b] qui apprend à bien s'en servir, ou est-ce quelque autre chose ? — La science. — Ce n'est donc pas seulement le succès, mais le bon usage, que la science enseigne aux hommes dans tout ce qu'ils possèdent et ce qu'ils font. — Il en convint. — Par Jupiter! peut-on posséder utilement une chose sans lumières et sans sagesse ? à quoi sert-il, quand on n'a pas de tête, de posséder et de faire beaucoup de choses; ou d'avoir du bon sens, quand on n'a rien et qu'on ne peut rien faire? fais-y bien attention. En agissant moins, [281c] ne ferait-on pas moins de fautes ? en faisant moins de fautes, ne s'en trouverait-on pas moins mal? et en se trouvant moins mal, n'en serait-on pas moins malheureux? — Oui, répondit Clinias. — Mais qui agit le moins, le riche ou le pauvre? — Le pauvre. — Le fort ou le faible ? — Le faible. — Celui qui a des honneurs ou celui qui n'en a pas? — Celui qui n'en a pas. — Qui agit moins,
 
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un homme de bien ; s'ils savent cela, et il n'y a point à en douter, puisqu'ils annonçaient tout à l'heure qu'ils ont depuis peu trouvé l'art de changer les méchants en gens de bien, accordons-leur ce qu'ils demandent; qu'ils tuent ce jeune homme, pourvu qu'ils en fassent un homme de bien, et qu'ils nous tuent nous-mêmes à ce prix. Si vous avez peur, [285c] vous autres jeunes gens, qu'ils fassent l'expérience sur moi comme<ref><small>Voyez (15)le Lachès. Les Cariens, les Mysiens formaient les esclaves grecs.</small></ref> sur un Carien ; je suis vieux, je courrai volontiers ce danger, et me voilà prêt à m'abandonner à notre Dionysodore, comme à une autre Médée de Colchos<ref><small>Elle (16)persuada les filles de Pélias de faire bouillir leur père dans une cuve pour le rajeunir. Voyez dans Palephate l'explication de cette fable, de incred. hist., 44.</small></ref>. Qu'il me tue, s'il le veut, qu'il me fasse bouillir et tout ce qu'il lui plaira, pourvu qu'il me rende vertueux. Alors, Ctésippe : Je suis prêt aussi, Socrate, à m'abandonner à ces étrangers; et, s'il leur plaît, qu'ils m'écorchent même plus qu'ils ne font à présent, à condition qu'ils tirent de ma peau, [285d] non pas une outre, comme de la peau de Marsyas<ref><small>Tout (17)le inonde connaît la fable de Marsyas, qui ayant disputé à Apollon le prix de la flûte, fut écorché, et l'on fit de sa peau une outre.</small></ref>, mais la vertu.
 
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voua. — Mais nous contredisons-nous, quand ni l'un ni l'autre nous ne disons point la chose comme elle est, ou n'est-il pas plus vrai qu'alors ni l'un ni l'autre ne parle de la chose ? — Ctésippe l'avoua encore, — Mais quand je dis ce qu'une chose est, et que tu dis [286b] une autre chose, nous contredisons-nous alors? ou plutôt ne parle-je pas, moi, de cette chose, tandis que toi, tu n'en parles pas du tout? Et comment celui qui ne parle pas d'une chose pourrait-il contredire celui qui en parle? — A cela, Ctésippe resta muet. Pour moi, étonné de ce que j'entendais : Comment dis-tu cela, Dionysodore? lui demandai-je ; j'ai souvent entendu [286c] mettre en avant cette proposition, et je l'admire toujours. L'école de Protagoras<ref><small>Voyez (18)le Théétète, t. II.</small></ref> et même de plus anciens philosophes s'en servaient ordinairement. Elle m'a toujours semblé merveilleuse, et tout détruire et se détruire elle-même. J'espère que tu m'en apprendras mieux qu'un autre la vraie raison. On ne peut pas dire des choses fausses: c'est là le sens de la proposition, n'est-ce pas? Il faut nécessairement que celui qui parle dise la vérité, ou qu'il ne dise rien du tout? — Dionysodore l'avoua. — [286d] Veut-on dire par là qu'il est impossi-
 
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Le premier, cela est-il juste? lui dis-je. — Très juste. — Et par quelle raison? demandai-je. Évidemment, comme tu t'es donné à nous pour un homme merveilleux en l'art de parler, tu sais parfaitement aussi [287d] quand il faut répondre et quand il ne le faut pas. Ainsi tu ne me réponds point parce que tu ne trouves pas à propos de répondre maintenant. — C'est badiner, dit-il, et non pas répondre. Fais ce que je te dis, mon ami, et réponds, puisque tu conviens que je suis plus habile que toi. — Il faut donc obéir, c'est une nécessité à ce qu'il paraît; tu es le maître. Interroge donc. — Veux-tu dire que ce qui veut dire quelque chose est animé<ref><small>Plaisanterie (19)fondée sur le double sens de νοεῖν.</small></ref>, ou bien crois-tu que les choses inanimées veulent dire quelque chose? — Celles-là seulement qui sont animées. — Eh bien, connais-tu des paroles animées ? — Par Jupiter, non ! — [287e] Pourquoi donc demandais-tu tout à l'heure ce que mes paroles voulaient dire? — Il n'y a pas d'autre raison si ce n'est que je me suis trompé par ignorance. Peut-être aussi que je ne me suis pas trompé, et que j'ai eu raison d'attribuer de l'intelligence aux paroles. Que t'en semble, me suis-je trompé, ou non ?car si je ne me suis pas trompé, tu as beau
 
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être habile, tu ne saurais me réfuter ni que faire de mes paroles ; et si je me suis trompé, tu n'as pas non [288a] plus bien parlé, puisque tu as soutenu qu'il était impossible de se tromper. Et il n'y a pas un an que tu as dit cela. Mais il me semble, ô Dionysodore et Euthydème, que ce discours en reste toujours au même point, et qu'aujourd'hui comme autrefois eu détruisant tout il se détruit lui-même. Votre art même, si admirable de subtilité, n'a pu trouver le moyen d'empêcher cela. — Là-dessus Ctésippe s'écria : Nos amis [288b] de Thurium, de Chios, ou de quelle autre ville il vous plaira, tout ce que vous dites est merveilleux, et il vous coûte peu de rêver éveillés. Craignant qu'ils n'en vinssent aux injures, je tâchai d'apaiser Ctésippe et lui dis : Je te répète, Ctésippe, ce que j'ai déjà dit à Clinias : tu ne connais pas la merveilleuse science de ces étrangers ; ils n'ont pas voulu nous l'exposer sérieusement, mais imiter Protée<ref><small>Odyss., (20)liv. IV, v. 417et suiv.</small></ref>, le sophiste égyptien, et nous tromper par des prestiges. [288c] Imitons donc, de notre côté, Ménélas, et ne leur donnons point de relâche, jusqu'à Ce qu'ils nous aient montré le côté sérieux de leur science; car je suis persuadé que nous aurons
 
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changeât pour nous en or, et qu'il ne servirait à rien de savoir transformer les pierres en or, si nous ne savions pas aussi en faire usage. T'en souvient-il? — Oui, très bien. — Il paraît donc que de même aucune science ne nous apportera d'utilité, ni l'économie<ref><small>Χρηματιστική, (21)la science de l'économie, l'art de faire fortune.</small></ref>, ni la médecine, ni toute autre, si tout en sachant faire elle n'apprenait à se servir de ce qu'elle fait. N'est-ce pas? — Il l'avoua. — Celle même qui [289b] rendrait immortel sans apprendre à faire usage de l'immortalité, ne nous serait pas fort utile, d'après ce que nous avons établi. — Nous fûmes d'accord là-dessus. — Nous avons donc besoin, mon bel enfant, continuai-je, d'une science qui sache faire et sache user de ce qu'elle a fait. — C'est évident, me dit-il. — Il n'est donc point nécessaire que nous soyons faiseurs de lyre, [289c] et que nous apprenions cette science ; car ici l'art de faire et l'art d'user sont deux choses distinctes, et l'art de faire une lyre est bien différent de l'art d'en jouer: n'est-il pas vrai? — Il l'affirma. — Nous n'avons pas non plus besoin de l'art de faire des flûtes, car c'est encore la même chose. — Il en convint. — Mais, au nom des dieux, continuai-je, est-ce peut-être
 
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la seule science qui sache faire usage des choses, il nous parut évident que c'était celle que nous cherchions, qu'elle était la cause de la prospérité [291d] ublique, et qu'en un mot, selon le vers d'Eschyle<ref><small>Voyez (22)le second vers des Sept devant Thèbes.</small></ref>, elle était seule assise au gouvernail de l'état, dirigeant tout et commandant à tout pour l'utilité commune.
 
CRITON.
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Aussi, Criton, nous voyant tombés dans [293a] cet embarras, j'invoquai les étrangers comme les
 
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dioscures<ref><small>Castor (23)et Pollux, lils de Jupiter, dieux des navigateurs.</small></ref>, et les priai de toute la force de ma voix de venir à notre secours, de dissiper cette tempête, de prendre enfin la chose au sérieux, et de nous enseigner sérieusement cette science dont nous avons besoin pour passer heureusement le reste de notre vie.
 
CRITON.
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je crois, tout récemment, qui attaquant Hercule par la gauche, et le poussant vivement, le força d'appeler à son secours son neveu Iolas ; et celui-ci lui arriva [297d] bien à propos. Mais si Patrocle, mon lolas, arrivait, les choses n'en iraient que plus mal<ref><small>Sur (24)le combat d'Hercule et d'Iolas, contre l'hydre et le Cancer, Voyez Palephate, De Incred.; et Apollodore, II. 5. 2. —Patrocle est un frère peu connu de Socrate. Il n'en est pas question ailleurs dans l'antiquité, à moins qu'avec Hemsterhuis on ne veuille le voir dans le sculpteur cité dans le Songe de Lucien, t I, p. 198.</small></ref>. — Réponds-moi, dit Dionysodore, puisque c'est toi qui mets le discours là-dessus : lolas était-il plutôt neveu d'Hercule que le tien? — Je vois bien, Dionysodore, que le meilleur parti est de te répondre, autrement tu ne mettrais jamais fin à tes interrogations, quoique je sache bien que c'est par jalousie que tu veux m'empêcher d'apprendre d'Euthydème le secret qu'il allait me dire. — Réponds donc, me dit-il. — Oui, je réponds qu'Iolas était neveu d'Hercule, [297e] et qu'il n'est pas du tout le mien, à ce qu'il me semble, car mon frère Patrocle n'était pas son père. C'était, il est vrai, un nom à peu près semblable, Iphiclès<ref><small>En (25)grec Patroclès et Iphiclès. Cette allusion à la ressemblance de désinence est intraduisible en français.</small></ref>, frère d'Hercule. — Patrocle est
 
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Le même. — Je n'y pourrais consentir. Mais [298c] dis-moi, Euthydème, est-il seulement mon père, où l'est-il aussi des autres hommes ? — Aussi des autres, répondit-il. Voudrais - tu qu'un même homme fût père et ne le fût pas? — Je l'aurais cru, dit Ctésippe. — Que l'or ne fût pas de l'or, qu'un homme ne fût pas un homme ? — Prends garde, Euthydème ; tu ne mêles pas, comme on dit, le lin avec le lin<ref><small>Proverbe (26): dire des choses qui ne vont pas ensemble, des choses absurdes.</small></ref> ; certes, tu m'apprends là une chose admirable, que ton père est père de tous les hommes. — Il l'est toutefois. — Mais, dit Ctésippe, n'est-il père que des hommes, ou l'est-il aussi des chevaux et de tous les autres animaux? [298d] — Il l'est aussi de tous les autres animaux. — Et ta mère, est-elle aussi la mère de tous les autres animaux ? — Elle l'est aussi. — Ta mère est donc la mère de tous les cancres marins?— Et la tienne aussi. — Tu es donc le frère des goujons, des petits chiens et des petits cochons? — Et toi aussi. — De plus, tu as pour père un chien? — Et toi aussi. — Là-dessus Dionysodore : Si tu veux me répondre, Ctésippe, je te le ferai avouer aussitôt. Dis-moi, as - tu un chien ? — Oui, répondit Ctésippe, et fort méchant. [298e] — A-t-il des petits? —
 
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le ventre, un talent dans la tète, et un statère d'or dans chaque œil. — On dit en effet, Euthydème, reprit Ctésippe, que parmi les Scythes, ceux-là sont estimés les plus riches et même les plus gens de bien qui ont le plus d'or dans leurs crânes<ref><small>Euthydème avait dit : Le chien, père de ton chien, est à toi, c'est un père à toi, donc il est ton père. De même ici Ctésippe, pour se moquer d'Euthydème, dit que les Scythes mettent de l'or dans les têtes de leurs amis ou parents ou même ennemis qu'ils possèdent, qui sont à eux, c'est-à-dire dans leurs têtes. — Sur cette coutume des Scythes, voyez Hérodote, liv. IV. (27)</small></ref>, pour parler comme toi, qui disais tout à l'heure que le chien était mon père ; ce qu'il y a de plus merveilleux, c'est qu'ils boivent dans leurs crânes dorés, qu'ils voient dedans, et tiennent leurs fronts dans leurs mains. [300a] — Euthydème reprenant la parole : Un Scythe ou un autre homme, Ctésippe, voit-il ce qu'il peut voir, ou ce qu'il ne peut pas voir? — Il voit ce qu'il peut voir. — Et toi aussi, Ctésippe? — Et moi de même. — Ne vois-tu pas nos habits? — Oui. — Ils sont donc en vue, et ils ont de la vue<ref><small>Le (28)texte : δυνατὰ ὁρᾶν. Ils peuvent voir et on peut les voir.</small></ref>? — A merveille! dit Ctésippe — Et quoi? demanda Euthydème. — Rien. Tu
 
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vos écoliers d'en user de la sorte, et de n'en parler qu'entre eux ou avec vous; car la rareté, Euthydème, met le prix aux choses, et l'eau, comme dit Pindare, se vend à vil prix<ref><small>Olymp., (29)I, 1.</small></ref> quoiqu'elle soit ce qu'il y a de plus précieux. Au reste, veuillez nous admettre, Clinias et moi, au nombre de vos disciples.
 
Après ces mots et quelques autres semblables, Criton, nous nous séparâmes. Vois donc si tu veux prendre avec nous des leçons [304c] de ces étrangers. Ils promettent d'apprendre leur art à quiconque veut les payer; ils n'excluent aucun esprit ni aucun âge, et même, ce qu'il est bon que tu saches, ils assurent que rien n'empêche celui qui s'est adonné aux affaires, d'apprendre facilement leur art.
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NOTES 455
 
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[[Catégorie:Philosophie]]