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de cet abus des forces militaires détournées de leur destination et employées à cette étrange campagne? On a usé de tous les moyens ; on est allé jusqu’à se servir de ces braves et utiles pompiers qui n’ont jamais eu à faire un pareil service, même sous l’empire. Ailleurs on a mis en mouvement des bataillons, des escadrons pour cerner quelques moines, et pendant près d’une semaine la France s’est égayée des bulletins du siège d’un couvent. Le ridicule s’est mêlé ici aux choses sérieuses.
de cet abus des forces militaires détournées de leur destination et employées à cette étrange campagne ? On a usé de tous les moyens ; on est allé jusqu’à se servir de ces braves et utiles pompiers qui n’ont jamais eu à faire un pareil service, même sous l’empire. Ailleurs on a mis en mouvement des bataillons, des escadrons pour cerner quelques moines, et pendant près d’une semaine la France s’est égayée des bulletins du siège d’un couvent. Le ridicule s’est mêlé ici aux choses sérieuses.


Disons le mot : on abuse un peu du soldat, qui devrait être réservé pour d’autres rôles et d’autres missions plus dignes de notre armée. On mêle le soldat à tout, au siège des couvens comme à la répression des désordres parlementaires, ainsi qu’on vient de le voir ces jours derniers encore. Entendons-nous bien. M. le président de la chambre, selon son jugement, a cru devoir appliquer un article du règlement qui autorise l’exclusion temporaire d’un député. Qu’il ait été strictement juste ou rigoureux, c’était un droit de son autorité, et c’était une faute évidente de vouloir résister, de se mettre en insurrection contre la discipline parlementaire. Mais fallait-il pour cela appeler un détachement de chasseurs dans l’enceinte du parlement? D’abord des soldats ne devraient pas quitter leurs armes pour être employés comme auxiliaires de police ; ils ne sont pas faits pour cela. De plus, croit-on qu’il soit bien prudent d’accoutumer le soldat à fouler les banquettes d’une assemblée et à mettre la main sur le collet d’un député, à user en un mot de la force qu’il représente, tantôt pour un article de règlement, tantôt pour une question de légalité douteuse? On a sous la main un docile instrument de puissance, et on en abuse, au risque de créer de redoutables précédens. Rien de semblable n’arriverait, si au lieu de semer l’irritation et de faire de la république un régime de combat, de domination de parti, on en faisait le régime des libertés respectées, de la tolérance entre les opinions.
Disons le mot : on abuse un peu du soldat, qui devrait être réservé pour d’autres rôles et d’autres missions plus dignes de notre armée. On mêle le soldat à tout, au siège des couvens comme à la répression des désordres parlementaires, ainsi qu’on vient de le voir ces jours derniers encore. Entendons-nous bien. M. le président de la chambre, selon son jugement, a cru devoir appliquer un article du règlement qui autorise l’exclusion temporaire d’un député. Qu’il ait été strictement juste ou rigoureux, c’était un droit de son autorité, et c’était une faute évidente de vouloir résister, de se mettre en insurrection contre la discipline parlementaire. Mais fallait-il pour cela appeler un détachement de chasseurs dans l’enceinte du parlement ? D’abord des soldats ne devraient pas quitter leurs armes pour être employés comme auxiliaires de police ; ils ne sont pas faits pour cela. De plus, croit-on qu’il soit bien prudent d’accoutumer le soldat à fouler les banquettes d’une assemblée et à mettre la main sur le collet d’un député, à user en un mot de la force qu’il représente, tantôt pour un article de règlement, tantôt pour une question de légalité douteuse ? On a sous la main un docile instrument de puissance, et on en abuse, au risque de créer de redoutables précédens. Rien de semblable n’arriverait, si au lieu de semer l’irritation et de faire de la république un régime de combat, de domination de parti, on en faisait le régime des libertés respectées, de la tolérance entre les opinions.


Il y a tous les ans, à Londres, en l’absence du parlement dispersé pour quelque temps, une réunion traditionnelle où comparaît la politique britannique, où il y a aussi une place pour la politique européenne représentée par la diplomatie étrangère: c’est le banquet de Guildhall, ce banquet de la Cité de Londres où l’hospitalité anglaise se déploie avec tout son luxe de vieux usages et de vieux costumes. Plus d’une fois, autour de cette table somptueuse, des paroles graves et retentissantes ont été prononcées. C’est là que lord Beaconsfield, il y a quelques années à peine, à la veille de la dernière guerre d’Orient, lançait d’un accent superbe des déclarations auxquelles répondait l’empereur Alexandre passant à Moscou. L’autre jour, dans des circonstances moins critiques, bien qu’assez sérieuses encore, le lord-maire récemment élu, M. Mac-Arthur, recevait à son tour, avec l’antique cérémonial, les chefs du nouveau ministère de la reine, les représentai de la diplomatie étrangère. Le chef du cabinet, remis de sa récente
Il y a tous les ans, à Londres, en l’absence du parlement dispersé pour quelque temps, une réunion traditionnelle où comparaît la politique britannique, où il y a aussi une place pour la politique européenne représentée par la diplomatie étrangère : c’est le banquet de Guildhall, ce banquet de la Cité de Londres où l’hospitalité anglaise se déploie avec tout son luxe de vieux usages et de vieux costumes. Plus d’une fois, autour de cette table somptueuse, des paroles graves et retentissantes ont été prononcées. C’est là que lord Beaconsfield, il y a quelques années à peine, à la veille de la dernière guerre d’Orient, lançait d’un accent superbe des déclarations auxquelles répondait l’empereur Alexandre passant à Moscou. L’autre jour, dans des circonstances moins critiques, bien qu’assez sérieuses encore, le lord-maire récemment élu, M. Mac-Arthur, recevait à son tour, avec l’antique cérémonial, les chefs du nouveau ministère de la reine, les représentai de la diplomatie étrangère. Le chef du cabinet, remis de sa récente