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terres est né le droit. Toutes ces vues n’ont rien que de juste, de noble et d’élevé.
terres est né le droit. Toutes ces vues n’ont rien que de juste, de noble et d’élevé.


Dans ''le Contrat social'', on voit également un combat dans l’esprit de Rousseau entre les vrais principes et les instincts révolutionnaires. Il prétend que chacun, en entrant dans le corps social, se donne tout entier « avec toutes ses forces, dont ses biens font partie. » Mais cette aliénation est loin d’être une spoliation de nos biens; car, « au contraire, la communauté nous en assure par là même la légitime possession et change l’usurpation en droit, la jouissance en propriété. » Sans doute c’est bien là, si l’on veut, faire encore dépendre la propriété de la loi civile, mais c’était alors la théorie commune des publicistes et des législateurs. Bossuet disait également : « Tous les droits viennent de l’autorité civile. » Cependant Rousseau, aussitôt après avoir posé le droit de propriété, se hâtait d’en fixer les limites : « Le droit que chaque particulier a sur son propre fonds est subordonné au droit que la communauté a sur tous. » En même temps, l’instinct du niveleur se faisait encore sentir dans une note célèbre où il disait que « les lois sont toujours utiles à ceux qui possèdent et nuisibles à ceux qui n’ont rien ; d’où il suit que l’état social n’est avantageux aux hommes qu’autant qu’ils ont tous quelque chose et qu’aucun n’a rien de trop. » Au fond, nous ne trouvons donc dans Jean-Jacques Rousseau que des doctrines incohérentes sur la propriété, tantôt justes, tantôt erronées, et il a plutôt fourni au socialisme moderne des formules que des argumens. Il n’en est pas de même de son disciple Mably, qui, sans écrire comme Rousseau sous l’empire de l’esprit de révolte et de la haine servile, a donné le premier toute la théorie du communisme.
Dans ''le Contrat social'', on voit également un combat dans l’esprit de Rousseau entre les vrais principes et les instincts révolutionnaires. Il prétend que chacun, en entrant dans le corps social, se donne tout entier « avec toutes ses forces, dont ses biens font partie. » Mais cette aliénation est loin d’être une spoliation de nos biens ; car, « au contraire, la communauté nous en assure par là même la légitime possession et change l’usurpation en droit, la jouissance en propriété. » Sans doute c’est bien là, si l’on veut, faire encore dépendre la propriété de la loi civile, mais c’était alors la théorie commune des publicistes et des législateurs. Bossuet disait également : « Tous les droits viennent de l’autorité civile. » Cependant Rousseau, aussitôt après avoir posé le droit de propriété, se hâtait d’en fixer les limites : « Le droit que chaque particulier a sur son propre fonds est subordonné au droit que la communauté a sur tous. » En même temps, l’instinct du niveleur se faisait encore sentir dans une note célèbre où il disait que « les lois sont toujours utiles à ceux qui possèdent et nuisibles à ceux qui n’ont rien ; d’où il suit que l’état social n’est avantageux aux hommes qu’autant qu’ils ont tous quelque chose et qu’aucun n’a rien de trop. » Au fond, nous ne trouvons donc dans Jean-Jacques Rousseau que des doctrines incohérentes sur la propriété, tantôt justes, tantôt erronées, et il a plutôt fourni au socialisme moderne des formules que des argumens. Il n’en est pas de même de son disciple Mably, qui, sans écrire comme Rousseau sous l’empire de l’esprit de révolte et de la haine servile, a donné le premier toute la théorie du communisme.


L’abbé de Mably, aujourd’hui l’un des auteurs les plus oubliés du XVIIIe siècle, en a été cependant l’un des plus célèbres et des plus influens. La preuve en est dans l’abondance des éditions qui ont été faites de ses œuvres. Mably et Raynal ont eu le même sort : ils ont eu la même popularité et la même décadence. Ceux qui pratiquent un peu la librairie d’occasion savent que, s’il y a quelque chose de plus commun sur les quais que les œuvres de l’abbé Raynal, ce sont les œuvres de l’abbé Mably : preuve incontestable de l’influence de ces deux personnages. Pour nous en tenir à Mably, J -J. Rousseau, qui l’a beaucoup connu, prétend avoir été pillé par lui. C’est une erreur ou du moins une exagération, car Mably s’est inspiré directement de l’antiquité, au moins autant que de Rousseau. C’est de Platon qu’il a emprunté les deux principes de sa philosophie politique, principes qu’il a transmis à nos révolutionnaires. Le premier, c’est que l’état a pour mission de faire régner la vertu; le second, c’est que la propriété individuelle est
L’abbé de Mably, aujourd’hui l’un des auteurs les plus oubliés du XVIIIe siècle, en a été cependant l’un des plus célèbres et des plus influens. La preuve en est dans l’abondance des éditions qui ont été faites de ses œuvres. Mably et Raynal ont eu le même sort : ils ont eu la même popularité et la même décadence. Ceux qui pratiquent un peu la librairie d’occasion savent que, s’il y a quelque chose de plus commun sur les quais que les œuvres de l’abbé Raynal, ce sont les œuvres de l’abbé Mably : preuve incontestable de l’influence de ces deux personnages. Pour nous en tenir à Mably, J -J. Rousseau, qui l’a beaucoup connu, prétend avoir été pillé par lui. C’est une erreur ou du moins une exagération, car Mably s’est inspiré directement de l’antiquité, au moins autant que de Rousseau. C’est de Platon qu’il a emprunté les deux principes de sa philosophie politique, principes qu’il a transmis à nos révolutionnaires. Le premier, c’est que l’état a pour mission de faire régner la vertu ; le second, c’est que la propriété individuelle est