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savons que le spectacle de la nature et surtout la contemplation du ciel lui a toujours causé les plus vives émotions. C’est de là peut-être que lui vint cette sympathie secrète pour la religion qui a le mieux compris la nature et qui en adore les phénomènes et les forces divinisées. « Dès mon enfance, nous dit-il, je fus pris d’un amour violent pour les rayons de l’astre divin. Tout jeune, j’élevais mon esprit vers la lumière éthérée; et non-seulement je désirais fixer sur elle mes regards pendant le jour, mais la nuit même, par un ciel serein et pur, je quittais tout pour aller admirer les beautés célestes; absorbé dans cette contemplation, je n’écoutais pas ceux, qui me parlaient et je perdais conscience de moi-même. » On reconnaît, à ces paroles émues, celui qui plus tard devait s’appeler lui-même « le serviteur du Roi-Soleil. » Je ne doute pas que ces premiers germes n’aient été cultivés en lui de bonne heure par quelqu’un de ceux qui l’approchaient. Parmi les gens qui vivaient alors dans la domesticité des grandes familles chrétiennes, il devait s’en trouver plus d’un qui, sans qu’on le sût, était resté païen et qui essayait de faire naître le regret de l’ancienne religion dans les cœurs qu’il voyait mal disposés pour la nouvelle. On a beaucoup remarqué la tendresse avec laquelle Julien parle de Mardonius, son premier maître : c’était un eunuque qui, après avoir élevé sa mère, fut mis près de lui dès son enfance et qui lui apprit à comprendre et à aimer les poètes grecs. Il est probable qu’en lui faisant lire ''l’Iliade'' et ''l’Odyssée'', il lui donna le goût des fictions charmantes dont ces beaux poèmes sont remplis et des dieux qui en sont les héros ordinaires. Sa jeune imagination s’habitua dès lors à les fréquenter, et ils devinrent les premiers compagnons, les plus chers confidens de son enfance solitaire et persécutée.
savons que le spectacle de la nature et surtout la contemplation du ciel lui a toujours causé les plus vives émotions. C’est de là peut-être que lui vint cette sympathie secrète pour la religion qui a le mieux compris la nature et qui en adore les phénomènes et les forces divinisées. « Dès mon enfance, nous dit-il, je fus pris d’un amour violent pour les rayons de l’astre divin. Tout jeune, j’élevais mon esprit vers la lumière éthérée ; et non-seulement je désirais fixer sur elle mes regards pendant le jour, mais la nuit même, par un ciel serein et pur, je quittais tout pour aller admirer les beautés célestes ; absorbé dans cette contemplation, je n’écoutais pas ceux, qui me parlaient et je perdais conscience de moi-même. » On reconnaît, à ces paroles émues, celui qui plus tard devait s’appeler lui-même « le serviteur du Roi-Soleil. » Je ne doute pas que ces premiers germes n’aient été cultivés en lui de bonne heure par quelqu’un de ceux qui l’approchaient. Parmi les gens qui vivaient alors dans la domesticité des grandes familles chrétiennes, il devait s’en trouver plus d’un qui, sans qu’on le sût, était resté païen et qui essayait de faire naître le regret de l’ancienne religion dans les cœurs qu’il voyait mal disposés pour la nouvelle. On a beaucoup remarqué la tendresse avec laquelle Julien parle de Mardonius, son premier maître : c’était un eunuque qui, après avoir élevé sa mère, fut mis près de lui dès son enfance et qui lui apprit à comprendre et à aimer les poètes grecs. Il est probable qu’en lui faisant lire ''l’Iliade'' et ''l’Odyssée'', il lui donna le goût des fictions charmantes dont ces beaux poèmes sont remplis et des dieux qui en sont les héros ordinaires. Sa jeune imagination s’habitua dès lors à les fréquenter, et ils devinrent les premiers compagnons, les plus chers confidens de son enfance solitaire et persécutée.


Quand il eut grandi et qu’on lui laissa suivre les cours des professeurs en renom, il trouva partout autour de lui un préjugé puissant que partageaient ses maîtres et ses camarades, et auquel il ne pouvait pas échapper : c’était, chez tous les élèves des sophistes, une sorte d’enivrement pour la gloire de leur pays, un sentiment profond de la supériorité de la race hellénique, qui se manifestait par le mépris de toutes les autres. Rome a vaincu la Grèce, mais elle n’a jamais pu la dominer. Comme elle lui était inférieure par l’esprit, elle n’est pas parvenue à lui imposer sa civilisation et sa langue. Il y a toujours eu, dans ce vaste empire soumis au même
Quand il eut grandi et qu’on lui laissa suivre les cours des professeurs en renom, il trouva partout autour de lui un préjugé puissant que partageaient ses maîtres et ses camarades, et auquel il ne pouvait pas échapper : c’était, chez tous les élèves des sophistes, une sorte d’enivrement pour la gloire de leur pays, un sentiment profond de la supériorité de la race hellénique, qui se manifestait par le mépris de toutes les autres. Rome a vaincu la Grèce, mais elle n’a jamais pu la dominer. Comme elle lui était inférieure par l’esprit, elle n’est pas parvenue à lui imposer sa civilisation et sa langue. Il y a toujours eu, dans ce vaste empire soumis au même