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qu’une médiocre garantie. Dominé comme l’était le roi par ses ministres et les courtisans, effrayé des manifestations de l’opinion, ne pouvait-il pas trahir ceux-là mêmes qu’il avait assurés de son attachement? D’ailleurs, dans ce que le gouvernement réclamait du clergé, il y avait au moins une apparence d’équité; un nouveau département était chose des plus justes; s’il avait le tort de porter l’inquiétude dans le clergé, l’estimation plus rigoureuse de ses biens, de la nature et du revenu des bénéfices, n’en était pas moins une mesure nécessaire, et sur ce point Louis XV pouvait se laisser aisément convaincre par son conseil. C’est en effet ce qui arriva. Le roi maintint à cet égard sa résolution; mais l’assemblée ne voulut pas d’abord se rendre et elle persista à repousser la mesure, « La justice et la magnanimité de Votre Majesté, répliquaient au roi les députés, nous sont si connues qu’elles nous autorisent à répondre que nous ne consentirons jamais que ce qui a été le don de notre amour et de notre respect devienne le tribut de notre obéissance. » La résistance de l’assemblée rencontrait un puissant appui dans celle qu’opposaient à l’impôt du vingtième les pays d’état. Dans la Bretagne, l’Artois, le Languedoc, la Provence, l’assemblée des trois ordres s’était prononcée contre le nouvel impôt, et les évêques n’avaient pas été les moins ardens à le combattre. Dans le Languedoc, l’opposition de ceux-ci avait pris un caractère particulier de violence, et le gouvernement, pour la faire cesser, avait exilé les prélats et plusieurs des députés de la noblesse. Mais il ne pouvait pas user d’un pareil moyen envers l’assemblée qui représentait l’ensemble du clergé français et avoir ainsi raison de ses refus. Tous les efforts qu’il tenta pour lui faire accepter l’impôt du vingtième échouèrent. Louis XV se fatigua des perpétuelles réclamations des évêques et des ecclésiastiques, dont les conciliabules s’étaient organisés en différens diocèses et où ils ne parlaient rien moins que de souffrir le martyre plutôt que d’abandonner leurs privilèges. Il commanda à Machault d’en finir de quelque façon que ce fût avec cette affaire. Le ministre prit le parti d’en revenir aux habitudes traditionnelles. Il fit convoquer pour 1751 une nouvelle assemblée (en vue de lui demander simplement un don gratuit. La couronne avait donc eu le dessous; elle se déjugeait et, comme le remarque d’Argenson, elle se déconsidérait ''en chantant la palinodie''. Le clergé avait eu l’heureuse chance d’avoir pour lui le public dans son opposition à l’impôt du vingtième, car ce public n’entendait pas plus que le clergé être obligé à le payer. Après avoir remporté la victoire, l’ordre ecclésiastique ne s’en montra que plus résolu à ne pas laisser désormais porter atteinte à ses immunités. Mais n’ayant plus pour le moment à craindre de se voir taxé malgré lui, il ne se refusa plus à faire droit aux justes demandes du gouvernement.
qu’une médiocre garantie. Dominé comme l’était le roi par ses ministres et les courtisans, effrayé des manifestations de l’opinion, ne pouvait-il pas trahir ceux-là mêmes qu’il avait assurés de son attachement ? D’ailleurs, dans ce que le gouvernement réclamait du clergé, il y avait au moins une apparence d’équité ; un nouveau département était chose des plus justes ; s’il avait le tort de porter l’inquiétude dans le clergé, l’estimation plus rigoureuse de ses biens, de la nature et du revenu des bénéfices, n’en était pas moins une mesure nécessaire, et sur ce point Louis XV pouvait se laisser aisément convaincre par son conseil. C’est en effet ce qui arriva. Le roi maintint à cet égard sa résolution ; mais l’assemblée ne voulut pas d’abord se rendre et elle persista à repousser la mesure, « La justice et la magnanimité de Votre Majesté, répliquaient au roi les députés, nous sont si connues qu’elles nous autorisent à répondre que nous ne consentirons jamais que ce qui a été le don de notre amour et de notre respect devienne le tribut de notre obéissance. » La résistance de l’assemblée rencontrait un puissant appui dans celle qu’opposaient à l’impôt du vingtième les pays d’état. Dans la Bretagne, l’Artois, le Languedoc, la Provence, l’assemblée des trois ordres s’était prononcée contre le nouvel impôt, et les évêques n’avaient pas été les moins ardens à le combattre. Dans le Languedoc, l’opposition de ceux-ci avait pris un caractère particulier de violence, et le gouvernement, pour la faire cesser, avait exilé les prélats et plusieurs des députés de la noblesse. Mais il ne pouvait pas user d’un pareil moyen envers l’assemblée qui représentait l’ensemble du clergé français et avoir ainsi raison de ses refus. Tous les efforts qu’il tenta pour lui faire accepter l’impôt du vingtième échouèrent. Louis XV se fatigua des perpétuelles réclamations des évêques et des ecclésiastiques, dont les conciliabules s’étaient organisés en différens diocèses et où ils ne parlaient rien moins que de souffrir le martyre plutôt que d’abandonner leurs privilèges. Il commanda à Machault d’en finir de quelque façon que ce fût avec cette affaire. Le ministre prit le parti d’en revenir aux habitudes traditionnelles. Il fit convoquer pour 1751 une nouvelle assemblée (en vue de lui demander simplement un don gratuit. La couronne avait donc eu le dessous ; elle se déjugeait et, comme le remarque d’Argenson, elle se déconsidérait ''en chantant la palinodie''. Le clergé avait eu l’heureuse chance d’avoir pour lui le public dans son opposition à l’impôt du vingtième, car ce public n’entendait pas plus que le clergé être obligé à le payer. Après avoir remporté la victoire, l’ordre ecclésiastique ne s’en montra que plus résolu à ne pas laisser désormais porter atteinte à ses immunités. Mais n’ayant plus pour le moment à craindre de se voir taxé malgré lui, il ne se refusa plus à faire droit aux justes demandes du gouvernement.