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La fin inopinée du premier roi d’Italie a terminé une carrière. peut-être unique, peut-être sans analogue dans l’histoire. On a parfois comparé l’heureux Piémontais à notre Béarnais, à Henri IV; d’autres ont prononcé le nom de Guillaume d’Orange, d’autres celui de Léopold Ier roi des Belges. Tous les parallèles de ce genre peuvent porter sur les caractères ou les aptitudes, non sur les situations et les destinées. S’il y a eu trop souvent des peuples dans l’état de servitude ou de morcellement où Victor-Emmanuel a trouvé l’Italie, il ne s’était pas encore rencontré de prince pour les en tirer.
La fin inopinée du premier roi d’Italie a terminé une carrière. peut-être unique, peut-être sans analogue dans l’histoire. On a parfois comparé l’heureux Piémontais à notre Béarnais, à Henri IV ; d’autres ont prononcé le nom de Guillaume d’Orange, d’autres celui de Léopold Ier roi des Belges. Tous les parallèles de ce genre peuvent porter sur les caractères ou les aptitudes, non sur les situations et les destinées. S’il y a eu trop souvent des peuples dans l’état de servitude ou de morcellement où Victor-Emmanuel a trouvé l’Italie, il ne s’était pas encore rencontré de prince pour les en tirer.


Victor-Emmanuel a été ce qu’il y a de plus rare au monde, ce qui ne se voit d’ordinaire qu’aux âges héroïques : un fondateur d’état. C’était un roi qui avait fait son royaume, ou mieux un roi qui avait fait une nation. En lui s’étaient incarnées les espérances séculaires de tout un peuple; par lui se sont réalisés les rêves les plus hardis des poètes et l’utopie la plus invraisemblable des penseurs de l’Italie. Quand on mesure la distance du modeste berceau de Turin aux somptueuses funérailles du Panthéon d’Agrippa, on comprend toutes les hyperboles, toutes les hymnes dont les cent villes de la péninsule ont récemment retenti en l’honneur du fils de Charles-Albert. Pour les Italiens, Victor-Emmanuel a été le libérateur vainement attendu depuis des siècles, une sorte de rédempteur qui les a rachetés de l’humiliation et de la servitude. On a pu à l’étranger croire qu’aux yeux de ses nouveaux sujets l’ancien roi de Piémont était effacé par tel ou tel de ses collaborateurs, par Cavour aux yeux des uns, aux yeux des autres par Garibaldi. Il n’en était rien ; pour l’ensemble de la nation, Victor-Emmanuel est toujours resté la vivante personnification de l’Italie nouvelle. A ce titre, aucun homme, même parmi les plus grands, n’a tenu dans aucun pays une aussi large place, aucune mort ne pouvait laisser un pareil vide.
Victor-Emmanuel a été ce qu’il y a de plus rare au monde, ce qui ne se voit d’ordinaire qu’aux âges héroïques : un fondateur d’état. C’était un roi qui avait fait son royaume, ou mieux un roi qui avait fait une nation. En lui s’étaient incarnées les espérances séculaires de tout un peuple ; par lui se sont réalisés les rêves les plus hardis des poètes et l’utopie la plus invraisemblable des penseurs de l’Italie. Quand on mesure la distance du modeste berceau de Turin aux somptueuses funérailles du Panthéon d’Agrippa, on comprend toutes les hyperboles, toutes les hymnes dont les cent villes de la péninsule ont récemment retenti en l’honneur du fils de Charles-Albert. Pour les Italiens, Victor-Emmanuel a été le libérateur vainement attendu depuis des siècles, une sorte de rédempteur qui les a rachetés de l’humiliation et de la servitude. On a pu à l’étranger croire qu’aux yeux de ses nouveaux sujets l’ancien roi de Piémont était effacé par tel ou tel de ses collaborateurs, par Cavour aux yeux des uns, aux yeux des autres par Garibaldi. Il n’en était rien ; pour l’ensemble de la nation, Victor-Emmanuel est toujours resté la vivante personnification de l’Italie nouvelle. A ce titre, aucun homme, même parmi les plus grands, n’a tenu dans aucun pays une aussi large place, aucune mort ne pouvait laisser un pareil vide.


Le fondateur de l’unité italienne n’était point ce qu’on appelle un
Le fondateur de l’unité italienne n’était point ce qu’on appelle un