« Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 26.djvu/228 » : différence entre les versions

Phe-bot (discussion | contributions)
m Phe: split
 
Phe-bot (discussion | contributions)
m Typographie
Contenu (par transclusion) :Contenu (par transclusion) :
Ligne 1 : Ligne 1 :
conjonction des centres est de toutes les choses difficiles la plus difficile. En second lieu, M. de Bismarck proposait aux libéraux de supprimer les contributions matriculaires et de pourvoir au déficit du trésor impérial par la création de nouvelles taxes indirectes et par l’établissement du régime protecteur. Or les libéraux-nationaux sont pour la plupart libres-échangistes, et ils ont un goût médiocre pour les taxes indirectes, parce qu’elles assurent au gouvernement des ressources permanentes et qu’ils craignent de lui en procurer trop. L’expérience leur a appris qu’en Prusse le gouvernement n’est aimable que lorsqu’il est besoigneux; a-t-il les mains pleines, il le prend de très haut avec son parlement. Enfin M. de Bismarck se résignait à créer des ministres de l’empire, mais il entendait que ces ministres fussent ses instrumens, ses subordonnés, et qu’ils ne partageassent point la responsabilité avec lui. Les nationaux-libéraux n’admettent pas qu’un ministre ne soit pas responsable. Ils ont estimé que la transaction qu’on leur proposait était incompatible avec leurs principes, et, bien qu’ils soient opportunistes, ils se sont rappelé le mot d’un de leurs chefs d’autrefois, M. Twesten, qui disait : « Une certaine fixité dans les principes est ce qui fait la différence entre un homme politique et un mollusque. » Ils avaient, eux aussi, leur solution, qu’ils n’ont jamais cessé de préconiser; mais elle avait peu de chances d’être goûtée à Varzin. Ils désirent que la Prusse ait désormais un gouvernement parlementaire, et que cette Prusse parlementaire revendique hautement son hégémonie et son droit de gouverner l’Allemagne. Ils entendent, en un mot, que le cabinet prussien soit composé de ministres nationaux-libéraux, et que du même coup ces ministres libéraux, mais prussiens, deviennent les ministres responsables de l’empire germanique. C’est ce qu’ils appellent en finir avec le dualisme, et le dualisme leur est odieux. Cette combinaison a du moins le mérite de la simplicité; par malheur, c’est un genre de mérite qu’apprécie peu M. de Bismarck. Quelqu’un a dit : ''Divide et impera''. La devise du chancelier de l’empire est que, pour rester toujours le maître, il faut compliquer beaucoup les choses. Les idées très simples lui sont suspectes, il les repousse sans les examiner, comme cet orateur d’opposition qui s’écriait en discutant une mesure proposée par un ministre : « Je ne connais pas vos raisons, mais je les désapprouve. » La transaction n’ayant pas abouti, M. de Bismarck n’a pris conseil que de lui-même. Dans la politique intérieure, il est l’homme des expédiens; c’est un expédient qu’il a rapporté de Varzin. Il a son idéal, disait-il l’autre jour, et son idéal est un empire qui ayant dans les mains la meilleure partie des finances, c’est-à-dire les impôts indirects considérablement accrus, n’en serait plus réduit à s’en aller mendier à la porte des états allemands, mais serait en possession de leur donner de l’argent et de faire pleuvoir sur eux la manne de ses libéralités. M. de Bismarck remet à des jours meilleurs l’accomplissement de ses
conjonction des centres est de toutes les choses difficiles la plus difficile. En second lieu, M. de Bismarck proposait aux libéraux de supprimer les contributions matriculaires et de pourvoir au déficit du trésor impérial par la création de nouvelles taxes indirectes et par l’établissement du régime protecteur. Or les libéraux-nationaux sont pour la plupart libres-échangistes, et ils ont un goût médiocre pour les taxes indirectes, parce qu’elles assurent au gouvernement des ressources permanentes et qu’ils craignent de lui en procurer trop. L’expérience leur a appris qu’en Prusse le gouvernement n’est aimable que lorsqu’il est besoigneux ; a-t-il les mains pleines, il le prend de très haut avec son parlement. Enfin M. de Bismarck se résignait à créer des ministres de l’empire, mais il entendait que ces ministres fussent ses instrumens, ses subordonnés, et qu’ils ne partageassent point la responsabilité avec lui. Les nationaux-libéraux n’admettent pas qu’un ministre ne soit pas responsable. Ils ont estimé que la transaction qu’on leur proposait était incompatible avec leurs principes, et, bien qu’ils soient opportunistes, ils se sont rappelé le mot d’un de leurs chefs d’autrefois, M. Twesten, qui disait : « Une certaine fixité dans les principes est ce qui fait la différence entre un homme politique et un mollusque. » Ils avaient, eux aussi, leur solution, qu’ils n’ont jamais cessé de préconiser ; mais elle avait peu de chances d’être goûtée à Varzin. Ils désirent que la Prusse ait désormais un gouvernement parlementaire, et que cette Prusse parlementaire revendique hautement son hégémonie et son droit de gouverner l’Allemagne. Ils entendent, en un mot, que le cabinet prussien soit composé de ministres nationaux-libéraux, et que du même coup ces ministres libéraux, mais prussiens, deviennent les ministres responsables de l’empire germanique. C’est ce qu’ils appellent en finir avec le dualisme, et le dualisme leur est odieux. Cette combinaison a du moins le mérite de la simplicité ; par malheur, c’est un genre de mérite qu’apprécie peu M. de Bismarck. Quelqu’un a dit : ''Divide et impera''. La devise du chancelier de l’empire est que, pour rester toujours le maître, il faut compliquer beaucoup les choses. Les idées très simples lui sont suspectes, il les repousse sans les examiner, comme cet orateur d’opposition qui s’écriait en discutant une mesure proposée par un ministre : « Je ne connais pas vos raisons, mais je les désapprouve. » La transaction n’ayant pas abouti, M. de Bismarck n’a pris conseil que de lui-même. Dans la politique intérieure, il est l’homme des expédiens ; c’est un expédient qu’il a rapporté de Varzin. Il a son idéal, disait-il l’autre jour, et son idéal est un empire qui ayant dans les mains la meilleure partie des finances, c’est-à-dire les impôts indirects considérablement accrus, n’en serait plus réduit à s’en aller mendier à la porte des états allemands, mais serait en possession de leur donner de l’argent et de faire pleuvoir sur eux la manne de ses libéralités. M. de Bismarck remet à des jours meilleurs l’accomplissement de ses