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dégradation de l’oreille, considérée comme le trait caractéristique de leur race, n’est-elle pas de tout point conforme aux descriptions de Guillaume des Innocens et d’Ambroise Paré, qui dit, parlant des lépreux : « Ils ont les oreilles rondes pour la consomption de leur lobe et parties charneuses par défaut d’aliment suffisant. » Au moral, les cagots passaient pour hypocrites, fourbes et violens, mais les lépreux n’étaient pas mieux jugés; on les croyait enclins à la lubricité, mais tous les médecins du moyen âge ont signalé cette disposition comme un des signes de la lèpre. D’autre part, nous savons déjà que tous les règlemens de police ou autres qui frappaient les cagots n’étaient qu’un souvenir et comme une copie du système en vigueur à l’égard des lépreux : ceux-ci en effet étaient tenus eux aussi de vivre à l’écart des personnes saines ; « que les lépreux aient une église et un cimetière particuliers, » avaient décrété les Pères du concile de Latran en 1179; il leur était défendu de marcher déchaussés dans les rues et de porter des armes; toute sorte d’emplois publics leur étaient interdits. Veut-on pousser plus loin le parallèle? Les lépreux devaient porter une cape grise ou rouge, les cagots une pièce de même couleur sur leur casaque; les lépreux n’étaient point admis à témoigner en justice, les cagots ne l’étaient que dans des circonstances exceptionnelles; les lépreux étaient exempts de tailles, les cagots pareillement; enfin les uns et les autres dépendaient soit du clergé, soit des seigneurs. Comment après cela nier qu’il existe entre eux des rapports ou pour mieux dire une véritable communauté d’origine?
dégradation de l’oreille, considérée comme le trait caractéristique de leur race, n’est-elle pas de tout point conforme aux descriptions de Guillaume des Innocens et d’Ambroise Paré, qui dit, parlant des lépreux : « Ils ont les oreilles rondes pour la consomption de leur lobe et parties charneuses par défaut d’aliment suffisant. » Au moral, les cagots passaient pour hypocrites, fourbes et violens, mais les lépreux n’étaient pas mieux jugés ; on les croyait enclins à la lubricité, mais tous les médecins du moyen âge ont signalé cette disposition comme un des signes de la lèpre. D’autre part, nous savons déjà que tous les règlemens de police ou autres qui frappaient les cagots n’étaient qu’un souvenir et comme une copie du système en vigueur à l’égard des lépreux : ceux-ci en effet étaient tenus eux aussi de vivre à l’écart des personnes saines ; « que les lépreux aient une église et un cimetière particuliers, » avaient décrété les Pères du concile de Latran en 1179 ; il leur était défendu de marcher déchaussés dans les rues et de porter des armes ; toute sorte d’emplois publics leur étaient interdits. Veut-on pousser plus loin le parallèle ? Les lépreux devaient porter une cape grise ou rouge, les cagots une pièce de même couleur sur leur casaque ; les lépreux n’étaient point admis à témoigner en justice, les cagots ne l’étaient que dans des circonstances exceptionnelles ; les lépreux étaient exempts de tailles, les cagots pareillement ; enfin les uns et les autres dépendaient soit du clergé, soit des seigneurs. Comment après cela nier qu’il existe entre eux des rapports ou pour mieux dire une véritable communauté d’origine ?


Telle était la conclusion où l’histoire et la linguistique amenaient également M. de Rochas; mais de bonne heure il avait vu tout le parti qu’on pouvait tirer, pour l’avancement du problème, de l’étude physiologique des parias: il a voulu compléter et contrôler par l’observation directe ce que ses investigations paléographiques lui avaient appris. C’est ainsi qu’il a entrepris plusieurs voyages dans les Pyrénées, d’un bout à l’autre de la chaîne et des deux côtés de la frontière. Le nord de l’Espagne était alors en proie à la guerre civile; tout entier aux intérêts de la science, M. de Rochas n’a pas craint de s’engager à trois reprises au cœur de la Navarre. il a recherché les traces des maudits, il s’est mêlé à leurs descendans, il a interrogé ''de visu'', comme il le dit lui-même, les archives vivantes de ces contrées. Par ses études en médecine, par ses nombreux voyages qui l’ont conduit tout autour du monde et lui ont permis d’étudier chez les diverses races d’hommes les maladies multiples qui les affligent, nul plus que lui n’était capable de mettre à profit ce genre d’information trop longtemps négligé. En effet, M. F. Michel, qui dans des circonstances analogues et pour le même
Telle était la conclusion où l’histoire et la linguistique amenaient également M. de Rochas ; mais de bonne heure il avait vu tout le parti qu’on pouvait tirer, pour l’avancement du problème, de l’étude physiologique des parias : il a voulu compléter et contrôler par l’observation directe ce que ses investigations paléographiques lui avaient appris. C’est ainsi qu’il a entrepris plusieurs voyages dans les Pyrénées, d’un bout à l’autre de la chaîne et des deux côtés de la frontière. Le nord de l’Espagne était alors en proie à la guerre civile ; tout entier aux intérêts de la science, M. de Rochas n’a pas craint de s’engager à trois reprises au cœur de la Navarre. il a recherché les traces des maudits, il s’est mêlé à leurs descendans, il a interrogé ''de visu'', comme il le dit lui-même, les archives vivantes de ces contrées. Par ses études en médecine, par ses nombreux voyages qui l’ont conduit tout autour du monde et lui ont permis d’étudier chez les diverses races d’hommes les maladies multiples qui les affligent, nul plus que lui n’était capable de mettre à profit ce genre d’information trop longtemps négligé. En effet, M. F. Michel, qui dans des circonstances analogues et pour le même