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Ce jour-là, il dominait fièrement ses adversaires, et, quelle que fut la valeur d’une loi débattue à travers tant de dramatiques péripéties, De Serre, dans cette discussion, restait le vrai et sérieux libéral en revendiquant, en maintenant jusqu’au bout devant la sédition la liberté et la dignité des institutions parlementaires. Chose curieuse pourtant, parmi les hommes qui, dans ces luttes ardentes, ne cessaient de harceler le ministère de 1820 et ce garde des sceaux intrépide toujours sur la brèche, quel était un des plus véhémens, un des plus impétueux? C’était Casimir Perier !
Ce jour-là, il dominait fièrement ses adversaires, et, quelle que fut la valeur d’une loi débattue à travers tant de dramatiques péripéties, De Serre, dans cette discussion, restait le vrai et sérieux libéral en revendiquant, en maintenant jusqu’au bout devant la sédition la liberté et la dignité des institutions parlementaires. Chose curieuse pourtant, parmi les hommes qui, dans ces luttes ardentes, ne cessaient de harceler le ministère de 1820 et ce garde des sceaux intrépide toujours sur la brèche, quel était un des plus véhémens, un des plus impétueux ? C’était Casimir Perier !


Franchissez quelques années à peine, moins de douze ans : Casimir Perier est ministre à son tour, ministre d’une monarchie nouvelle qu’il veut faire vivre. Et, lui aussi, il tient le pouvoir au milieu des séditions, des complots, des orages populaires et parlementaires. Lui aussi, il voit l’émeute dans la rue, les manifestations autour du Palais-Bourbon, le trouble dans la chambre. Il rencontre sur son chemin les hostilités implacables, les imputations outrageantes; il est accusé d’organiser les « assassinats » avec sa police, de soudoyer les émeutes pour se donner le plaisir de les réprimer, de violer les lois, la charte, de méditer des coups d’état ! Et lui aussi, non plus seulement pendant quelques jours, — pendant des mois il fait face à tout avec une égale intrépidité, par les moyens qu’a employés son prédécesseur, qui ne changent guère avec les gouvernemens. Lui aussi, il est au pouvoir comme au combat. Il est même plus exigeant avec ses amis, dont il supporte mal la dissidence, et c’est lui qui s’écrie : « Je me moque bien de mes amis quand j’ai raison; c’est quand j’ai tort qu’il faut qu’ils me soutiennent. » Le chef d’opposition, devenu chef du gouvernement, était fait pour se mesurer avec l’anarchie; il aurait pu faire un retour sur lui-même, et, si je ne me défends pas de ce rapprochement, ce n’est point pour offenser une grande mémoire, c’est pour montrer par le plus illustre exemple que les hommes, quand ils attaquent leurs émules ou leurs adversaires, devraient bien songer à ce qu’ils seront peut-être obligés de faire à leur tour. Casimir Perier a été le De Serre de 1831 ; De Serre était le Casimir Perier de 1820, recevant les assauts sans se laisser ébranler, recommençant chaque jour et poursuivant à travers tout la discussion de la loi qu’on lui disputait, dont il avait à cœur d’assurer le succès.
Franchissez quelques années à peine, moins de douze ans : Casimir Perier est ministre à son tour, ministre d’une monarchie nouvelle qu’il veut faire vivre. Et, lui aussi, il tient le pouvoir au milieu des séditions, des complots, des orages populaires et parlementaires. Lui aussi, il voit l’émeute dans la rue, les manifestations autour du Palais-Bourbon, le trouble dans la chambre. Il rencontre sur son chemin les hostilités implacables, les imputations outrageantes ; il est accusé d’organiser les « assassinats » avec sa police, de soudoyer les émeutes pour se donner le plaisir de les réprimer, de violer les lois, la charte, de méditer des coups d’état ! Et lui aussi, non plus seulement pendant quelques jours, — pendant des mois il fait face à tout avec une égale intrépidité, par les moyens qu’a employés son prédécesseur, qui ne changent guère avec les gouvernemens. Lui aussi, il est au pouvoir comme au combat. Il est même plus exigeant avec ses amis, dont il supporte mal la dissidence, et c’est lui qui s’écrie : « Je me moque bien de mes amis quand j’ai raison ; c’est quand j’ai tort qu’il faut qu’ils me soutiennent. » Le chef d’opposition, devenu chef du gouvernement, était fait pour se mesurer avec l’anarchie ; il aurait pu faire un retour sur lui-même, et, si je ne me défends pas de ce rapprochement, ce n’est point pour offenser une grande mémoire, c’est pour montrer par le plus illustre exemple que les hommes, quand ils attaquent leurs émules ou leurs adversaires, devraient bien songer à ce qu’ils seront peut-être obligés de faire à leur tour. Casimir Perier a été le De Serre de 1831 ; De Serre était le Casimir Perier de 1820, recevant les assauts sans se laisser ébranler, recommençant chaque jour et poursuivant à travers tout la discussion de la loi qu’on lui disputait, dont il avait à cœur d’assurer le succès.


Cependant, au point où en étaient arrivés ces débats de 1820 après vingt-cinq jours orageux, on ne pouvait aller plus loin, il fallait un dénoûment. D’abord le garde des sceaux lui-même était à bout de forces, il ne se soutenait plus que par une sorte d’héroïsme de volonté. Il le disait le soir du 8 juin : « Pour mon compte, si ça ne finit, je finirai : je suis abîmé ! » Ses amis le sentaient encore plus
Cependant, au point où en étaient arrivés ces débats de 1820 après vingt-cinq jours orageux, on ne pouvait aller plus loin, il fallait un dénoûment. D’abord le garde des sceaux lui-même était à bout de forces, il ne se soutenait plus que par une sorte d’héroïsme de volonté. Il le disait le soir du 8 juin : « Pour mon compte, si ça ne finit, je finirai : je suis abîmé ! » Ses amis le sentaient encore plus