« Les Livres d’étrennes, 1880 » : différence entre les versions

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Si l’on voulait passer en revue tous les livres que ramène régulièrement la fin de décembre, la place et le temps manqueraient, car ils forment régulièrement, depuis quelques années, une vraie bibliothèque. Il y en a quelques-uns dans le nombre qui disparaîtront avec les circonstances, n’étant vraiment lisibles, et tout au plus, que du 15 décembre au 1er janvier. Il y en a quelques autres qui demeurent et qui sont dignes de demeurer. C’est de ceux-là seulement que nous voudrions dire quelques mots.
 
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Tirons d’abord de pair l’un des chefs-d’œuvre assurément de la littérature historique de notre temps, le premier de ces ''Récits des Temps mérovingiens'', où pour la première fois les mœurs de nos farouches ancêtres, jusqu’alors déguisées sous la prose élégante et polie des écrivains du XVIIIe siècle, reparurent enfin dans toute la splendeur de leur barbarie. Les travaux ont pu s’accumuler depuis lors sur cette période obscure, embrouillée, mal connue de notre histoire. Mais si l’on a rectifié quelques dates, quelques faits, et peut-être l’orthographe de quelques noms propres, les récits d’Augustin Thierry n’en demeurent pas moins, par la solidité des ''dessous'', par la justesse en même temps que par la sobriété de la couleur, par l’amour enfin avec lequel on sent que le grand historien a traité son sujet, l’œuvre la plus propre à donner de ces temps lointains l’idée la plus conforme et la sensation la plus
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vraie, car, en histoire, ce n’est pas tout d’être savant, et même il se pourrait que ce fût peu de chose : il faut encore être artiste.
 
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Parmi les livres d’histoire nous trouvons au premier rang la nouvelle et luxueuse édition des ''Mémoires de Philippe de Commynes'', donnée par M. Chantelauze, d’après un manuscrit que M. Chantelauze, grand chercheur de documens comme on sait, et chercheur souvent heureux, a, sinon découvert, tout au moins, comme retrouvé sur les indications de M. Léopold Delisle. Ce ni est pas un manuscrit autographe, c’est au moins une excellente copie, dont on peut croire que la combinaison avec les autres nous nous fait approcher de bien près le texte authentique de Commynes. Aussi la valeur de cette publication ne serait-elle pas moins grande aux yeux même des érudits, qui lisent pour chicaner la position des virgules et des points sur les ''i'', qu’aux yeux du public lettré, qui lit... pour lire et qui sait d’ailleurs que Commynes est parmi nos classiques l’un des premiers en date, je veux dire par là qu’il a su l’un des premiers, dans sa prose, traduire les idées générales ; par conséquent, l’un des premiers parler, comme nous, en parlons, des choses de la politique, de l’histoire et de la morale; par conséquent encore, l’un des premiers, nous donner des modèles d’un style vraiment français, et; non plus seulement, comme ses prédécesseurs,
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d’un style mi-partie gaulois, mi-partie germanique. Les ''Mémoires'' sont suivis d’une esquisse de la grammaire de Commynes et d’un vocabulaire qui font honneur à l’érudition de M. Chantelauze.
 
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Ce que nous disons de Commynes (1447-1509) n’est pas pour médire de Froissart (1337-1410), le chroniqueur des chroniqueurs, comme on devrait l’appeler et dont Mme de Witt vient de nous donner une belle édition, considérablement réduite, attendu qu’on ne contient pas l’agréable prolixité du plus curieux des chanoines en un seul, ni même en deux, ni même peut-être en trois in-octavo. Froissart, on l’accorde, n’égale Commynes ni pour la force de la réflexion ni pour la dignité de la pensée, mais comme conteur, ou, mieux encore, comme coloriste plutôt que comme écrivain, il lui est incomparablement supérieur. — J’espère qu’on ne trouvera pas le rapprochement trop artificiel si, faute d’en pouvoir dire plus long et nous référant au jugement d’un maître, nous saisissons l’occasion de rappeler une belle étude que Sainte-Beuve a consacrée jadis à Froissart, et que l’on vient de réimprimer précisément en tête d’une ''Nouvelle Galerie des Écrivains français'', ornée de beaux portraits, et disposée de manière à donner, en courant de sommets en sommets, une idée générale de la littérature française. — On retrouvera, dans le volume de Mme de Witt, les plus célèbres endroits des ''Chroniques''. Nous ne saurions trop louer, pour nos vieux écrivains, ce genre de publication par fragmens, par morceaux choisis, par épisodes qu’il faut connaître. C’est le vrai moyen de les mettre à la portée de tout le monde. Ajoutez que Mme de Witt ne s’est pas contentée de revoir le texte de Froissart, elle a pris la peine de le traduire ou tout au moins de rapprocher son français de celui que nous parlons. Je ne garantirais pas que Froissart n’y perdît un peu de ses grâces et de son charme; mais d’autre part il serait difficile, sans cette précaution, de persuader au public de le lire. C’est dommage, mais il faut bien s’accommoder au temps. Tout cela, d’ailleurs, a été fait avec beaucoup de discrétion, beaucoup de goût, et le plus scrupuleux respect de tout ce que l’on pouvait conserver de l’original sans risquer d’arrêter le lecteur moderne; de très belles illustrations, d’après les manuscrits, toutes authentiques, par conséquent, et quelques-unes d’une délicatesse d’exécution tout à fait rare. en chromolithographie, de nombreuses gravures dans le texte, choisies dans le même esprit de représentation fidèle des hommes et
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des choses du temps animent cet intéressant volume, et parmi les livres d’étrennes en font l’un des plus instructifs et des plus beaux pour 1881.
 
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Le premier, c’est ''les Fêtes chrétiennes'', par M. l’abbé Drioux, et l’autre ''l’Histoire de la mode en France'', par M. Augustin Challamel, avec ce sous-titre : ''la Toilette des femmes depuis l’époque gallo-romaine jusqu’à nos jours''. Ils pèchent tous deux d’abord un peu par la qualité de l’illustration. Le texte de M. l’abbé Drioux, quoique d’ailleurs intéressant, et nullement désagréable à lire, ne donne peut-être pas ce que le titre promettait. Et cependant il y aurait sans aucun doute un beau volume, — je dis un beau volume d’étrennes, — à faire sous ce titre. Mais il faudrait plus de choses dans le texte, dans l’illustration plus de choix, dans l’exécution plus de soin. Il. y a là quatre chromolithographies qui sont bien mauvaises et d’assez nombreuses gravures sur bois, qui sont assez médiocres. Seules, quelques gravures sur acier, tirées en bistre, méritent d’être exceptées de la critique, ou même louées. Le texte de M.
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Challamel est de beaucoup plus intéressant. L’illustration en est un peu, pour ainsi parler, gravures de mode : cependant les types sont assez généralement bien choisis. La lecture en est curieuse. M. Challamel sait beaucoup de choses et les dit avec bonhomie, sans autrement affecter l’érudition, dans un sujet qui, malgré son apparente et proverbiale frivolité, n’en est pas moins l’un des plus difficiles à traiter qu’il se puisse. Par exemple, il faut bien le dire, M. Challamel est moins heureux à parler des modes contemporaines que du costume au temps de Charlemagne ou de Chilpéric.
 
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C’est dans une autre région que nous transporte le livre de Mme de Ujfalvy-Bourdon : ''de Paris à Samarcand. Impressions de voyage d’une Parisienne''. Comme le titre l’indique, c’est un vrai voyage d’exploration, et, à certains égards, de découverte. M. de Ujfalvy avait été chargé, par
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le ministère de l’instruction publique, en 1876, d’une mission en Russie et dans l’Asie centrale. Mme de Ujfalvy n’hésita pas à le suivre, et c’est la partie pittoresque, anecdotique du voyage que ce gros volume, largement illustré, nous raconte.
 
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Revenons en Europe avec le livre de M. Henry Havard, ''la Hollande à vol d’oiseau'', il nous suffit d’avoir nommé l’auteur pour avoir dès lors suffit d’avoir nommé l’auteur pour avoir dès lors
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recommandé le livre. Depuis quelques années en effet, M. Havard s’est fait des choses de Hollande une spécialité. Le pays, les mœurs, l’histoire, l’histoire de l’art surtout, et jusqu’à l’histoire des faïences, lui sont également familiers. Comme le titre de l’ouvrage l’indique, c’est une description rapide et courante, une vraie description à ''vol d’oiseau'' de l’un des pays les plus curieux qu’il y ait au monde, — j’entends où la civilisation la plus raffinée n’a pourtant pas encore détruit les anciens usages ni passé sur les mœurs d’autrefois l’insupportable niveau de son uniformité. Mais le principal intérêt du récit de M. Havard, c’est qu’il est avec cela le récit d’un voyage fait à petites journées, à la manière hollandaise, dirons-nous, et posément quoique rapidement. Les chemins de fer assurément sont une belle invention, mais ils invitent à brûler le pays : on va courant de grande ville en grande ville, et l’on ne séjourne qu’aux lieux où les ''guides'' adressent leur clientèle de voyageurs pressés. Le lecteur qui voudra bien se confier à M. Havard apprendra que la Hollande est riche de beaucoup de choses que la précipitation des touristes laisse maladroitement échapper. Le livre est illustré de croquis dans le texte, d’eaux-fortes et de fusains de M. Maxime Lalanne, reproduits par l’héliogravure. Les croquis sont agiles : il nous, a seulement paru que le procédé ne convenait guère aux fusains et qu’il les brouillait parfois étrangement.
 
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Il n’y a pas encore longues années, la littérature enfantine se réduisait à quelques contes plus ou moins heureusement imités des ''Contes de Perrault'' ou des ''Contes du chanoine Schmid'', voire des ''Mille et une Nuits''. C’est à ce genre qu’appartiennent encore les récits du célèbre conteur danois Andersen, dont MM. Ernest Grégoire et Louis Moland nous offrent une nouvelle série cette année. Seulement le genre est
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ici, comme on sait, singulièrement relevé par la richesse d’imagination et le rare talent de l’écrivain; Je ne sais, en vérité, pourquoi l’on a fait d’une manière générale, à tous ces récits de pure imagination, poussés parfois jusqu’au fantastique, le reproche de fausser les jeunes intelligences et de peupler les jeunes cervelles de superstitions dangereuses. Quoi qu’il en soit, dans les récits qu’on écrit aujourd’hui pour les enfans, on se fait presque un devoir d’éliminer l’élément du merveilleux et de le remplacer par tout ce qu’on y peut mêler de connaissances certaines, voire de notions scientifiques. Tantôt c’est de l’histoire, qu’on y fait entrer par bribes, comme dans le ''Pendragon'' de M. Alfred Assollant, où l’on voit passer Alexandre, Perdiccas, Lysimaque, Séleucus; tantôt c’est de la géographie, comme dans ''le Pays du soleil'', où M. Richard Cortambert met en œuvre les derniers renseignemens que nous devions aux explorateurs de l’Afrique centrale, et comme dans ''Prisonniers dans les glaces'', où M. George Faih, lui-même illustrateur de son propre texte, nous emmène aux contrées du pôle, et, perdus parmi cette foule, c’est à peine si nous pouvons indiquer quelques livres où les auteurs ne se soient proposé rien de plus que d’amuser leurs jeunes lecteurs sans leur donner d’autres leçons que de bonne conduite. Voici les volumes de Mme Colomb, de M. J. Girardin, de M. de Chennevières. Ce dernier est illustré de croquis assez amusans.
 
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Nous mettrons à part les vingt-trois volumes nouveaux dont s’est enrichie cette année la collection Hetzel. C’est qu’on n’a peut-être dépensé nulle part ni plus d’efforts ni plus de persévérance pour constituer cette littérature nouvelle à l’usage de la jeunesse ou de la première enfance. Tous les genres ici sont représentés, depuis le simple album, ''le Premier Chien et le Premier Pantalon'', et depuis le conte d’enfans, tels que ''le Prince Chenevis'' de Léon Gozlan, ou tels encore que ''la Véritable Histoire de Gribouille'', sous la signature de George Sand, jusqu’au roman scientifique, dont M. Jules Verne reste toujours le maître, et jusqu’au livre, on serait tenté de dire de science pure, tel que l’''Histoire d’une montagne'' de M. Elisée Reclus, si l’on ne se souvenait à temps de quel charme de style M. Elisée Reclus sait envelopper ce qui nous semblait au collège si parfaitement ingrat, le détail de la géographie physique. Parmi tous les récits maintenant qui trouvent leur place entre ces deux extrémités, nous ferons une mention toute spéciale des
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''Quatre Filles du docteur Marsch'', arrangé par M. P.-J. Stahl, d’après un roman américain et de ''la Frontière indienne'', de M. Lucien Biart.
 
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Dans quelle catégorie placerons-nous bien les Souvenirs de la Nouvelle-Calédonie de M. Henri Rivière? Il me semble qu’ils tiendront assez bien leur rang dans les annales de l’histoire de notre marine. En effet, c’est ici plus qu’un récit de voyage, plus qu’une vive description d’un pays lointain par un écrivain dont les lecteurs de la Revue connaissent depuis longtemps les œuvres si originales : c’est un récit d’histoire. Si
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c’était ici le lieu d’enfler la voix, nous oserions dire que l’opinion, mal éclairée, ne rend peut-être pas toujours, à ceux de nos compatriotes qui se font une carrière de risquer régulièrement leur vie dans un dur métier pour la gloire du nom français, toute la justice qu’ils mériteraient : malheureusement ce n’en est ni le lieu ni le temps, et nous avons déjà peut-être en deux lignes abusé de l’occasion. Contentons-nous de dire qu’il est impossible de raconter d’une manière plus modeste que ne le fait M. Rivière des événemens graves auxquels on a pris part, dont on a soi-même été presque la plus grande part, en même temps que d’une manière plus sobre et moins prodigue d’ornemens inutiles.
 
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Deux ouvrages, moins importans, viennent s’ajouter à la Bibliothèque des Merveilles. C’est vraisemblablement le rude hiver de 1879-1880 à
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qui nous devons le livre de M. Bouant sur les ''Grands Froids''. Comme le froid et le chaud, de temps immémorial, sont sujets en possession d’intéresser, tout le monde voudra lire ce petit livre. Les amateurs de Statistique y trouveront de nombreux renseignemens. L’autre ouvrage traite des ''Télégraphes''. Il a pour auteur M. Ternant. On y trouvera l’histoire de la découverte et des premiers essais du télégraphe électrique, ainsi que la description des principaux procédés en usage.