« Un prêtre marié/XXII » : différence entre les versions

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L’abbé Méautis était resté seul au pied du lit de Calixte. Le noir Pépé avait suivi le docteur d’Ayre pour lui tenir la bride de son cheval pendant qu’il se hissait péniblement en selle...selle… Sa femme Ismène, toujours accroupie auprès du lit, avait repris, le docteur parti, son éternelle pose de cariatide d’ébène, et replacé son front écrasé contre ses robustes bras, entrelacés sur ses genoux. C’était bien être seul que d’être avec cette créature, et l’abbé méditait.
 
Il pensait aux étranges paroles du docteur en regardant la pâle statue de mausolée qu’il avait sous les yeux ; il pensait qu’il pourrait être vrai que cette cloison, cette impénétrable cloison d’un corps qui ressemblait à un cadavre, cachât une vie plus intense et plus lucide que la vie réelle, et le mot elle pourrait lire dans les cœurs lui retentissait dans la poitrine comme la voix de la délivrance retentit dans le cachot où le condamné s’agitait en croyant mourir. L’abbé Méautis n’avait pas souri des ironies du docteur. Ces deux hommes étaient trop aux antipodes de l’organisation humaine pour que l’un pût influer sur l’autre.
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De toutes les impertinences que le sceptique médecin avait sifflées de cet air incomparablement dégagé qui est l’attribut de tous les sceptiques, quand ils sont spirituels, il n’avait retenu que le fait — le fait inouï — attesté par d’autres médecins, plus sérieux que ce vieux moqueur qui se vantait d’aimer à rire : qu’il y avait une vie sous la vie, quand la première semblait disparaître.
 
Rappelez-vous que l’abbé Méautis, de nature et d’habitudes contemplatives, tendait vers la mysticité. Là où la science renferme tout sous l’inflexible réseau des lois naturelles, l’ignorant mais intuitif abbé étendait sur tout la bonté de Dieu, bonté infinie et dont l’homme qui a l’orgueilleuse habitude de faire de chaque borne une loi ne peut pas dire, de cette bonté : « C’est là qu’elle s’arrête ! » Eh ! pourquoi donc — se disait intérieurement cet être de foi qui, sans effort, croyait au trans-mondain et à l’invisible comme on croit à l’air ambiant et à la lumière — pourquoi cela ne serait-il pas vrai, ce qu’il vient de dire, cet homme frivole ?... Ne sommes-nous pas libres d’admettre ce qui n’est pas formellement condamné par l’Eglisel’Église ?... Or, en quoi les faits exceptionnels que je viens d’apprendre contredisent-ils la sainte autorité de nos dogmes et sont-ils un danger pour la foi ?... Le regard du théologien, noyé dans cette lumière de la bonté de Dieu, ne trouvait ni objection, ni nuage. Et la tentation devenait de plus en plus forte dans cette âme pure, pour qui elle n’était pas un péché, la tentation de faire parler Calixte et de savoir par elle la vérité sur le fond du cœur de son père !
 
Mais comment s’y prendre pour cela ?... Il était ignorant d’esprit et de complexion ; il était faible, et le docteur avait parlé d’un être doué de facultés nerveusement puissantes qui aidât cette âme enveloppée dans des organes épais, mais pour elle diaphanes, en employant des moyens sur la nature desquels il ne s’était pas expliqué. Quels étaient ces moyens ?... Il résolvait d’aller pédestrement à Valognes, le lendemain, consulter le docteur Marmion, qu’il amènerait au Quesnay, et qui apaiserait sa soif de connaître, égale au moins à son anxiété de savoir.
 
Ce qu’il éprouvait était indiciblement douloureux, mais contre l’agitation à laquelle il était en proie, et ce double tourbillon de la curiosité et de l’inquiétude dans lequel il tournait, il chercha le refuge qu’il trouvait toujours dans la prière. Une heure passa — et Néel de Néhou le surprit à genoux, près du lit de Calixte, demandant secours à Dieu pour celle qui s’étendait là, roide, exsangue, et contractée dans cette immobilité désespérante qui ne finissait pas !
 
L’abbé ne savait pas que la Malgaigne avait dit à Néel les mêmes choses qu’à lui sur Sombreval, et pour cette raison il se tut sur ce qu’il venait d’apprendre du docteur. Pourquoi aurait-il dit de telles incompréhensibilités à un jeune homme qui, sans doute, n’y aurait pas cru, et qui, dans tous les cas, n’aurait pu lui donner les renseignements dont il était avide et qu’il était résolu d’avoir à tout prix ?...
 
Mais il se trompait sur le compte de Néel, l’abbé Méautis. Néel avait l’expérience des crises de Calixte et s’il avait confié à l’abbé ce qu’il en avait vu et ce qu’il avait entendu dire à Sombreval, il n’aurait qu’avivé davantage les curiosités de ce prêtre dont la tête était conformée pour recevoir toute espèce de merveilleux — comme les yeux longuement fendus des femmes de l’Orient sont faits pour recevoir et retenir plus de lumière que les nôtres...nôtres…
 
Les larmes qui venaient de tomber des paupières closes de la malade et qui avaient, par une force secrète, traversé ses cils strictement fermés, ces larmes que Néel connaissait bien et qu’il avait tant de fois désiré boire marquaient dans la crise de Calixte une transition ou plutôt une transformation dont l’abbé Méautis allait être témoin et qui devait précipiter ses convictions du côté des idées que le docteur avait fait luire aux yeux de cet esprit que la flamme de tout surnaturel attirait.
 
Semblable à une eau glacée qui reprend sa souplesse coulante, la rigidité de la cataleptique se fondit. Ses nerfs qui menaçaient de se rompre se détendirent comme les cordes d’une harpe transportée dans une atmosphère d’une pénétrante moiteur. Tout à coup elle se souleva sur son séant et se mit droite...droite… L’abbé pressa le bras de Néel, croyant qu’elle rentrait dans la vie ! Mais un signe de Néel l’avertit d’être attentif et silencieux.
 
Il était environ huit heures du soir. Les deux fenêtres du salon avaient été ouvertes tout le jour, et l’air tiède de cette longue soirée apportait par bouffées l’air des lavandes du jardin aux narines frémissantes de cette tête de marbre blanc qui perdait de son marbre et qui recommençait à redevenir de la chair, à ces souffles ! C’était un de ces soirs comme il en faut aux convalescents pour se réaccoutumer à la vie ! une de ces vesprées d’une beauté si chaudement splendide que l’âme la plus détachée de la terre n’aurait pas voulu cependant, ce soir-là, mourir ! Les oseraies des bords de l’étang, mordoré par le soleil couchant, portaient à l’extrémité de leurs branchages les derniers rayons rouges de ce soleil lassé, coupé à moitié de son orbe par l’horizon de la lande au Rompu, derrière laquelle il allait tomber.
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En effet, Calixte, que la superstitieuse négresse n’avait pas osé toucher et qu’elle n’avait pas déshabillée depuis que son mal l’avait saisie, fit tomber ses pieds nus du lit avec la grâce d’une chasteté inquiète. Puis, quand ils furent appuyés sur le sol, elle les regarda de ces yeux sans regard qui ne voyaient que les choses de son rêve.
 
« Les voilà comme je les aime ! — dit-elle. Ce sont mes vrais pieds, mes pieds de carmélite. Je n’aurai plus à les cacher sous ma robe maintenant, puisqu’il ne les voit pas...pas… puisqu’il est revenu à Dieu. »
 
Elle s’arrêta. Son sommeil disait un secret qu’ils savaient tous deux, ce confesseur et cet autre qu’elle appelait son frère et qu’elle faisait mourir tous les jours de ne pas lui donner un autre nom ! Néel se doutait bien que l’abbé n’ignorait pas qu’elle fût carmélite, et l’abbé Méautis, dans les mains de qui elle avait mis son âme, savait bien qu’elle l’avait dit à Néel. Seulement tous les deux ignoraient également ce que leur révélait ce rêve, c’est qu’elle eût marché, qui sait ?... peut-être bien des fois dans la maison ou au dehors, pieds nus, selon la règle de son Ordre, cette carmélite cachée, appuyant sans doute sur le talon de ses pauvres pieds nus pour que son père la crût chaussée.
 
L’abbé fut touché autant que Néel. « Ah ! dit-il, Dieu un jour y mettra ses stigmates !
 
— Pauvre père ! pauvre père ! — reprit-elle, en se levant debout. Et elle s’avança dans l’appartement, la tête basse. — Oh ! comme son cœur souffrait quand il m’a quittée ! Et moi donc !... Ah ! moi, si je lui avais montré le mien, il ne serait pas parti. Il a fallu le cacher comme mes pieds...pieds… Il faut tout cacher dans la vie — ajouta-t-elle avec une profondeur exaltée, qui envoya une folie d’espérance au cœur de Néel.
 
« Mais celui qui voit tout l’a vu, lui, et il a soufflé sur mes larmes !
 
« ...Voilà…Voilà qu’il est huit heures ? fit-elle, comme si le timbre vibrant de la pendule qui sonna eût passé à travers sa stupeur et eût été perçu par elle. Pauvre père ! que fait-il maintenant ? Nul ange du ciel ne viendra me le dire ce soir. Il faut être si sainte pour que les Anges viennent à vous ! Prie-t-il pour moi ? C’est l’heure où l’on prie. Voilà l’Angelus qui sonne à Monroc. Quand on n’est plus ensemble, on se rejoint dans la prière. J’irai vers vous par là, mon père. Ne souffrez plus, ne souffre plus ! ajouta-t-elle avec une inexprimable tendresse : je viens à toi ! je viens ! je viens ! »
 
Et d’un mouvement, rapide comme l’idée, elle traversa le salon et mit violemment la main sur la clef de son appartement :
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« Elle va à son crucifix » dit Néel qui avait prié au pied de ce crucifix avec elle ; et par la porte restée ouverte ils la virent s’agenouiller devant la sainte Image. Ils ne la voyaient que de dos, il est vrai, car le grand Christ blanc était en face d’eux dans son panneau sombre. Elle courba devant lui sa tête blonde cerclée du rouge bandeau que l’amour filial y avait mis et que l’Humilité y gardait, puis la rejetant en arrière pour voir Celui qu’elle allait prier pour son père :
 
« Oh ! — dit-elle avec une horreur qui rendit sa douce voix presque rauque — il y a du sang sur le crucifix !... »
 
Et d’une main nerveuse et saccadée, elle tira sur la tringle le rideau d’à côté, pour faire tomber plus de jour sur la placide image, qui étincela, dans sa pureté lisse, à cette lumière pleuvant sur elle :
 
« Seigneur Dieu ! — fit-elle — c’est bien du sang ! — du sang liquide ! — du vrai sang qui sort de vos plaies, ô mon Sauveur ! Oh ! la chose terrible ! Cela ne s’était pas vu depuis bien longtemps ; cela va donc se revoir, des crucifix qui saignent ! Autrefois...Autrefois… dans les temps anciens...anciens… quand ils saignaient, on disait toujours que c’était contre quelque grand coupable qui se cachait...cachait… et que le sang irrité du Seigneur jaillissait contre lui pour dénoncer aux hommes sa présence...présence… Mais qui est le coupable ici, ô Dieu que j’aime ! pour que votre sang jaillisse avec cette force contre moi...moi… »
 
Et elle reculait...reculait… Elle reculait devant ce sang qu’elle croyait voir, la tête toujours rejetée en arrière davantage, la bouche entr’ouverte dans la dure tension de l’extase, les pouces retournés, presque épileptique de terreur ! Néel, déchiré par cette voix qui n’était plus celle de Calixte, fit un mouvement pour l’éveiller de ce sommeil plein d’épouvante pour elle et d’épouvantement pour lui...lui… Il avait peur que devant cette formidable vision dont elle était la victime elle ne tombât à la renverse et ne brisât sa tête aimée !
 
Mais l’abbé Méautis, monté à un diapason de force surhumaine par l’émotion et par ce qu’il entrevoyait au fond de ce poignant spectacle, prit le bras de Néel et lui dit avec une autorité irrésistible : « Arrêtez, Monsieur ! Une seconde encore ! »
 
Elle venait lentement à eux, sans se retourner, toujours reculant, mais fascinée par la vision terrible. « Oh ! il va m’atteindre, tout ce sang ! » disait-elle, convulsée. — Et elle relevait avec l’égarement de l’effroi sa longue robe traînante, comme si ce sang persécuteur, filtrant à travers la rainure des parquets, faisait déjà mare autour d’elle. « O mon Dieu ! mon Dieu ! reprenait-elle, palpitante d’angoisse, de quoi donc suis-je coupable pour que votre sang furieux me repousse de votre croix, comme si chaque goutte était une main ?... »
 
Néel haletait dans les bras de l’abbé, sous les morsures de cette voix faussée...faussée… contrefaite...contrefaite…
 
« Ah ! le coupable, ce n’est pas elle ! » murmurait sourdement le prêtre.
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Et sans doute pour ne pas voir plus longtemps ce sang acharné qui grossissait à ses yeux pâmés, comme une trombe, elle plongea sa tête dans ses deux mains, mais elle l’en retira, avec un cri, bien plus aigu que le premier — un de ces cris, comme elle en poussait quelquefois, qui traversaient l’épaisseur des murs et allaient glacer la moelle des os de ceux qui passaient sur la route, dans le voisinage du Quesnay !
 
« Oh ! tu saignes donc aussi, toi ! Ils saignent donc tous ! » fit-elle, comme si elle eût senti ruisseler dans ses mains la croix de son front, à travers son bandeau. Et elle les regardait, hagarde, ses deux mains dont elle écartait les doigts avec un geste sinistre...sinistre… Et son impression devint si forte qu’elle tomba enfin de sa hauteur.
 
Mais Néel, en la recevant dans ses bras, l’éveilla. Ses yeux perdirent leur grandeur vide et leur fixité éblouissante...éblouissante… Ils ne s’ouvrirent pas, puisqu’ils étaient ouverts, mais ils s’emplirent de tous les afflux de la vie. Sa joue glacée tiédit...tiédit… La pudeur y alluma sa rose, quand elle s’aperçut ainsi, dans les bras de Néel, qui, lui ! eut l’amour de les détacher d’autour d’elle lorsqu’elle fut un peu raffermie...raffermie… Ah ! c’est vraiment aimer que de ne pas serrer dans ses bras la femme qu’on adore quand elle y tombe, et qu’on peut l’y étreindre ! et que le cœur s’en meurt de désir ! ! !
 
Elle le regarda — reprit la vie où elle l’avait laissée. — Les lèvres du coupable portaient encore les signes de sa violence...violence… Il comprit le céleste regard qu’elle eut pour ses lèvres à peine cicatrisées...cicatrisées…
 
« Oui, pardonnez-moi — lui dit-il — j’ai assez souffert depuis cinq jours que je tremble de vous avoir tuée...tuée…
 
— On ne peut plus me tuer — dit-elle en souriant et regardant l’abbé Méautis, auquel elle envoya des yeux la salutation des âmes qui se comprennent. N’est-ce pas, monsieur le curé — lui dit-elle de sa voix d’argent, de cette voix qui lui était revenue avec la perception, avec le regard, avec tout son être — que jusqu’au jour où je dois voir mon père avec vous à l’autel, chantant sa première messe dans l’église de Néhou, il m’est impossible de mourir ?... »
 
L’abbé, absorbé dans le souvenir de la scène dont il venait d’être le témoin, ne lui répondit qu’en inclinant la tête. Lui ne souriait pas. Il était debout, les bras croisés. Il la regardait. Il concentrait toute une masse d’attention sur elle. Elle s’était assise sur le même canapé où elle avait fait asseoir Néel le soir qu’il avait mordu, de fureur, dans son verre, et causé la crise d’où elle sortait.
 
« Vous ne vous rappelez donc pas, Mademoiselle — dit l’abbé gravement — ce que vous avez enduré dans cette crise, pendant laquelle nous avons cru, nous, que vous aviez tant souffert ?... »
 
Elle ne se rappelait absolument rien. Seulement elle était horriblement fatiguée, brisée aux jointures, comme toujours lorsqu’elle avait subi l’action de ce mal qui n’était pas un mal pour elle, mais pour les autres, qu’il inquiétait et effrayait, — et avant tous, pour son père ! L’abbé Méautis remerciait intérieurement Dieu d’avoir permis que ce mal, qui était pour lui un avertissement et une lueur, ne fût pas pour elle un supplice.
 
Il songea aux profondes tortures de cette âme, s’il était resté en elle le moindre souvenir de la vision qu’elle venait d’avoir...d’avoir… Accoutumé à trouver la main de Dieu partout, il était épouvanté de l’avoir trouvée si terrible...terrible…
 
« J’ai donc été bien effrayante, Néel — fit Calixte avec la gaieté d’une âme investie d’un calme divin — puisque monsieur le curé et vous n’osez me dire ce que j’ai été durant cette crise ?... »
 
Néel se taisait. Il était aussi accablé de ce qu’il avait vu. Il ne doutait pas, lui ! Il avait reçu le foudroyant aveu de Sombreval sur le chemin de la Sangsurière — ce secret du père qu’il était obligé de garder...garder… comme il avait gardé le secret de la fille. Il savait, lui, contre qui les croix avaient saigné !... Agité, malheureux, terrifié, il ne regardait plus Calixte ! Il regardait en lui, mais c’est elle qu’il voyait encore ! Heureusement, la nuit venait et allait cacher à la pénétrante jeune fille l’angoisse de sa physionomie. Les ombres commençaient d’entrer par les fenêtres restées ouvertes. Les tentures du salon, orangées un instant par le crépuscule, brunissaient...brunissaient… et bientôt elles disparurent, comme les lignes d’un dessin, sous le noir étendu de l’estompe. Ce soir-là, il n’y avait ni lune ni étoiles...étoiles… Les visages seuls marquaient, de points blancs et vagues, les places du salon où ils se tenaient, mais où ils ne se voyaient plus...plus…
 
Calixte, en interrogeant Néel, n’eût pas plus discerné sa physionomie que celle du prêtre, toujours immobile et debout contre le buffet d’ébène. Maladroits et vrais, ces deux hommes n’avaient pas la force de s’arracher à ce silence imprudent qui pesait sur leurs bouches et sur leurs cœurs et que Calixte aurait pu interpréter d’une manière blessante pour elle, si elle avait insisté...insisté…
 
Mais elle n’insista pas. Elle ne revint point à la question laissée par Néel sans réponse. L’adorable sacrifiée, qu’elle était toujours, respecta ce silence qu’une autre femme aurait rompu. Elle ne pensa pas que sa maladie avait donc quelque chose de bien horrible ou de bien honteux, pour que Néel et l’abbé — Néel surtout ! — les seuls amis qu’elle et son père eussent sur la terre — n’osassent pas lui parler de son mal et eussent l’air si accablé, quand elle revenait à la vie. Elle ne le pensa pas...pas… ou si elle le pensa, elle accepta cette pensée comme elle acceptait tout, cet Ange de l’Acceptation volontaire ! Mais la soirée qui aurait dû, pour tous les trois, être si douce après les cinq jours affreux qu’ils venaient de passer, fut, au contraire, pour elle comme pour eux, de la plus morne mélancolie.