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glacial fut la seule réponse du haineux pontife. « Plaise à Dieu, dit Louis en s’éloignant, que votre dureté n’attire pas une foule de malheurs <ref> De Villeneuve-Trans, ''Histoire de saint Louis'', t. II, p. 125. </ref>. » Tout entier à sa vengeance et voulant faire entrer le roi de France dans sa ligue contre l’empereur, il était secrètement hostile à la croisade. « Étrange spectacle, dit M. Michelet <ref> ''Histoire de France'', t. II, p. 547. </ref>, un pape n’oubliant rien pour entraver la délivrance de Jérusalem, offrant tout à un croisé pour lui faire violer son vœu! » Cependant il n’osa pas lui refuser sa bénédiction apostolique. A Avignon, saint Louis se sépara de sa mère Blanche de Castille, à laquelle il avait laissé la régence du royaume, il passa ensuite à Beaucaire, à Nîmes, et arriva à Aigues-Mortes dans les premiers jours d’août 1248. Une nombreuse armée était déjà réunie autour de la ville. La noblesse française y était représentée par ses plus grands noms. Des Italiens, des Anglais, des Espagnols, accouraient pour se ranger sous les ordres du roi de France. Il avait alors trente-trois ans; petit de taille, ses cheveux blonds ondoyans sur ses épaules, vêtu simplement, il charmait tous ceux qui le voyaient, et leur inspirait la sereine confiance dont il était animé. Des prélats, de simples pèlerins, venaient se joindre à l’expédition. Tous les environs jusqu’à Marseille et à Cette étaient occupés par les croisés. On voit encore dans l’église de Saint-Gilles et sur les murs du château de Tarascon des ''graffiti'' gravés avec la pointe d’un couteau ou celle d’un poignard, représentant un navire avec les formes de l’époque. L’idée d’un embarquement prochain remplissait toutes les imaginations.
glacial fut la seule réponse du haineux pontife. « Plaise à Dieu, dit Louis en s’éloignant, que votre dureté n’attire pas une foule de malheurs <ref> De Villeneuve-Trans, ''Histoire de saint Louis'', t. II, p. 125.</ref>. » Tout entier à sa vengeance et voulant faire entrer le roi de France dans sa ligue contre l’empereur, il était secrètement hostile à la croisade. « Étrange spectacle, dit M. Michelet <ref> ''Histoire de France'', t. II, p. 547.</ref>, un pape n’oubliant rien pour entraver la délivrance de Jérusalem, offrant tout à un croisé pour lui faire violer son vœu ! » Cependant il n’osa pas lui refuser sa bénédiction apostolique. A Avignon, saint Louis se sépara de sa mère Blanche de Castille, à laquelle il avait laissé la régence du royaume, il passa ensuite à Beaucaire, à Nîmes, et arriva à Aigues-Mortes dans les premiers jours d’août 1248. Une nombreuse armée était déjà réunie autour de la ville. La noblesse française y était représentée par ses plus grands noms. Des Italiens, des Anglais, des Espagnols, accouraient pour se ranger sous les ordres du roi de France. Il avait alors trente-trois ans ; petit de taille, ses cheveux blonds ondoyans sur ses épaules, vêtu simplement, il charmait tous ceux qui le voyaient, et leur inspirait la sereine confiance dont il était animé. Des prélats, de simples pèlerins, venaient se joindre à l’expédition. Tous les environs jusqu’à Marseille et à Cette étaient occupés par les croisés. On voit encore dans l’église de Saint-Gilles et sur les murs du château de Tarascon des ''graffiti'' gravés avec la pointe d’un couteau ou celle d’un poignard, représentant un navire avec les formes de l’époque. L’idée d’un embarquement prochain remplissait toutes les imaginations.


Nous savons déjà que la mer n’a jamais baigné les murs d’Aigues-Mortes. La ville ne communiquait avec elle que par des étangs peu profonds. Or la flotte de saint Louis, composée de navires génois et vénitiens au nombre de 120, comptait des vaisseaux de haut-bord pouvant contenir jusqu’à 1,000 hommes et par conséquent d’un tirant d’eau considérable. Ces navires étaient mouillés dans le golfe d’Aigues-Mortes en face d’un grau qui s’appelle encore le ''Grau Louis'', et par lequel l’étang du Repausset s’ouvrait dans la mer. Un banc de roches protégeait cette rade foraine contre les vagues du large : entre ce banc et la terre, les profondeurs sont de 8 à 9 mètres. On reconnaît encore l’emplacement du ''Grau Louis''. La plage est tellement basse, les dunes sont si peu élevées, que par les gros temps la mer atteint presque les eaux de l’étang du Repausset, et il ne faudrait pas des travaux bien considérables pour rétablir l’ancienne communication. Ce grau n’est pas la seule preuve que saint Louis ne s’est pas embarqué sur son vaisseau au pied des murs d’Aigues-Mortes;
Nous savons déjà que la mer n’a jamais baigné les murs d’Aigues-Mortes. La ville ne communiquait avec elle que par des étangs peu profonds. Or la flotte de saint Louis, composée de navires génois et vénitiens au nombre de 120, comptait des vaisseaux de haut-bord pouvant contenir jusqu’à 1,000 hommes et par conséquent d’un tirant d’eau considérable. Ces navires étaient mouillés dans le golfe d’Aigues-Mortes en face d’un grau qui s’appelle encore le ''Grau Louis'', et par lequel l’étang du Repausset s’ouvrait dans la mer. Un banc de roches protégeait cette rade foraine contre les vagues du large : entre ce banc et la terre, les profondeurs sont de 8 à 9 mètres. On reconnaît encore l’emplacement du ''Grau Louis''. La plage est tellement basse, les dunes sont si peu élevées, que par les gros temps la mer atteint presque les eaux de l’étang du Repausset, et il ne faudrait pas des travaux bien considérables pour rétablir l’ancienne communication. Ce grau n’est pas la seule preuve que saint Louis ne s’est pas embarqué sur son vaisseau au pied des murs d’Aigues-Mortes ;