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s’agissait! En réalité, on ne devait avoir rien de plus pressé que d’en constituer une de toutes pièces et de toutes mains. Tout le monde était suspect, le public d’abord, ce public que la commune sentait hostile, et aussi les révolutionnaires selon le bord d’où ils étaient : suspects ceux que l’on connaissait peu, et ceux que l’on connaissait trop, suspects ceux qui voulaient les places, et plus encore ceux qui les détenaient! Les diverses fractions du gouvernement révolutionnaire, aux prises les unes avec les autres, s’espionnaient mutuellement. Les délations particulières surabondaient. La police cessait d’être une spécialité, tant il y avait de gens qui s’en mêlaient. Mine précieuse que de tels papiers pour le moraliste ! Les prétentions de tout genre s’y étalent. Il y en a qui laissent apercevoir des ambitions implacables; à celles-là, il faut les révolutions : seules elles peuvent les dédommager, en quelques jours de satisfaction enivrante, des souffrances d’une longue attente et de cruels déboires; il y en a d’autres plus modestes qui croient l’occasion bonne pour se faire un sort, comme si la commune devait toujours durer.
s’agissait ! En réalité, on ne devait avoir rien de plus pressé que d’en constituer une de toutes pièces et de toutes mains. Tout le monde était suspect, le public d’abord, ce public que la commune sentait hostile, et aussi les révolutionnaires selon le bord d’où ils étaient : suspects ceux que l’on connaissait peu, et ceux que l’on connaissait trop, suspects ceux qui voulaient les places, et plus encore ceux qui les détenaient ! Les diverses fractions du gouvernement révolutionnaire, aux prises les unes avec les autres, s’espionnaient mutuellement. Les délations particulières surabondaient. La police cessait d’être une spécialité, tant il y avait de gens qui s’en mêlaient. Mine précieuse que de tels papiers pour le moraliste ! Les prétentions de tout genre s’y étalent. Il y en a qui laissent apercevoir des ambitions implacables ; à celles-là, il faut les révolutions : seules elles peuvent les dédommager, en quelques jours de satisfaction enivrante, des souffrances d’une longue attente et de cruels déboires ; il y en a d’autres plus modestes qui croient l’occasion bonne pour se faire un sort, comme si la commune devait toujours durer.


Non, assurément, une telle peinture n’intéresse pas seulement le jugement à porter sur l’histoire morale de la commune; une question qui peut-être pèsera longtemps sur nous s’y rattache d’une manière étroite. Notre société n’est-elle à aucun degré solidaire des causes qui ont permis l’existence d’un tel régime? Ne retrouve-t-on pas dans ce gouvernement d’une faction des vices et des sophismes qui tiennent leur place dans notre temps? Est-ce agrandir la question que de la poser en de tels termes? N’est-ce pas seulement lui donner une portée plus exacte? M. Dauban n’a pas craint d’intituler son ouvrage : ''le Fond de la société sous la commune''. C’est assez faire entendre que lui-même voit là plus que le simple accident d’une sédition triomphante. Doit-on pourtant créer entre la commune et la société une solidarité trop étroite qui serait pour celle-ci un outrage? Je crains que M. Dauban ne se soit laissé trop aller à cette pente pessimiste. Ses observations morales sont en général judicieuses, souvent incisives, constamment sévères pour la démagogie; elles manquent parfois de mesure. Non content d’exagérer la responsabilité des gouvernemens, quelque réelle que soit la part qui leur en revient, il accuse à l’excès aussi notre société, qui, si coupable qu’elle puisse être, ne l’est pas à un tel degré. Est-il donc nécessaire d’en faire la remarque? Ce honteux et sanglant régime ne reproduit aucun des mérites dont cette société tire sa force comme son honneur, et, s’il est trop vrai qu’il reflète des tendances et des défauts qu’on nous reproche avec raison, c’est à la façon d’un miroir qui grossit tout dans des proportions monstrueuses. Il suffit que ces analogies existent pour donner à réfléchir. Ces papiers peignent un temps de crise; mais quelle crise est sans rapport
Non, assurément, une telle peinture n’intéresse pas seulement le jugement à porter sur l’histoire morale de la commune ; une question qui peut-être pèsera longtemps sur nous s’y rattache d’une manière étroite. Notre société n’est-elle à aucun degré solidaire des causes qui ont permis l’existence d’un tel régime ? Ne retrouve-t-on pas dans ce gouvernement d’une faction des vices et des sophismes qui tiennent leur place dans notre temps ? Est-ce agrandir la question que de la poser en de tels termes ? N’est-ce pas seulement lui donner une portée plus exacte ? M. Dauban n’a pas craint d’intituler son ouvrage : ''le Fond de la société sous la commune''. C’est assez faire entendre que lui-même voit là plus que le simple accident d’une sédition triomphante. Doit-on pourtant créer entre la commune et la société une solidarité trop étroite qui serait pour celle-ci un outrage ? Je crains que M. Dauban ne se soit laissé trop aller à cette pente pessimiste. Ses observations morales sont en général judicieuses, souvent incisives, constamment sévères pour la démagogie ; elles manquent parfois de mesure. Non content d’exagérer la responsabilité des gouvernemens, quelque réelle que soit la part qui leur en revient, il accuse à l’excès aussi notre société, qui, si coupable qu’elle puisse être, ne l’est pas à un tel degré. Est-il donc nécessaire d’en faire la remarque ? Ce honteux et sanglant régime ne reproduit aucun des mérites dont cette société tire sa force comme son honneur, et, s’il est trop vrai qu’il reflète des tendances et des défauts qu’on nous reproche avec raison, c’est à la façon d’un miroir qui grossit tout dans des proportions monstrueuses. Il suffit que ces analogies existent pour donner à réfléchir. Ces papiers peignent un temps de crise ; mais quelle crise est sans rapport