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correspondance avec Voronzof, lui recommandant « de veiller sur sa chère et unique fille la grande-duchesse et le grand-duc lui-même, jeunes et par conséquent propres à faillir. » Elle ne voyait pas que sa fille était cent fois plus réfléchie et plus avisée qu’elle. Puis ce sont les affaires de son duché, pour lesquelles elle implore tantôt Voronzof et tantôt son ancien ennemi Bestouchef. Il s’agit de recrues que le prince d’Anhalt-Dessau prétend lever sur les terres d’Ahhalt-Zerbst; on veut que la cour de Russie intervienne dans cette misérable querelle. Voilà comment peu à peu s’implantait dans les plus petits états de l’Allemagne l’influence du cabinet de Saint-Pétersbourg. Peu de temps après, le duc son fils eut l’imprudence, en pleine guerre de sept ans, de braver le roi de Prusse. Ses états furent occupés par les hussards et sa mère réduite à demander un asile. La princesse souffrait par Frédéric II; elle était un membre malheureux de cette grande ligue féminine formée contre le héros prussien : c’en fut assez pour lui assurer la faveur de Mme de Pompadour. Sous le nom de comtesse d’Oldenbourg, on lui assigna un appartement aux frais du roi. Elle y vécut d’une pension de la Russie et écrivit sur ce pays des mémoires qui ne vont malheureusement que jusqu’à l’avènement d’Elisabeth, et qui ne sont pas encore publiés. Elle se vit bientôt entourée d’une cour de beaux-esprits français ou étrangers, mais aussi d’aventuriers qui flattaient sa manie d’intrigues et son goût de dépenses. Négligeant ses affaires, elle persistait à s’occuper de celles des autres; elle se faisait bénévolement, et sans qu’on l’en priât, le factotum en jupon de la Russie, une manière d’ambassadeur extra-diplomatique. Ce métier d’ardélion et de mouche du coche ne l’enrichit pas : elle devait 400,000 livres; ses meubles mêmes n’étaient plus à elle. Elle supplia les ministres d’Elisabeth de venir à son secours; elle descendit à ce rôle de solliciteur dont elle avait fait honte à ses parens d’Allemagne; elle rappelait à ces orgueilleux Russes qu’elle a avait l’honneur d’''appartenir à Mme la grande-duchesse'', » tant l’infortune lui avait inspiré d’humilité. Hélas ! comme elle le disait autrefois, il ne pleuvait en Russie ni de l’or, ni de l’argent. Elisabeth d’ailleurs lui gardait rancune : cette humble requête la trouva insensible. Elle lui fit faire par son ami Voronzof une dure réponse. Son long séjour à Paris, un voyage à Dresde, l’entrée de son fils au service d’Autriche, sans qu’elle eût donné d’avis ou demandé d’autorisation à sa majesté impériale, avaient indisposé contre elle. Elle avait trop oublié à qui elle ''appartenait'' ; on lui refusait la gratification demandée. La princesse d’Anhalt mourut en 1760, et son fils ne lui survécut guère.
correspondance avec Voronzof, lui recommandant « de veiller sur sa chère et unique fille la grande-duchesse et le grand-duc lui-même, jeunes et par conséquent propres à faillir. » Elle ne voyait pas que sa fille était cent fois plus réfléchie et plus avisée qu’elle. Puis ce sont les affaires de son duché, pour lesquelles elle implore tantôt Voronzof et tantôt son ancien ennemi Bestouchef. Il s’agit de recrues que le prince d’Anhalt-Dessau prétend lever sur les terres d’Ahhalt-Zerbst ; on veut que la cour de Russie intervienne dans cette misérable querelle. Voilà comment peu à peu s’implantait dans les plus petits états de l’Allemagne l’influence du cabinet de Saint-Pétersbourg. Peu de temps après, le duc son fils eut l’imprudence, en pleine guerre de sept ans, de braver le roi de Prusse. Ses états furent occupés par les hussards et sa mère réduite à demander un asile. La princesse souffrait par Frédéric II ; elle était un membre malheureux de cette grande ligue féminine formée contre le héros prussien : c’en fut assez pour lui assurer la faveur de Mme de Pompadour. Sous le nom de comtesse d’Oldenbourg, on lui assigna un appartement aux frais du roi. Elle y vécut d’une pension de la Russie et écrivit sur ce pays des mémoires qui ne vont malheureusement que jusqu’à l’avènement d’Elisabeth, et qui ne sont pas encore publiés. Elle se vit bientôt entourée d’une cour de beaux-esprits français ou étrangers, mais aussi d’aventuriers qui flattaient sa manie d’intrigues et son goût de dépenses. Négligeant ses affaires, elle persistait à s’occuper de celles des autres ; elle se faisait bénévolement, et sans qu’on l’en priât, le factotum en jupon de la Russie, une manière d’ambassadeur extra-diplomatique. Ce métier d’ardélion et de mouche du coche ne l’enrichit pas : elle devait 400,000 livres ; ses meubles mêmes n’étaient plus à elle. Elle supplia les ministres d’Elisabeth de venir à son secours ; elle descendit à ce rôle de solliciteur dont elle avait fait honte à ses parens d’Allemagne ; elle rappelait à ces orgueilleux Russes qu’elle a avait l’honneur d’''appartenir à Mme la grande-duchesse'', » tant l’infortune lui avait inspiré d’humilité. Hélas ! comme elle le disait autrefois, il ne pleuvait en Russie ni de l’or, ni de l’argent. Elisabeth d’ailleurs lui gardait rancune : cette humble requête la trouva insensible. Elle lui fit faire par son ami Voronzof une dure réponse. Son long séjour à Paris, un voyage à Dresde, l’entrée de son fils au service d’Autriche, sans qu’elle eût donné d’avis ou demandé d’autorisation à sa majesté impériale, avaient indisposé contre elle. Elle avait trop oublié à qui elle ''appartenait'' ; on lui refusait la gratification demandée. La princesse d’Anhalt mourut en 1760, et son fils ne lui survécut guère.


Catherine n’avait pu aider sa mère dans l’infortune. La correspondance entre les deux princesses subissait même des entraves. Dans une lettre de 1750, Catherine recommande à Jeanne-Elisabeth
Catherine n’avait pu aider sa mère dans l’infortune. La correspondance entre les deux princesses subissait même des entraves. Dans une lettre de 1750, Catherine recommande à Jeanne-Elisabeth