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gouvernés Alphonse de Poitiers, le sénéchal ne faisait que recevoir les appels; ceux-ci étaient jugés, comme l’a montré un savant historien, M. E. Boutaric, par des juges spéciaux dits ''juges des appeaux''.
gouvernés Alphonse de Poitiers, le sénéchal ne faisait que recevoir les appels ; ceux-ci étaient jugés, comme l’a montré un savant historien, M. E. Boutaric, par des juges spéciaux dits ''juges des appeaux''.


Le droit conféré par le monarque à ses baillis et sénéchaux souleva les réclamations des princes du sang et des grands feudataires. Ils obtinrent que l’appel de leurs sentences serait porté à la cour du roi, ou, pour prendre le nom sous lequel on la désignait aussi, au. parlement. Pour les pays situés ''hors l’obéissance le roi'', les grands feudataires gardèrent leurs droits régaliens; ils recevaient à leur cour l’appel de la sentence de la juridiction de leurs propres vassaux, et dans les terres qu’ils n’avaient pas inféodées, ils jugeaient à cette cour les nobles et faisaient juger les roturiers par leur juge ou prévôt; mais la manière d’agir des juges royaux menaçait l’existence des justices seigneuriales, et pendant tout le XIVe siècle on voit les baillis et les prévôts du roi tendre à envahir la juridiction des seigneurs. Les rois sont contraints de donner des assurances aux nobles, atteints dans leurs privilèges. En 1302, une ordonnance de Philippe le Bel enjoint aux officiers royaux de ne point attirer à eux les causes pendantes entre les justiciables des prélats et des barons. En 1356, une autre ordonnance défend aux juges royaux d’entreprendre sur la juridiction des juges des seigneurs. La lutte se prolongea assez longtemps. Les seigneurs revendiquaient le droit de prononcer en appel sur les jugemens de leurs vassaux ou même sur ceux de leurs propres juges. La royauté ne céda pas. Philippe le Bel repoussa la prétention, et, comme d’après le principe admis par les jurisconsultes il ne pouvait y avoir plus de trois degrés de juridiction, il interdit aux feudataires du Languedoc de maintenir chez eux ces trois degrés, afin qu’on pût toujours en appeler au roi. De la sorte, la royauté se ménagea le moyen d’intervenir entre les seigneurs et leurs vassaux et de faire sentir à tous sa puissance absolue. Elle encouragea les appels afin d’annuler la justice seigneuriale. L’établissement des ''cas royaux'' fut un coup non moins habile porté à l’autorité judiciaire des feudataires. Le roi se réservait ainsi le jugement de certaines causes qui importaient au droit de la couronne, et il évita de les spécifier clairement, de manière à pouvoir toujours évoquer une affaire grave devant ses juges. Les baillis, en appliquant le nouveau principe, faisaient rentrer dans le ressort de la justice royale une foule de causes dont les seigneurs avaient auparavant connu. Le roi interdit à ceux-ci de juger ses propres sujets, et ses prévôts eurent l’autorisation d’ajourner devant eux tout sujet du seigneur réputé désobéissant au roi.
Le droit conféré par le monarque à ses baillis et sénéchaux souleva les réclamations des princes du sang et des grands feudataires. Ils obtinrent que l’appel de leurs sentences serait porté à la cour du roi, ou, pour prendre le nom sous lequel on la désignait aussi, au. parlement. Pour les pays situés ''hors l’obéissance le roi'', les grands feudataires gardèrent leurs droits régaliens ; ils recevaient à leur cour l’appel de la sentence de la juridiction de leurs propres vassaux, et dans les terres qu’ils n’avaient pas inféodées, ils jugeaient à cette cour les nobles et faisaient juger les roturiers par leur juge ou prévôt ; mais la manière d’agir des juges royaux menaçait l’existence des justices seigneuriales, et pendant tout le XIVe siècle on voit les baillis et les prévôts du roi tendre à envahir la juridiction des seigneurs. Les rois sont contraints de donner des assurances aux nobles, atteints dans leurs privilèges. En 1302, une ordonnance de Philippe le Bel enjoint aux officiers royaux de ne point attirer à eux les causes pendantes entre les justiciables des prélats et des barons. En 1356, une autre ordonnance défend aux juges royaux d’entreprendre sur la juridiction des juges des seigneurs. La lutte se prolongea assez longtemps. Les seigneurs revendiquaient le droit de prononcer en appel sur les jugemens de leurs vassaux ou même sur ceux de leurs propres juges. La royauté ne céda pas. Philippe le Bel repoussa la prétention, et, comme d’après le principe admis par les jurisconsultes il ne pouvait y avoir plus de trois degrés de juridiction, il interdit aux feudataires du Languedoc de maintenir chez eux ces trois degrés, afin qu’on pût toujours en appeler au roi. De la sorte, la royauté se ménagea le moyen d’intervenir entre les seigneurs et leurs vassaux et de faire sentir à tous sa puissance absolue. Elle encouragea les appels afin d’annuler la justice seigneuriale. L’établissement des ''cas royaux'' fut un coup non moins habile porté à l’autorité judiciaire des feudataires. Le roi se réservait ainsi le jugement de certaines causes qui importaient au droit de la couronne, et il évita de les spécifier clairement, de manière à pouvoir toujours évoquer une affaire grave devant ses juges. Les baillis, en appliquant le nouveau principe, faisaient rentrer dans le ressort de la justice royale une foule de causes dont les seigneurs avaient auparavant connu. Le roi interdit à ceux-ci de juger ses propres sujets, et ses prévôts eurent l’autorisation d’ajourner devant eux tout sujet du seigneur réputé désobéissant au roi.
Cette puissance des baillis royaux subsista pendant tout le XVe siècle. Alors même que leurs attributions se restreignaient par l’effet
Cette puissance des baillis royaux subsista pendant tout le XVe siècle. Alors même que leurs attributions se restreignaient par l’effet