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jugement, avait rédigé dans cette intention un mémoire qu’il communiqua en 1709 au duc de Chevreuse et soumit ensuite au duc de Bourgogne. D’après ce projet, tous les conseils devaient être réorganisés et avoir un grand dignitaire à leur tête. Le mémoire visait, selon l’expression de son auteur, à dépouiller les secrétaires d’état de toutes les plumes étrangères que ces oiseaux de proie avaient arrachées à tous et partout, et à ne leur laisser que leur naturel plumage. Après la mort de Louis XIV, cette préoccupation de rendre la première place dans les conseils aux gens de qualité et d’affaiblir l’autorité des secrétaires d’état se manifeste dans les choix; elle éclate dans la déclaration du roi du 15 septembre 1715, ''portant établissement de plusieurs conseils pour la direction des affaires du royaume''. La correspondance administrative fut alors dévolue en grande partie aux présidens et aux secrétaires des conseils particuliers, dont les secrétaires d’état furent soigneusement exclus. Cette tentative n’eut qu’un succès éphémère. Les conflits et les rivalités ne tardèrent pas à créer dans les conseils des difficultés auxquelles vint se joindre l’insuffisance des personnes. Le cardinal Dubois, en se rendant maître de la confiance du régent, réussit à renverser tout l’échafaudage des nouveaux conseils, déjà en butte aux attaques du parlement, qui en demandait la suppression; les choses revinrent bientôt à la situation où les avait laissées Louis XIV. Deux hommes de mince origine, l’abbé Dubois et l’Écossais Law, allaient saisir le timon des affaires et de l’administration. Les secrétaires d’état reprirent bientôt l’autorité et les attributions dont on les avait dépossédés. Ils les gardèrent jusqu’à la fin de la monarchie. Durant tout le cours du règne de Louis XV, ils furent les véritables dépositaires du pouvoir, surtout après la mort du cardinal de Fleury, dernier représentant de ces premiers ministres qui dominaient tous les départemens et gouvernaient les affaires sans les manier. La capacité et le savoir-faire de quelques-uns d’entre eux, l’abdication que faisait le voluptueux et insouciant Louis XV de initiative royale, grandirent singulièrement leur autorité. Quand, après la mort de Louvois, Louis XIV voulut gouverner seul, les secrétaires d’état virent s’accroître leurs attributions. la médiocrité des choix, la facilité avec laquelle le grand roi laissait à un jeune fils la charge ministérielle de son père, rabaissèrent plus tard ces fonctions sans pourtant les subordonner à de plus hautes, mais, quand la noblesse eut subi l’échec dont il vient d’être parlé et dont elle ne se releva point, quand le gouvernement ne fut plus qu’aux mains des hommes d’affaires, qui n’en étaient pas moins aussi quelquefois des hommes d’intrigues, la puissance des cabinets ministériels telle que nous la concevons aujourd’hui fut réellement constituée. Les ministres dans le sens actuel du
jugement, avait rédigé dans cette intention un mémoire qu’il communiqua en 1709 au duc de Chevreuse et soumit ensuite au duc de Bourgogne. D’après ce projet, tous les conseils devaient être réorganisés et avoir un grand dignitaire à leur tête. Le mémoire visait, selon l’expression de son auteur, à dépouiller les secrétaires d’état de toutes les plumes étrangères que ces oiseaux de proie avaient arrachées à tous et partout, et à ne leur laisser que leur naturel plumage. Après la mort de Louis XIV, cette préoccupation de rendre la première place dans les conseils aux gens de qualité et d’affaiblir l’autorité des secrétaires d’état se manifeste dans les choix ; elle éclate dans la déclaration du roi du 15 septembre 1715, ''portant établissement de plusieurs conseils pour la direction des affaires du royaume''. La correspondance administrative fut alors dévolue en grande partie aux présidens et aux secrétaires des conseils particuliers, dont les secrétaires d’état furent soigneusement exclus. Cette tentative n’eut qu’un succès éphémère. Les conflits et les rivalités ne tardèrent pas à créer dans les conseils des difficultés auxquelles vint se joindre l’insuffisance des personnes. Le cardinal Dubois, en se rendant maître de la confiance du régent, réussit à renverser tout l’échafaudage des nouveaux conseils, déjà en butte aux attaques du parlement, qui en demandait la suppression ; les choses revinrent bientôt à la situation où les avait laissées Louis XIV. Deux hommes de mince origine, l’abbé Dubois et l’Écossais Law, allaient saisir le timon des affaires et de l’administration. Les secrétaires d’état reprirent bientôt l’autorité et les attributions dont on les avait dépossédés. Ils les gardèrent jusqu’à la fin de la monarchie. Durant tout le cours du règne de Louis XV, ils furent les véritables dépositaires du pouvoir, surtout après la mort du cardinal de Fleury, dernier représentant de ces premiers ministres qui dominaient tous les départemens et gouvernaient les affaires sans les manier. La capacité et le savoir-faire de quelques-uns d’entre eux, l’abdication que faisait le voluptueux et insouciant Louis XV de initiative royale, grandirent singulièrement leur autorité. Quand, après la mort de Louvois, Louis XIV voulut gouverner seul, les secrétaires d’état virent s’accroître leurs attributions. la médiocrité des choix, la facilité avec laquelle le grand roi laissait à un jeune fils la charge ministérielle de son père, rabaissèrent plus tard ces fonctions sans pourtant les subordonner à de plus hautes, mais, quand la noblesse eut subi l’échec dont il vient d’être parlé et dont elle ne se releva point, quand le gouvernement ne fut plus qu’aux mains des hommes d’affaires, qui n’en étaient pas moins aussi quelquefois des hommes d’intrigues, la puissance des cabinets ministériels telle que nous la concevons aujourd’hui fut réellement constituée. Les ministres dans le sens actuel du