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L’église a-t-elle profité de cette alliance, que certains catholiques, plus ardens qu’éclairés, rêvent de rétablir ? Elle a eu pour elle la richesse et la puissance, deux causes de corruption; elle a soulevé contre elle toutes les consciences inquiètes, tous les esprits indépendans. On a créé une orthodoxie officielle, mais la religion est devenue une formalité vaine, une enveloppe d’où la vie s’est envolée. C’est dans les pays catholiques qu’on a eu le peuple le moins religieux; l’athéisme a été une protestation violente contre la domination de l’église établie. Cela est visible en Italie au XVIe siècle, et surtout en France au XVIIIe. Après la révocation de l’édit de Nantes, il se fait un silence universel, il n’y a plus de discussions religieuses; qu’est-ce que le christianisme y a gagné? On n’a plus de protestans, mais on a des philosophes, et leur cri de guerre est celui de Voltaire : ''écrasons l’infâme'' ! c’est-à-dire débarrassons-nous de l’église et de la religion qu’elle impose. La révolution est l’œuvre d’hommes que l’église a élevés, et qui n’ont eu pour elle que de la haine et du mépris.
L’église a-t-elle profité de cette alliance, que certains catholiques, plus ardens qu’éclairés, rêvent de rétablir ? Elle a eu pour elle la richesse et la puissance, deux causes de corruption ; elle a soulevé contre elle toutes les consciences inquiètes, tous les esprits indépendans. On a créé une orthodoxie officielle, mais la religion est devenue une formalité vaine, une enveloppe d’où la vie s’est envolée. C’est dans les pays catholiques qu’on a eu le peuple le moins religieux ; l’athéisme a été une protestation violente contre la domination de l’église établie. Cela est visible en Italie au XVIe siècle, et surtout en France au XVIIIe. Après la révocation de l’édit de Nantes, il se fait un silence universel, il n’y a plus de discussions religieuses ; qu’est-ce que le christianisme y a gagné ? On n’a plus de protestans, mais on a des philosophes, et leur cri de guerre est celui de Voltaire : ''écrasons l’infâme'' ! c’est-à-dire débarrassons-nous de l’église et de la religion qu’elle impose. La révolution est l’œuvre d’hommes que l’église a élevés, et qui n’ont eu pour elle que de la haine et du mépris.
En introduisant la réforme dans leurs états, Henri VIII et Elisabeth n’entendirent nullement accorder la liberté de conscience; le statut ''de hœretico comburendo'' n’a été aboli qu’en 1677. Henri VIII et sa fille voulurent simplement confisquer à leur profit l’autorité du pape, et réunir dans leurs mains la puissance religieuse et la puissance civile; mais le principe du protestantisme ne se prêta pas longtemps à cette entreprise despotique. Le catholicisme est une société hiérarchique dont le clergé a le gouvernement; le dogme, promulgué par les chefs spirituels, est la loi de cette société : il faut s’y soumettre sous peine de rébellion. Le protestantisme au contraire est par essence une religion individuelle; toute église réformée est une communauté d’égaux qui ne reconnaît point de classe directrice. La vérité religieuse n’a point chez les protestans le caractère formel et légal que lui attribue l’église catholique. Contenue dans l’Écriture sainte, cette vérité s’offre à ceux qui la cherchent dans les mêmes conditions que la vérité scientifique, chacun n’en possède que ce qu’il en peut découvrir et comprendre. Quand on considère la diversité des convictions comme une conséquence de la diversité des esprits, on ne peut pas professer cette intolérance doctrinale qui mène si facilement à l’intolérance civile. Les églises, malgré leurs différences, se traitent en sœurs lorsqu’elles s’accordent sur un certain nombre de points essentiels. On ne doit donc pas s’étonner de voir l’Angleterre arriver à la tolérance des dissidens vers la fin du XVIIe siècle. Il est vrai qu’on exclut de cette liberté ceux qu’on nomme des papistes pour se dispenser de reconnaître en eux des chrétiens. C’est une inconséquence qu’explique
En introduisant la réforme dans leurs états, Henri VIII et Elisabeth n’entendirent nullement accorder la liberté de conscience ; le statut ''de hœretico comburendo'' n’a été aboli qu’en 1677. Henri VIII et sa fille voulurent simplement confisquer à leur profit l’autorité du pape, et réunir dans leurs mains la puissance religieuse et la puissance civile ; mais le principe du protestantisme ne se prêta pas longtemps à cette entreprise despotique. Le catholicisme est une société hiérarchique dont le clergé a le gouvernement ; le dogme, promulgué par les chefs spirituels, est la loi de cette société : il faut s’y soumettre sous peine de rébellion. Le protestantisme au contraire est par essence une religion individuelle ; toute église réformée est une communauté d’égaux qui ne reconnaît point de classe directrice. La vérité religieuse n’a point chez les protestans le caractère formel et légal que lui attribue l’église catholique. Contenue dans l’Écriture sainte, cette vérité s’offre à ceux qui la cherchent dans les mêmes conditions que la vérité scientifique, chacun n’en possède que ce qu’il en peut découvrir et comprendre. Quand on considère la diversité des convictions comme une conséquence de la diversité des esprits, on ne peut pas professer cette intolérance doctrinale qui mène si facilement à l’intolérance civile. Les églises, malgré leurs différences, se traitent en sœurs lorsqu’elles s’accordent sur un certain nombre de points essentiels. On ne doit donc pas s’étonner de voir l’Angleterre arriver à la tolérance des dissidens vers la fin du XVIIe siècle. Il est vrai qu’on exclut de cette liberté ceux qu’on nomme des papistes pour se dispenser de reconnaître en eux des chrétiens. C’est une inconséquence qu’explique