« La Paix (trad. Eugène Talbot) » : différence entre les versions

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UNE FILLE DE TRYGÉE. Mon père, mon père, est-il vrai le bruit qui court dans notre maison ? On dit que, nous quittant pour le pays des oiseaux, tu vas chez les corbeaux et disparaître. Y a-t-il là quelque chose de réel ? Dis-le-moi, mon père, pour peu que tu m'aimes.
 
TRYGÉE. C'est à croire, mes enfants. Ce qu'il y a de certain, c'est que vous me fendez le coeurcœur, quand vous me demandez du pain, en m'appelant papa, et que je n'ai pas chez moi une parcelle d'argent, ni rien du tout. Mais si je réussis, à mon retour, vous aurez un gros gâteau et une gifle pour assaisonnement.
 
LA JEUNE FILLE. Mais par quel moyen feras-tu ce trajet ? Car ce n'est pas un navire qui te conduira sur cette route.
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LA JEUNE FILLE. Tu nous racontes une fable incroyable, petit père, comme quoi un animal si puant est allé chez les dieux.
 
TRYGÉE. II y est allé, au temps jadis, par haine de l'aigle, et pour en faire rouler les oeufsœufs, afin de se venger.
 
LA JEUNE FILLE. Tu aurais dû plutôt monter le cheval ailé Pégase ; tu aurais eu pour les dieux un air plus tragique.
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TRYGÉE. Voici l'instant de répéter ce que chantait Datis, en se caressant au milieu du jour : « Quel plaisir, quel délice, quelle jouissance ! » C'est le bon moment pour vous, hommes de la Grèce, où, délivrés des affaires et des combats, vous allez tirer de prison la Paix, chère à tous, avant qu'un autre pilon y mette obstacle. Allons, laboureurs, marchands, artisans, ouvriers, métèques, étrangers, insulaires, venez ici ; peuple de partout, prenez au plus vite pioches, leviers et câbles. Nous pouvons aujourd'hui saisir la coupe du Bon Génie.
 
LE CHOEUR. Que chacun coure de tout coeurcœur et promptement à la délivrance ! O Panhellènes, secourons-nous plus que jamais après avoir mis fin aux batailles et aux luttes sanglantes. Car le jour a brillé ennemi de Lamachos. Toi, s'il y a quelque chose à faire, donne-nous des ordres ; sers-nous d'architecte : car il n'y a pas moyen, selon moi, aujourd'hui, de reculer, avant que les leviers et les machines aient ramené à la lumière la plus grande de toutes les déesses et la plus amie des vignes.
 
TRYGÉE. Vous tairez-vous ? Que votre joie de la tournure des affaires ne réveille pas la Guerre qui est là dedans : plus de cris !
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TRYGÉE. Oui, de par Zeus ! Ainsi, cher Hermès, viens-nous résolument en aide et délivre avec nous la captive. Et désormais c'est à toi, Hermès, que seront consacrées les grandes Panathénées et les autres fêtes en l'honneur des dieux, Mystères, Dipolies, Adonies. Partout les villes, débarrassées de leurs maux, offriront des sacrifices à Hermès Préservateur. Et tu auras encore bien d'autres avantages : moi, d'abord, je te fais présent de cette coupe pour les libations.
 
HERMÈS. Ah! je suis toujours sensible aux coupes d'or. A votre oeuvreœuvre donc, braves gens! Pioches en main, entrez dans la caverne, et écartez au plus vite les pierres.
 
LE CHOEUR. Nous y sommes ; mais toi, le plus habile des dieux, dis-nous en bon ouvrier ce qu'il faut faire ; pour le reste, tu ne nous trouveras pas insouciants à la besogne.
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LE CHOEUR. Eh! voyons! Tirez aussi, vous deux.
 
TRYGÉE. Mais je tire, je me pends à la corde ; je me couche dessus ; j'y vais de bon coeurcœur.
 
LE CHOEUR. Comment se fait-il donc que la besogne n'avance pas ?
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TRYGÉE. Oui, mais les Laconiens, mon bon, tirent en vrais hommes.
 
LE CHOEUR. Tu vois que ce sont exclusivement tous ceux d'entre eux qui ont en main le bois aratoire, seuls ils ont du coeurcœur. Mais l'armurier s'y oppose.
 
HERMÈS. Les Mégariens ne font pas grand'chose non plus : ils tirent toutefois, ouvrant gloutonnement leur bouche humide, à la manière des chiens, et, de par Zeus ! mourant d'inanition.
 
TRYGÉE. Nous ne faisons rien, bonnes gens ; allons-y tous du même coeurcœur : sachons nous y reprendre.
 
HERMÈS. Ho ! Eia !
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HERMÈS. La chose est en bien meilleur train, mes amis, pour notre avantage.
 
LE CHOEUR. Il dit que la chose est en bon train : que chacun s'y mette donc de tout coeurcœur.
 
TRYGÉE. Ce sont les laboureurs, et pas un autre, qui avancent l'ouvrage.
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HERMÈS. Est-ce donc une odeur comparable à celle du sac militaire?
 
TRYGÉE. J'ai le coeurcœur sur les lèvres devant l'affreux sac d'osier d'un très affreux ennemi : c'est l'odeur du rot d'un mangeur d'oignon ; mais avec Opora réceptions, Dionysies, flûtes, tragédies, chants de Sophocle, grives, petits vers d'Euripide...
 
HERMÈS. Pleure de la calomnier : elle ne se plaît pas avec un faiseur de plaidoiries.
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TRYGÉE. Ecoutez, peuples. Que les laboureurs retournent au plus vite dans leurs champs, avec leurs instruments aratoires, sans lances, sans épées, sans javelots ; car déjà tout se remplit ici de la vieille Paix. Que chacun se rende à ses travaux champêtres, après avoir chanté un Péan !
 
LE CHOEUR. O jour désiré des gens de bien et des cultivateurs, avec quelle joie, en te revoyant, je veux saluer mes vignes et les figuiers que je plantai dans ma jeunesse! Le coeurcœur nous dit de les embrasser après un si long temps.
 
TRYGÉE. Et maintenant, bonnes gens, commençons par adorer la Déesse qui nous a débarrassés des aigrettes et des Gorgones ; ensuite nous retournerons à notre logis, chez nous, dans nos champs, après avoir fait l'emplette de quelque bonne salaison.
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LE CHOEUR. Ni moi, jusqu'à ce moment : elle ne tenait sans doute une figure si belle que de sa parenté avec lui. Bien des choses nous échappent.
 
HERMÈS. Alors, quand les villes, à vous soumises, connurent vos férocités mutuelles et vos grincements de dents, elles mirent tout en oeuvreœuvre contre vous, différant les tributs, et elles gagnèrent à prix d'argent les principaux citoyens de la Laconie. Ceux-ci, honteusement avares et haïsseurs des étrangers, repoussent honteusement la Paix et embrassent la Guerre. Cependant leurs profits sont la ruine des laboureurs. Car bientôt des trières, parties d'ici en représailles, mangent les figues de gens qui n'en peuvent mais.
 
TRYGÉE. C'était juste pourtant ; car ils m'ont brisé un figuier noir, que j'avais planté et élevé de mes mains.
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HERMÈS. Quel semble donc être Cléonyme en ce qui touche à la guerre ?
 
TRYGÉE. Un brave coeurcœur ; seulement il n'est pas né du père dont il se dit le fils ; et quand il marche en soldat, il le prouve aussitôt en jetant ses armes.
 
HERMÈS. Écoute encore ce qu'elle vient de me demander. Qui est-ce qui domine aujourd'hui à la tribune de pierre de la Pnyx ?
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TRYGÉE. Par ici, jeunes filles, suivez-moi vite ; car bon nombre de gens vous désirent et vous attendent tête levée.
 
PARABASE OU CHOEUR. Va donc avec joie. Pour nous, mettant ces objets entre les mains des gens de notre suite, donnons-les-leur à garder, vu que c'est autour de la scène particulièrement que la foule des voleurs a coutume de roder et de faire de mauvais coups. Veillez-y donc avec courage. Et nous, exposons aux spectateurs la voie que suivent nos ouvrages, et quelle en est l'intention. Il faudrait voir fustiger par les arbitres tout poète comique qui se louerait lui-même sur la scène dans les anapestes de sa para-base, Or, s'il est juste, fille de Zeus, d'honorer celui qui s'est fait le meilleur et le plus habile de tous les comiques, notre auteur croit avoir droit à de grands éloges. D'abord, il est le seul qui ait forcé ses rivaux à cesser de rire sans cesse des haillons, et de faire la guerre aux poux. Ces Héraclès qui pétrissent, ces meurt-de-faim, il les a bannis et flétris le premier ; il a mis à l'écart les esclaves fuyards, trompeurs, battus et introduits par eux tout en larmes, à seule fin et exclusivement pour qu'un camarade se moque de leurs coups, et leur dise : « Malheureux, qu'est-il arrivé à ta peau ? Est-ce qu'une nombreuse armée de hérissons est tombée sur tes reins et a mis ton dos en coupe ? » Supprimant ces turpitudes, ces lourdeurs, ces bouffonneries ignobles, il nous a créé un grand art, bâti un palais aux tours élevées, à l'aide de belles paroles, de pensées et de plaisanteries, qui ne sentent pas l'Agora. Jamais il n'a mis en scène de simples particuliers, ni des femmes; mais, avec le courage de Héraclès, il s'est attaqué aux plus grands monstres passant à travers les odeurs fétides des cuirs et les menaces boueuses. Oui, le premier entre tous, je lutte contre la bête aux dents aiguës, dans les yeux de laquelle luisent des rayons terribles comme les yeux de Cynna, et dont les cent têtes sont léchées en cercle par des flatteurs, gémissant autour de son cou, ayant la voix redoutable d'un torrent qui grossit, l'odeur d'un phoque, les testicules malpropres d'une Lamia et le derrière d'un chameau. A la vue de ce monstre je n'ai pas eu peur, mais je lui fis face, combattant sans relâche pour vous et pour les autres îles. A vous aujourd'hui de m'en savoir gré et de vous en souvenir. Jadis, en effet, dans la joie du succès, je n'ai point parcouru les palestres, pour corrompre les jeunes gens, mais, emportant mon bagage, je me suis retiré tout de suite, après avoir causé peu de chagrin, beaucoup de gaieté et fait en tout mon devoir. Aussi dois-je avoir pour moi les hommes et les enfants : les esclaves mêmes, nous les invitons à contribuer à notre victoire. Car, si je suis vainqueur, chacun dira à sa table et dans les banquets : « Offre au chauve, donne au chauve quelque friandise; ne refuse rien au plus noble des poètes, homme au large front. » Muse, toi qui as repoussé la guerre, viens te mêler aux danses avec moi, ton ami, célébrant les noces des dieux, les festins des hommes et les banquets des Heureux : c'est de cela que, depuis longtemps, tu as souci. Si Carcinos se présente avec son fils pour danser, ne l'admets pas, fausse-leur compagnie ; mais songe que ce sont tous des cailles domestiques, des danseurs au cou long et étroit, des nains, des raclures de crottes de chèvres, des poètes à machines. Le père disait, après un succès inespéré, que son drame fut, le soir, étranglé par un chat. Il faut ainsi que le poète habile chante les hymnes populaires des Charites à la belle chevelure, lorsque l'hirondelle printanière gazouille sur la branche, tandis que ni Morsimos, ni Mélanthios ne trouve de choeurchœur ; ce dernier m'a fait entendre sa voix aigre lorsque son père et lui eurent un choeurchœur tragique, tous deux Gorgones voraces, gourmands de raies, harpies, coureurs de vieilles, impurs, puant le bouc, destructeurs de poissons. Lance sur eux un grand et large crachat, Muse divine, et viens célébrer avec moi cette fête.
 
TRYGÉE. Que ce n'est guère commode d'aller tout droit chez les dieux ! Moi, j'en ai réellement les jambes presque rompues. Je vous voyais bien petits de là-haut, et votre méchanceté, vue du ciel, me semblait grande ; mais ici vous êtes plus méchants encore.
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LE CHOEUR. Des marmites, comme à un chétif Hermès ?
 
TRYGÉE. Eh bien, que vous en semble ? Voulez-vous un boeufbœuf gras ?
 
LE CHOEUR. Un boeufbœuf ? Pas du tout, à moins qu'il ne faille beugler au secours !
 
TRYGÉE. Que diriez-vous d'un gros cochon gras ?
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LE CHOEUR. Prions, en effet.
 
TRYGÉE. O très vénérable Reine et Déesse, respectable Paix, souveraine des ChoeursChœurs, souveraine des mariages, reçois notre sacrifice.
 
LE CHOEUR. Reçois-le au nom de Zeus, ô la plus chère des déesses, et ne fais point ce que font les femmes qui trompent leurs maris. Celles-ci, en effet, entre-bâillent la porte et se baissent pour regarder. Si quelqu'un fait attention à elles, elles se retirent ; et, si l'on passe, elles reviennent. N'agis pas ainsi avec nous.
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TRYGÉE. Cela m'amuse, tes singes malfaisants !
 
HIÉROCLÈS. Faibles colombes, vous vous fiez à des renards dont les âmes sont rusées, rusés les coeurscœurs.
 
TRYGÉE. Puissent tes poumons, ô charlatan, devenir brûlants comme ces chairs !
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LE FILS DE LAMACHOS. Alors, que chanterai-je? Dis-moi ce qui te fait plaisir.
 
TRYGÉE. « C'est ainsi qu'ils se repaissaient de la chair des boeufsbœufs, » et autres choses analogues. « lls servirent un festin et tout ce qu'il y a de plus agréable à manger. »
 
LE FILS DE LAMACHOS. « Alors ils dévoraient la chair des boeufsbœufs et dételaient leurs coursiers en sueur ; car ils étaient rassasiés de guerre. »
 
TRYGÉE. A la bonne heure ! Ils étaient rassasiés de guerre, puis ils mangeaient. Chante, chante-nous cela, comment ils mangeaient, rassasiés.
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LE FILS DE LAMACHOS. « Ils mirent leurs cuirasses après qu'ils eurent fini. »
 
TRYGÉE. De bon coeurcœur, je pense.
 
LE FILS DE LAMACHOS. « Puis ils se précipitèrent des tours, et un grand cri s'éleva. »