« Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 100.djvu/162 » : différence entre les versions

ThomasBot (discussion | contributions)
m Zoé: split
 
Phe-bot (discussion | contributions)
m Typographie
Contenu (par transclusion) :Contenu (par transclusion) :
Ligne 1 : Ligne 1 :
Voici ce que répondent les partisans du régime de la commune russe. Certes la solidarité des villageois vis-à-vis du gouvernement est chose mauvaise, mais elle n’est pas inhérente à l’organisation agraire du ''mir'' ; supprimez-la, il ne sera plus nécessaire d’accorder à la commune une autorité despotique sur ses membres. Si de grands travaux d’amélioration sont nécessaires, rien n’empêche l’assemblée des contribuables de les voter et l’autorité communale de les faire exécuter. Au lieu d’attribuer à chaque famille plusieurs parcelles éparpillées, on pourrait former des parts arrondies suffisamment équivalentes. D’ailleurs la majorité des cultivateurs peut adopter pour tout le territoire un assolement rationnel, et alors l’absence de clôtures et de divisions apparentes permettrait de mettre en valeur toute la superficie au moyen de machines puissantes, comme si elle ne formait qu’une seule exploitation. D’après M. Schedo-Ferroti, les avantages que les partisans du ''mir'' revendiquent pour ce système sont au nombre de cinq. Premièrement, chaque travailleur valide ayant le droit de réclamer une part des terres communales, le prolétariat, avec toutes ses misères et tous ses dangers, ne peut naître. Secondement, les enfans ne portent point la peine de la paresse, de la malechance ou des dissipations de leurs parens. Troisièmement, chaque famille étant propriétaire ou, si l’on veut, usufruitière d’une partie du sol, il existe un élément d’ordre, de conservation et de tradition qui préserve la société des bouleversemens sociaux. Quatrièmement, le sol restant le patrimoine inaliénable de tous les habitans, il n’y a pas lieu de craindre la lutte entre ce que l’on appelle ailleurs le travail et le capital. Enfin le régime du ''mir'' est très favorable à la colonisation, avantage énorme pour la Russie, qui possède encore en Europe et en Asie des territoires immenses et inhabités. On affirme que Cavour aurait dit un jour à un diplomate russe : « Ce qui rendra votre pays maître de l’Europe plus tard, ce ne sont pas ses armées, c’est son "régime communal! » Le roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV se serait écrié en 1848 : « Aujourd’hui commence la période historique slave. »
Voici ce que répondent les partisans du régime de la commune russe. Certes la solidarité des villageois vis-à-vis du gouvernement est chose mauvaise, mais elle n’est pas inhérente à l’organisation agraire du ''mir'' ; supprimez-la, il ne sera plus nécessaire d’accorder à la commune une autorité despotique sur ses membres. Si de grands travaux d’amélioration sont nécessaires, rien n’empêche l’assemblée des contribuables de les voter et l’autorité communale de les faire exécuter. Au lieu d’attribuer à chaque famille plusieurs parcelles éparpillées, on pourrait former des parts arrondies suffisamment équivalentes. D’ailleurs la majorité des cultivateurs peut adopter pour tout le territoire un assolement rationnel, et alors l’absence de clôtures et de divisions apparentes permettrait de mettre en valeur toute la superficie au moyen de machines puissantes, comme si elle ne formait qu’une seule exploitation. D’après M. Schedo-Ferroti, les avantages que les partisans du ''mir'' revendiquent pour ce système sont au nombre de cinq. Premièrement, chaque travailleur valide ayant le droit de réclamer une part des terres communales, le prolétariat, avec toutes ses misères et tous ses dangers, ne peut naître. Secondement, les enfans ne portent point la peine de la paresse, de la malechance ou des dissipations de leurs parens. Troisièmement, chaque famille étant propriétaire ou, si l’on veut, usufruitière d’une partie du sol, il existe un élément d’ordre, de conservation et de tradition qui préserve la société des bouleversemens sociaux. Quatrièmement, le sol restant le patrimoine inaliénable de tous les habitans, il n’y a pas lieu de craindre la lutte entre ce que l’on appelle ailleurs le travail et le capital. Enfin le régime du ''mir'' est très favorable à la colonisation, avantage énorme pour la Russie, qui possède encore en Europe et en Asie des territoires immenses et inhabités. On affirme que Cavour aurait dit un jour à un diplomate russe : « Ce qui rendra votre pays maître de l’Europe plus tard, ce ne sont pas ses armées, c’est son "régime communal ! » Le roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV se serait écrié en 1848 : « Aujourd’hui commence la période historique slave. »


Je ne puis discuter ici les opinions que je viens de résumer; toutefois ce que l’on peut dire, c’est que la communauté de village a reçu, par suite de l’abolition du servage, un ébranlement qui en amènera peu à peu la destruction. Les mêmes influences qui l’ont fait disparaître en Occident agiront ici. A moins d’introduire de grandes améliorations dans l’organisation agraire du ''mir'' <ref> MM. Schedo-Ferroti et Kawelin veulent réformer ce régime sans en abolir le principe. Chaque famille aurait la jouissance héréditaire de son lot; elle pourrait le vendre, le léguer, le louer. La commune conserverait seulement le domaine éminent, et, pour éviter l’accumulation des biens en quelques mains, un maximum serait fixé. A Rome et en Grèce, on rencontre des lois de ce genre ; mais de semblables restrictions ne s’accordent guère avec l’esprit de nos législations modernes. Le régime du ''mir'' forme un système complet et traditionnel qu’il faut respecter ou remplacer intégralement par la propriété libre Ou peut dire comme d’un ordre célèbre : ''Sil ut est aut non sit''. J’estime que le gouvernement ne doit pas détruire brusquement et par voie d’autorité une organisation séculaire, qui tient par de si profondes racines à toute la vie et à l’histoire de la nation russe. Laissez libre cours aux influences sociales, et les institutions qui font obstacle au progrès disparaîtront peu à peu ou tout au moins se modifieront suivant les nécessités nouvelles.</ref>, les
Je ne puis discuter ici les opinions que je viens de résumer ; toutefois ce que l’on peut dire, c’est que la communauté de village a reçu, par suite de l’abolition du servage, un ébranlement qui en amènera peu à peu la destruction. Les mêmes influences qui l’ont fait disparaître en Occident agiront ici. A moins d’introduire de grandes améliorations dans l’organisation agraire du ''mir'' <ref> MM. Schedo-Ferroti et Kawelin veulent réformer ce régime sans en abolir le principe. Chaque famille aurait la jouissance héréditaire de son lot ; elle pourrait le vendre, le léguer, le louer. La commune conserverait seulement le domaine éminent, et, pour éviter l’accumulation des biens en quelques mains, un maximum serait fixé. A Rome et en Grèce, on rencontre des lois de ce genre ; mais de semblables restrictions ne s’accordent guère avec l’esprit de nos législations modernes. Le régime du ''mir'' forme un système complet et traditionnel qu’il faut respecter ou remplacer intégralement par la propriété libre Ou peut dire comme d’un ordre célèbre : ''Sil ut est aut non sit''. J’estime que le gouvernement ne doit pas détruire brusquement et par voie d’autorité une organisation séculaire, qui tient par de si profondes racines à toute la vie et à l’histoire de la nation russe. Laissez libre cours aux influences sociales, et les institutions qui font obstacle au progrès disparaîtront peu à peu ou tout au moins se modifieront suivant les nécessités nouvelles.</ref>, les