« Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 100.djvu/432 » : différence entre les versions

ThomasBot (discussion | contributions)
m Zoé: split
 
Phe-bot (discussion | contributions)
m Typographie
Contenu (par transclusion) :Contenu (par transclusion) :
Ligne 1 : Ligne 1 :
soit sur la durée du travail. Partout la loi fut éludée. Elle offrait aux industriels de nombreux motifs de réclamation. D’abord la distinction entre les ateliers de plus de vingt ouvriers et les autres était injuste; c’était précisément dans les petits ateliers que se commettaient le plus d’abus. Une autre faute grave était la limite de huit heures imposée aux enfans. Dans la plupart des fabriques, ceux-ci servent d’aides aux ouvriers adultes; ces derniers ne peuvent se passer des jeunes travailleurs qui sont à leur côté, qui préparent l’ouvrage ou font marcher les machines. Comment dès lors accorder la journée de huit heures des enfans avec celle de dix ou douze heures des ouvriers adultes ? En Angleterre, la question a été soulevée et tranchée par l’adoption de la demi-journée de travail. Les enfans sont divises en deux escouades, l’une qui travaille le matin, et l’autre l’après-midi; de cette manière, il n’y a point d’interruption. Le reproche de la mauvaise division de la journée fut un des plus graves dirigés contre la loi de 1841, et il n’était pas sans fondement. Aussi la loi fut-elle ouvertement violée : on s’habituait à la considérer comme une tentative philanthropique manquée; bientôt même on alla plus loin. Les industriels qui s’étaient sentis menacés, non contens d’enfreindre les règlemens, en demandèrent la suppression. Des influences puissantes déterminèrent en 1847 le gouvernement à présenter un nouveau projet qui modifiait profondément la loi de 1841. L’âge d’admission était à la vérité porté de huit à dix ans; mais à partir de dix ans tous les enfans devaient travailler douze heures. Les manufacturiers semblaient faire un sacrifice en acceptant qu’on leur enlevât les enfans de huit ou neuf ans; en compensation, ils demandaient que la journée des jeunes travailleurs de douze ans fût égale à celle des adultes. Dans le fait, le sacrifice était plus apparent que réel; le nombre des enfans de huit à dix ans employés dans les manufactures est relativement faible (6,000 environ dans les dernières années); au contraire le retour à la journée de douze heures pour les enfans au-dessus de douze ans était l’annulation complète des mesures protectrices. Plus d’école, plus d’instruction possible à partir de dix ans, — la vie entière des adolescens absorbée par les travaux débilitans de la fabrique, — la prolongation indéfinie des maux auxquels la loi de 1841 avait tenté de remédier, telles étaient les conséquences auxquelles aboutissait le nouveau projet. Il fut énergiquement combattu par le rapporteur, M. Charles Dupin, dont l’avis finit par prévaloir. Après de longues discussions, le projet primitif était remplacé par un plan de réglementation protectrice plus efficace : la loi devait s’étendre aux ateliers occupant non plus vingt, mais dix ouvriers. L’âge d’admission restait fixé à huit
soit sur la durée du travail. Partout la loi fut éludée. Elle offrait aux industriels de nombreux motifs de réclamation. D’abord la distinction entre les ateliers de plus de vingt ouvriers et les autres était injuste ; c’était précisément dans les petits ateliers que se commettaient le plus d’abus. Une autre faute grave était la limite de huit heures imposée aux enfans. Dans la plupart des fabriques, ceux-ci servent d’aides aux ouvriers adultes ; ces derniers ne peuvent se passer des jeunes travailleurs qui sont à leur côté, qui préparent l’ouvrage ou font marcher les machines. Comment dès lors accorder la journée de huit heures des enfans avec celle de dix ou douze heures des ouvriers adultes ? En Angleterre, la question a été soulevée et tranchée par l’adoption de la demi-journée de travail. Les enfans sont divises en deux escouades, l’une qui travaille le matin, et l’autre l’après-midi ; de cette manière, il n’y a point d’interruption. Le reproche de la mauvaise division de la journée fut un des plus graves dirigés contre la loi de 1841, et il n’était pas sans fondement. Aussi la loi fut-elle ouvertement violée : on s’habituait à la considérer comme une tentative philanthropique manquée ; bientôt même on alla plus loin. Les industriels qui s’étaient sentis menacés, non contens d’enfreindre les règlemens, en demandèrent la suppression. Des influences puissantes déterminèrent en 1847 le gouvernement à présenter un nouveau projet qui modifiait profondément la loi de 1841. L’âge d’admission était à la vérité porté de huit à dix ans ; mais à partir de dix ans tous les enfans devaient travailler douze heures. Les manufacturiers semblaient faire un sacrifice en acceptant qu’on leur enlevât les enfans de huit ou neuf ans ; en compensation, ils demandaient que la journée des jeunes travailleurs de douze ans fût égale à celle des adultes. Dans le fait, le sacrifice était plus apparent que réel ; le nombre des enfans de huit à dix ans employés dans les manufactures est relativement faible (6,000 environ dans les dernières années) ; au contraire le retour à la journée de douze heures pour les enfans au-dessus de douze ans était l’annulation complète des mesures protectrices. Plus d’école, plus d’instruction possible à partir de dix ans, — la vie entière des adolescens absorbée par les travaux débilitans de la fabrique, — la prolongation indéfinie des maux auxquels la loi de 1841 avait tenté de remédier, telles étaient les conséquences auxquelles aboutissait le nouveau projet. Il fut énergiquement combattu par le rapporteur, M. Charles Dupin, dont l’avis finit par prévaloir. Après de longues discussions, le projet primitif était remplacé par un plan de réglementation protectrice plus efficace : la loi devait s’étendre aux ateliers occupant non plus vingt, mais dix ouvriers. L’âge d’admission restait fixé à huit