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Poitiers. La France aussi avait des archers à ses gages, soit à Crécy, soit à Poitiers. L’impatience française <ref> On a trop exagéré le préjugé féodal qui tenait en médiocre honneur le combat dans la réserve. Charles d’Anjou commandait sa réserve de Tagliacozzo, et le roi Jean à Poitiers. </ref>, l’indiscipline des mouvemens militaires, l’insuffisance du commandement, l’inexpérience des milices communales, l’absence d’armée permanente <ref> Voyez Secousse, sur ''l’arrière-ban'', t. III, ''Ordonnances'', p. XVII.</ref>, l’épuisement des forces du royaume, le découragement, la division, la mobilité, telles sont les causes accidentelles des désastres du XIVe siècle. Edouard III a bien souvent commis les fautes qu’on reproche au roi Jean. Elles étaient moins fatales à l’un qu’à l’autre. Sous la direction de Charles V, plus de prudence intervenant dans la conduite des armées, le destin des combats se montra plus favorable.
Poitiers. La France aussi avait des archers à ses gages, soit à Crécy, soit à Poitiers. L’impatience française <ref> On a trop exagéré le préjugé féodal qui tenait en médiocre honneur le combat dans la réserve. Charles d’Anjou commandait sa réserve de Tagliacozzo, et le roi Jean à Poitiers.</ref>, l’indiscipline des mouvemens militaires, l’insuffisance du commandement, l’inexpérience des milices communales, l’absence d’armée permanente <ref> Voyez Secousse, sur ''l’arrière-ban'', t. III, ''Ordonnances'', p. XVII.</ref>, l’épuisement des forces du royaume, le découragement, la division, la mobilité, telles sont les causes accidentelles des désastres du XIVe siècle. Edouard III a bien souvent commis les fautes qu’on reproche au roi Jean. Elles étaient moins fatales à l’un qu’à l’autre. Sous la direction de Charles V, plus de prudence intervenant dans la conduite des armées, le destin des combats se montra plus favorable.


A la nouvelle du désastre de 1356, l’abattement fut universel dans les villes et dans les campagnes, et il conduisit bientôt à l’égarement des esprits. Le duc de Normandie, dauphin de France, après avoir été ''retrait'' de la bataille par ordre du roi Jean, comme nous l’avons dit, s’était immédiatement dirigé sur Paris, où il entra le jeudi 29 septembre, dix jours après Poitiers, accompagné des principaux conseillers de la couronne, avec le titre de lieutenant du roi sou père, auquel il ajouta plus tard celui de régent du royaume, et il prit en main le gouvernement des affaires. Son premier acte fut de convoquer hâtivement pour le 15 octobre les états-généraux de la langue d’oil, qui, après leur dernière session, s’étaient ajournés au mois de novembre suivant. La mesure était sage, quoique non dépourvue de péril : l’agitation d’une assemblée pouvait aggraver la situation, déjà compromise sans être désespérée. On avait craint que le prince de Galles, ou le duc de Lancastre, ne marchassent immédiatement sur Paris, paralysé par la stupeur; il n’en fut rien. Le prince de Galles, affaibli par sa victoire même, se garda de commettre son succès à une marche aventureuse, et se retira prudemment sur Bordeaux, où il mit à couvert un riche butin, après avoir assuré à ses gens la liberté de négocier des traités de rançon avec les prisonniers qui embarrassaient ses mouvemens. Les Anglais s’y montrèrent faciles pour les conditions, et le résultat leur fut avantageux. D’un autre côté, Paris s’était cru menacé par le duc de Lancastre, uni à Philippe de Navarre, en Normandie, lin effet, pendant que l’on se rencontrait à Poitiers, Froissard nous apprend que le duc de Lancastre s’était avancé jusqu’à Évreux, donnant la main aux Nivarrais et à Godefroi de Harcourt, qui occupait les marches du Cotentin. Le duc avait essayé de forcir les passages de la Loire, mais n’avait pu y parvenir. On a vu qu’au mémorable conseil de
A la nouvelle du désastre de 1356, l’abattement fut universel dans les villes et dans les campagnes, et il conduisit bientôt à l’égarement des esprits. Le duc de Normandie, dauphin de France, après avoir été ''retrait'' de la bataille par ordre du roi Jean, comme nous l’avons dit, s’était immédiatement dirigé sur Paris, où il entra le jeudi 29 septembre, dix jours après Poitiers, accompagné des principaux conseillers de la couronne, avec le titre de lieutenant du roi sou père, auquel il ajouta plus tard celui de régent du royaume, et il prit en main le gouvernement des affaires. Son premier acte fut de convoquer hâtivement pour le 15 octobre les états-généraux de la langue d’oil, qui, après leur dernière session, s’étaient ajournés au mois de novembre suivant. La mesure était sage, quoique non dépourvue de péril : l’agitation d’une assemblée pouvait aggraver la situation, déjà compromise sans être désespérée. On avait craint que le prince de Galles, ou le duc de Lancastre, ne marchassent immédiatement sur Paris, paralysé par la stupeur ; il n’en fut rien. Le prince de Galles, affaibli par sa victoire même, se garda de commettre son succès à une marche aventureuse, et se retira prudemment sur Bordeaux, où il mit à couvert un riche butin, après avoir assuré à ses gens la liberté de négocier des traités de rançon avec les prisonniers qui embarrassaient ses mouvemens. Les Anglais s’y montrèrent faciles pour les conditions, et le résultat leur fut avantageux. D’un autre côté, Paris s’était cru menacé par le duc de Lancastre, uni à Philippe de Navarre, en Normandie, lin effet, pendant que l’on se rencontrait à Poitiers, Froissard nous apprend que le duc de Lancastre s’était avancé jusqu’à Évreux, donnant la main aux Nivarrais et à Godefroi de Harcourt, qui occupait les marches du Cotentin. Le duc avait essayé de forcir les passages de la Loire, mais n’avait pu y parvenir. On a vu qu’au mémorable conseil de