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prétexte de fournir de garnisons ses villes de Normandie, où ses partisans indiscrets se répandirent en jactances et. menaces contre le roi Jean. Charles, compromis, eut recours au dauphin, son beau-frère, sur l’esprit duquel il avait pris de l’empire, et, le roi lui fit dire de nouveau ''qu’il lui pardonnait tout de bon cœur''. Les choses en étaient là, lorsqu’aux premiers mois de 1356 le roi Jean apprit de nouvelles trahisons du roi de Navarre. Elles étaient plus menaçantes que jamais, car elles coïncidaient avec la rupture des trêves et de grands armemens des Anglais. Le roi Jean résolut alors de frapper un grand coup. Contre un ennemi si perfide, il fallait agir par surprise. Le roi le fit à la manière du temps.
prétexte de fournir de garnisons ses villes de Normandie, où ses partisans indiscrets se répandirent en jactances et. menaces contre le roi Jean. Charles, compromis, eut recours au dauphin, son beau-frère, sur l’esprit duquel il avait pris de l’empire, et, le roi lui fit dire de nouveau ''qu’il lui pardonnait tout de bon cœur''. Les choses en étaient là, lorsqu’aux premiers mois de 1356 le roi Jean apprit de nouvelles trahisons du roi de Navarre. Elles étaient plus menaçantes que jamais, car elles coïncidaient avec la rupture des trêves et de grands armemens des Anglais. Le roi Jean résolut alors de frapper un grand coup. Contre un ennemi si perfide, il fallait agir par surprise. Le roi le fit à la manière du temps.


L’arrestation de Charles de Navarre a été un drame émouvant. Froissart en a remanié plusieurs fois le récit, qu’il faut contrôler par celui des Chroniques de Saint-Denis. « Un jour donc de caresme, environ Pasques, le dauphin, duc de Normandie, aisné fils du roi Jean, estoit au château de Rouen, où il avoit convié le roi de Navarre, son beau-frère, les d’Harcourt et plusieurs autres seigneurs. Le roi Jean, qui le savoit, se parti au matin avant le jour de Maneville tout armé, accompagné de cent hommes d’armes, et vint droit au chatel de Rouen, où il entra par l’huys de derrière, et trouva en la salle assis au disner Mgr Charles, son aisné fils, avec ses invités. Le maréchal d’Audrehan marchoit devant le roi l’épée haute, et dit : « Nul ne se meuve, pour chose qu’il voie, ou je le pourfendrai de cette épée. » Les seigneurs qui là estoient, quant ils virent le roi de France venu si aïré, furent moult esbahi. Adonc se traist li roi de France devers le roi de Navarre, et le prit par le kevech de sa cote, et li dit : Sus, mauvais traître, tu n’es pas digne de seoir à la table de mon fils. Et le tira si roide à lui qu’il li pourfendi jusqu’à la poitrine. Lors fut pris de sergens d’armes li dis rois de Navarre, et bouté en une cambre en prison, et li contes de Harcourt d’autre part, et autres seigneurs, qui trencoient devant le roi de Navarre. » Cette exécution, que le duc de Normandie n’avait pu arrêter par ses prières, fut suivie d’une autre plus sanglante. Quatre seigneurs de la suite du roi de Navarre furent conduits en charrette dans un champ hors du château appelé ''le champ du pardon'', « et là leur furent ledit jour les têtes coupées, et puis furent tous nus traînés jusques au gibet de Rouen, et là furent pendus, et leurs têtes mises sur eux, sur le gibet. Et fu ledit roy de France présent et aussi sesdits enfans et son frère, a couper les têtes, et non pas au pendre. Et ce jour et lendemain délivra le roi plusieurs des autres qui avoient esté pris, et finablement ne demoura que trois prisonniers,... lesquels furent menés à part, ledit roi de Navarre au Louvre, et les deux autres au Chastelet. » Villani a raconté cette
L’arrestation de Charles de Navarre a été un drame émouvant. Froissart en a remanié plusieurs fois le récit, qu’il faut contrôler par celui des Chroniques de Saint-Denis. « Un jour donc de caresme, environ Pasques, le dauphin, duc de Normandie, aisné fils du roi Jean, estoit au château de Rouen, où il avoit convié le roi de Navarre, son beau-frère, les d’Harcourt et plusieurs autres seigneurs. Le roi Jean, qui le savoit, se parti au matin avant le jour de Maneville tout armé, accompagné de cent hommes d’armes, et vint droit au chatel de Rouen, où il entra par l’huys de derrière, et trouva en la salle assis au disner Mgr Charles, son aisné fils, avec ses invités. Le maréchal d’Audrehan marchoit devant le roi l’épée haute, et dit : « Nul ne se meuve, pour chose qu’il voie, ou je le pourfendrai de cette épée. » Les seigneurs qui là estoient, quant ils virent le roi de France venu si aïré, furent moult esbahi. Adonc se traist li roi de France devers le roi de Navarre, et le prit par le kevech de sa cote, et li dit : Sus, mauvais traître, tu n’es pas digne de seoir à la table de mon fils. Et le tira si roide à lui qu’il li pourfendi jusqu’à la poitrine. Lors fut pris de sergens d’armes li dis rois de Navarre, et bouté en une cambre en prison, et li contes de Harcourt d’autre part, et autres seigneurs, qui trencoient devant le roi de Navarre. » Cette exécution, que le duc de Normandie n’avait pu arrêter par ses prières, fut suivie d’une autre plus sanglante. Quatre seigneurs de la suite du roi de Navarre furent conduits en charrette dans un champ hors du château appelé ''le champ du pardon'', « et là leur furent ledit jour les têtes coupées, et puis furent tous nus traînés jusques au gibet de Rouen, et là furent pendus, et leurs têtes mises sur eux, sur le gibet. Et fu ledit roy de France présent et aussi sesdits enfans et son frère, a couper les têtes, et non pas au pendre. Et ce jour et lendemain délivra le roi plusieurs des autres qui avoient esté pris, et finablement ne demoura que trois prisonniers, lesquels furent menés à part, ledit roi de Navarre au Louvre, et les deux autres au Chastelet. » Villani a raconté cette