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d’information trop négligée, et cependant plus digne de confiance que celles à qui l’on a donné crédit communément ; et ce qui le prouve, c’est que le témoignage de Villani est aujourd’hui confirmé par les documens anglais, par les chroniques flamandes, par d’autres publications récemment exhumées des archives. Froissart nous a donné le roman de Geste de la campagne de Poitiers; mais son récit chevaleresque et poétique n’est en sa valeur historique acceptable que sous bénéfice d’inventaire. Froissart a remanié ce récit, qui, joint à celui de la bataille des Trente, est, au point de vue littéraire, une des parties les plus remarquables de son livre. Voici ce qui, pour le critique impartial, résulte aujourd’hui des documens originaux et des diverses rédactions de Froissart lui-même. Les tentatives que le pape d’Avignon avait faites pour rapprocher et réconcilier les deux rois de France et d’Angleterre ayant échoué, et les trêves étant expirées, les armées anglaises entrèrent en campagne, l’une en Gascogne, sous le commandement du prince de Galles, conseillé par le célèbre capitaine Jean Chandos, l’autre en Artois et Picardie, sous le commandement du roi Edouard lui-même, qui fut bientôt rappelé en Angleterre par une incursion des Écossais sur ses terres, et qui laissa la direction de son armée au duc de Lancastre, pour se joindre vers Évreux aux partisans du roi de Navarre, et chevaucher de là vers Paris. Le roi Jean arrêta et tint en échec le duc de Lancastre ; puis, apprenant que le prince de Galles, après avoir ravagé le Languedoc, où le connétable Jacques de Bourbon n’avait pu maîtriser la défection des seigneurs du pays, remontait vers le nord pour donner la main à l’armée de Lancastre, il refoula vivement ce dernier en Bretagne, après l’avoir chassé de la Normandie, et vint au-devant du prince de Galles avec l’armée que les états-généraux venaient de lui donner. Ces divers mouvemens eurent un plein succès; Jean rencontra le prince de Galles à deux lieues de Poitiers, vers la mi-septembre 1356, et manœuvra pour resserrer et cerner le jeune prince dans un étroit espace, où les Français l’obligèrent à recevoir la bataille, près d’un lieu nommé Maupertuis, où d’ailleurs Chandos avait su prendre une position avantageuse.
d’information trop négligée, et cependant plus digne de confiance que celles à qui l’on a donné crédit communément ; et ce qui le prouve, c’est que le témoignage de Villani est aujourd’hui confirmé par les documens anglais, par les chroniques flamandes, par d’autres publications récemment exhumées des archives. Froissart nous a donné le roman de Geste de la campagne de Poitiers ; mais son récit chevaleresque et poétique n’est en sa valeur historique acceptable que sous bénéfice d’inventaire. Froissart a remanié ce récit, qui, joint à celui de la bataille des Trente, est, au point de vue littéraire, une des parties les plus remarquables de son livre. Voici ce qui, pour le critique impartial, résulte aujourd’hui des documens originaux et des diverses rédactions de Froissart lui-même. Les tentatives que le pape d’Avignon avait faites pour rapprocher et réconcilier les deux rois de France et d’Angleterre ayant échoué, et les trêves étant expirées, les armées anglaises entrèrent en campagne, l’une en Gascogne, sous le commandement du prince de Galles, conseillé par le célèbre capitaine Jean Chandos, l’autre en Artois et Picardie, sous le commandement du roi Edouard lui-même, qui fut bientôt rappelé en Angleterre par une incursion des Écossais sur ses terres, et qui laissa la direction de son armée au duc de Lancastre, pour se joindre vers Évreux aux partisans du roi de Navarre, et chevaucher de là vers Paris. Le roi Jean arrêta et tint en échec le duc de Lancastre ; puis, apprenant que le prince de Galles, après avoir ravagé le Languedoc, où le connétable Jacques de Bourbon n’avait pu maîtriser la défection des seigneurs du pays, remontait vers le nord pour donner la main à l’armée de Lancastre, il refoula vivement ce dernier en Bretagne, après l’avoir chassé de la Normandie, et vint au-devant du prince de Galles avec l’armée que les états-généraux venaient de lui donner. Ces divers mouvemens eurent un plein succès ; Jean rencontra le prince de Galles à deux lieues de Poitiers, vers la mi-septembre 1356, et manœuvra pour resserrer et cerner le jeune prince dans un étroit espace, où les Français l’obligèrent à recevoir la bataille, près d’un lieu nommé Maupertuis, où d’ailleurs Chandos avait su prendre une position avantageuse.


Quelles étaient les forces comparées des deux adversaires? C’est ici que des assertions diverses se sont produites. Selon Villani, le prince de Galles avait 3,000 hommes d’armes, bonne cavalerie montée par Anglais et Gascons, ''3,000 buoni cavalieri bene montati ira inghilesi e guasconi'', 2,000 archers anglais à cheval et 4,000 hommes d’excellente infanterie armés d’arcs ou de piques, Flamands ou autres, ''due mila arcieri inghilesi a cavallo, e allri masnadieri a pié da quatro mila, tra con archi e altre armadure, tutti bene capitanati''. Quant au roi Jean, il était parti de Paris à la
Quelles étaient les forces comparées des deux adversaires ? C’est ici que des assertions diverses se sont produites. Selon Villani, le prince de Galles avait 3,000 hommes d’armes, bonne cavalerie montée par Anglais et Gascons, ''3,000 buoni cavalieri bene montati ira inghilesi e guasconi'', 2,000 archers anglais à cheval et 4,000 hommes d’excellente infanterie armés d’arcs ou de piques, Flamands ou autres, ''due mila arcieri inghilesi a cavallo, e allri masnadieri a pié da quatro mila, tra con archi e altre armadure, tutti bene capitanati''. Quant au roi Jean, il était parti de Paris à la