« De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
Marc (discussion | contributions)
Aucun résumé des modifications
Marc (discussion | contributions)
Source manquante
Ligne 477 :
 
Que si maintenant nous confrontons avec la forme actuelle de la science le témoignage de la conscience en faveur de la liberté, nous trouverons ce témoignage [142] beaucoup plus recevable aujourd’hui qu’il ne l’était, par exemple, dans le dualisme cartésien. Là où les choses étaient réduites à de la matière et à de la pensée, supposer l’homme libre et sa liberté efficace, c’était admettre que l’esprit meut la matière. Mais cela était incompréhensible, soit que l’on supposât que l’esprit crée de la force motrice, soit que l’on admît que ce qui soi-même n’est pas mouvement peut directement déterminer un mouvement. Mais la science n’établit nullement la réalité de ce dualisme. Elle nous montre au contraire une hiérarchie de sciences, une hiérarchie de lois, que nous pouvons bien rapprocher les unes des autres, mais non fondre en une seule science et en une loi unique. De plus elle nous montre, avec l’hétérogénéité relative des lois, leur influence mutuelle. Les lois physiques s’imposent aux êtres vivants, et les lois biologiques viennent mêler leur action à celle des lois physiques. En présence de ces résultats, nous nous demandons si la pensée et le mouvement, avec l’abîme qui les sépare, ne seraient pas notre manière de nous représenter clairement les choses plutôt que leur réelle manière d’être. Le mouvement en soi n’est, semble-t-il, qu’une abstraction, aussi bien que la pensée en soi. Ce qui existe, ce sont des êtres dont la nature est intermédiaire entre la pensée et le mouvement. Ces êtres forment une hiérarchie, et l’action circule entre eux de haut en bas et de bas en haut. L’esprit ne meut la matière ni immédiatement ni même médiatement. Mais il n’y a pas de matière brute, et ce qui fait l’être de la matière est en communication avec ce qui fait l’être de l’esprit. Ce que nous appelons les lois de la nature est l’ensemble des méthodes que nous avons trouvées pour assimiler les choses à notre intelligence et les plier à [143] l’accomplissement de nos volontés. À l’origine, l’homme ne voyait partout que caprice et arbitraire. Par suite, la liberté qu’il s’attribuait n’avait de prise sur rien. La science moderne lui fit voir partout la loi, et il crut voir sa liberté s’abîmer dans le déterminisme universel. Mais une juste notion des lois naturelles lui rend la possession de lui-même, en même temps qu’elle lui montre que sa liberté peut être efficace et diriger les phénomènes. Des choses extérieures et intérieures, les secondes seules dépendent de nous, disait Epictète ; et il avait raison au temps où il parlait. Les lois mécaniques de la nature, révélées par la science moderne, sont la chaîne qui lie le dehors au dedans. Loin d’être une nécessité, elles nous affranchissent, et nous permettent d’ajouter une science active à la contemplation où les anciens s’étaient renfermés.
 
[[Catégorie:Source manquante]]