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d’abord la première victime, puis le champion, peut-être le sauveur de la nouvelle alliance? C’était lui qui subissait, qui amortissait sur sa personne et en quelque sorte sur son propre corps le premier choc des armées prussiennes. Quoi de plus juste alors que de le dédommager après la victoire de ses services et de ses épreuves aux dépens de son provocateur? Le projet d’enrichir la Saxe des dépouilles de la Prusse, d’ériger l’électorat en royaume pour séparer ensuite la couronne nouvellement créée de celle de Pologne et rasseoir sur des bases raffermies l’équilibre du nord, sortait ainsi tout naturellement de la force même des circonstances, sans que l’Autriche, dont le dévoûment d’Auguste allait sauver les états, pût, à moins d’un excès d’ingratitude, faire mine de s’y refuser. Frédéric avait ainsi préparé lui-même le jeu de la France, qui n’avait plus qu’à lever les cartes. C’est ce que le comte s’efforçait de démontrer à M. de Rouillé dans le ''post-scriptum'' même de la volumineuse expédition où il lui racontait tous les incidens orageux de l’invasion. Il s’enhardissait même jusqu’à faire d’avance le partage du butin, et désignait les districts prussiens qui pouvaient être le plus naturellement incorporés à une royauté saxonne. N’espérant probablement pas beaucoup d’attention du ministre, il reprenait le même thème dans une lettre confidentielle au premier commis des affaires étrangères, M. Tercier. «Vous trouverez, lui disait-il, dans une lettre au ministre, quelques mots jetés d’un projet que je roule dans ma tête depuis six mois. J’ai de bonnes raisons pour ne pas l’avoir expliqué mieux; mais à vous je peux dire en peu de paroles qu’en prenant Magdebourg, Halberstadt et une partie de Mansfeldt au roi de Prusse pour le joindre à l’électorat de Saxe, j’en ferais un joli petit royaume militaire, pour lequel je ferais renoncer à celui de Pologne, que je donnerais à vous ou à moi ou à un tiers qui conviendrait mieux au roi que nous deux. Si jamais on peut bien faire cet arrangement, c’est quand on a un dédommagement à donner au beau-père de Mme la dauphine, et qu’on est dans le cas d’exiger de la reconnaissance de la cour de Vienne et de Russie. Quant aux moyens à employer et à la tournure à donner à ce plan, rien de plus simple, mais vous n’en saurez rien aujourd’hui, et d’ailleurs vous le devinerez bien sans que je vous le dise. Pesez cela avec vos confidens, et, si on mord à la grappe, on n’a qu’à me laisser faire <ref> Le comte de Broglie à Tercier, 18 septembre 1756. (''Correspondance secrète'', ministère des affaires étrangères.) </ref>. » C’était naturellement au prince de Conti que ces confidences auraient dû être adressées; mais bien que la correspondance secrète allât toujours le même train (ce qui dans les circonstances n’était pas un petit supplément de travail), évidemment le comte n’y
d’abord la première victime, puis le champion, peut-être le sauveur de la nouvelle alliance ? C’était lui qui subissait, qui amortissait sur sa personne et en quelque sorte sur son propre corps le premier choc des armées prussiennes. Quoi de plus juste alors que de le dédommager après la victoire de ses services et de ses épreuves aux dépens de son provocateur ? Le projet d’enrichir la Saxe des dépouilles de la Prusse, d’ériger l’électorat en royaume pour séparer ensuite la couronne nouvellement créée de celle de Pologne et rasseoir sur des bases raffermies l’équilibre du nord, sortait ainsi tout naturellement de la force même des circonstances, sans que l’Autriche, dont le dévoûment d’Auguste allait sauver les états, pût, à moins d’un excès d’ingratitude, faire mine de s’y refuser. Frédéric avait ainsi préparé lui-même le jeu de la France, qui n’avait plus qu’à lever les cartes. C’est ce que le comte s’efforçait de démontrer à M. de Rouillé dans le ''post-scriptum'' même de la volumineuse expédition où il lui racontait tous les incidens orageux de l’invasion. Il s’enhardissait même jusqu’à faire d’avance le partage du butin, et désignait les districts prussiens qui pouvaient être le plus naturellement incorporés à une royauté saxonne. N’espérant probablement pas beaucoup d’attention du ministre, il reprenait le même thème dans une lettre confidentielle au premier commis des affaires étrangères, M. Tercier. « Vous trouverez, lui disait-il, dans une lettre au ministre, quelques mots jetés d’un projet que je roule dans ma tête depuis six mois. J’ai de bonnes raisons pour ne pas l’avoir expliqué mieux ; mais à vous je peux dire en peu de paroles qu’en prenant Magdebourg, Halberstadt et une partie de Mansfeldt au roi de Prusse pour le joindre à l’électorat de Saxe, j’en ferais un joli petit royaume militaire, pour lequel je ferais renoncer à celui de Pologne, que je donnerais à vous ou à moi ou à un tiers qui conviendrait mieux au roi que nous deux. Si jamais on peut bien faire cet arrangement, c’est quand on a un dédommagement à donner au beau-père de Mme la dauphine, et qu’on est dans le cas d’exiger de la reconnaissance de la cour de Vienne et de Russie. Quant aux moyens à employer et à la tournure à donner à ce plan, rien de plus simple, mais vous n’en saurez rien aujourd’hui, et d’ailleurs vous le devinerez bien sans que je vous le dise. Pesez cela avec vos confidens, et, si on mord à la grappe, on n’a qu’à me laisser faire <ref> Le comte de Broglie à Tercier, 18 septembre 1756. (''Correspondance secrète'', ministère des affaires étrangères.) </ref>. » C’était naturellement au prince de Conti que ces confidences auraient dû être adressées ; mais bien que la correspondance secrète allât toujours le même train (ce qui dans les circonstances n’était pas un petit supplément de travail), évidemment le comte n’y
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