« Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 87.djvu/655 » : différence entre les versions

ThomasBot (discussion | contributions)
m Zoé: split
 
Phe-bot (discussion | contributions)
m Typographie
Contenu (par transclusion) :Contenu (par transclusion) :
Ligne 1 : Ligne 1 :
par M. Duruy, et faite d’un bout de la France à l’autre. Cette enquête a fourni des renseignemens du plus haut intérêt, et comment en suspecter l’exactitude, quand on voit les inspecteurs d’académie amenés par la force des choses à contredire ouvertement les vues du ministre qui avait ordonné ce travail? Leurs rapports, réunis en deux gros volumes, pour faire suite à la statistique de 1863, sont unanimes, sauf 3 ou 4 sur 89, pour repousser l’établissement de la gratuité de l’instruction primaire et pour combattre les conclusions du rapport de M. Duruy. — Citons au hasard quelques-unes de ces déclarations. « Il est à remarquer, dit l’une, que nulle part l’assiduité n’est moindre, nulle part les progrès ne sont moins sensibles que dans les écoles entièrement gratuites. Le père de famille qui ne paie point de rétribution scolaire associe ses efforts avec moins de zèle à ceux du maître pour obliger l’enfant à profiter de ses leçons. » Nous lisons ailleurs : « Le taux de la rétribution n’est point trop élevé. La gratuité absolue a disparu dans plusieurs communes qui l’avaient adoptée. On comprend mieux que l’éducation est avant tout une charge de famille, et qu’elle n’est qu’en faveur des indigens une dette de la commune, du département ou de l’état. » Nous trouvons encore ces curieux renseignemens : « Les autorités locales attestent que des enfans peu riches, ne venant pas à l’école, prétendaient ne pouvoir point payer, que la gratuité a été établie, et que ces enfans n’y viennent ni plus ni moins. L’unanimité presque complète de tous les témoignages prouve assez que la rétribution scolaire n’est pas un obstacle à la fréquentation des classes. » — « Les listes de gratuité sont bien faites, et comprennent tous les enfans dont les parens sont hors d’état de payer la rétribution. En général, les enfans inscrits sur les listes de gratuité se font remarquer par leur peu d’assiduité. Les parens font peu de cas d’une instruction dont ils n’ont pas eux-mêmes goûté les bienfaits, et qui d’ailleurs ne leur coûte rien. La gratuité absolue produit généralement des effets fâcheux; plusieurs communes qui l’avaient adoptée ont rétabli la rétribution scolaire. »
par M. Duruy, et faite d’un bout de la France à l’autre. Cette enquête a fourni des renseignemens du plus haut intérêt, et comment en suspecter l’exactitude, quand on voit les inspecteurs d’académie amenés par la force des choses à contredire ouvertement les vues du ministre qui avait ordonné ce travail ? Leurs rapports, réunis en deux gros volumes, pour faire suite à la statistique de 1863, sont unanimes, sauf 3 ou 4 sur 89, pour repousser l’établissement de la gratuité de l’instruction primaire et pour combattre les conclusions du rapport de M. Duruy. — Citons au hasard quelques-unes de ces déclarations. « Il est à remarquer, dit l’une, que nulle part l’assiduité n’est moindre, nulle part les progrès ne sont moins sensibles que dans les écoles entièrement gratuites. Le père de famille qui ne paie point de rétribution scolaire associe ses efforts avec moins de zèle à ceux du maître pour obliger l’enfant à profiter de ses leçons. » Nous lisons ailleurs : « Le taux de la rétribution n’est point trop élevé. La gratuité absolue a disparu dans plusieurs communes qui l’avaient adoptée. On comprend mieux que l’éducation est avant tout une charge de famille, et qu’elle n’est qu’en faveur des indigens une dette de la commune, du département ou de l’état. » Nous trouvons encore ces curieux renseignemens : « Les autorités locales attestent que des enfans peu riches, ne venant pas à l’école, prétendaient ne pouvoir point payer, que la gratuité a été établie, et que ces enfans n’y viennent ni plus ni moins. L’unanimité presque complète de tous les témoignages prouve assez que la rétribution scolaire n’est pas un obstacle à la fréquentation des classes. » — « Les listes de gratuité sont bien faites, et comprennent tous les enfans dont les parens sont hors d’état de payer la rétribution. En général, les enfans inscrits sur les listes de gratuité se font remarquer par leur peu d’assiduité. Les parens font peu de cas d’une instruction dont ils n’ont pas eux-mêmes goûté les bienfaits, et qui d’ailleurs ne leur coûte rien. La gratuité absolue produit généralement des effets fâcheux ; plusieurs communes qui l’avaient adoptée ont rétabli la rétribution scolaire. »


Ainsi l’expérience condamne la gratuité absolue de l’instruction primaire, et force à reconnaître que, loin de porter remède au mal, elle ne fait que l’aggraver en dépeuplant les écoles. Inutile aux indigens, pour lesquels elle ne fait rien de plus que la loi actuelle, elle a pour effet direct de rendre les parens indifférens à l’assiduité de leurs enfans à l’école. Ajoutons qu’un système qui ne donnerait à l’instituteur qu’un traitement fixe, sans le faire profiter de la rétribution scolaire, pourrait rendre l’instituteur lui-même indifférent à la prospérité de sa classe. Enfin les 22 millions, produit de la rétribution scolaire, que l’établissement de l’instruction gratuite
Ainsi l’expérience condamne la gratuité absolue de l’instruction primaire, et force à reconnaître que, loin de porter remède au mal, elle ne fait que l’aggraver en dépeuplant les écoles. Inutile aux indigens, pour lesquels elle ne fait rien de plus que la loi actuelle, elle a pour effet direct de rendre les parens indifférens à l’assiduité de leurs enfans à l’école. Ajoutons qu’un système qui ne donnerait à l’instituteur qu’un traitement fixe, sans le faire profiter de la rétribution scolaire, pourrait rendre l’instituteur lui-même indifférent à la prospérité de sa classe. Enfin les 22 millions, produit de la rétribution scolaire, que l’établissement de l’instruction gratuite