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venues aux mains, et que la France se verrait appelée à intervenir. C’était donc la guerre certaine dans un temps donné et même à très court délai; seulement ce n’était pas la guerre entreprise par la France pour venger sa propre injure, avec le choix des armes et du terrain ; c’était la guerre à la remorque de l’Autriche, à une date, pour une cause et dans des conditions dont la France ne serait ni juge ni maîtresse.
venues aux mains, et que la France se verrait appelée à intervenir. C’était donc la guerre certaine dans un temps donné et même à très court délai ; seulement ce n’était pas la guerre entreprise par la France pour venger sa propre injure, avec le choix des armes et du terrain ; c’était la guerre à la remorque de l’Autriche, à une date, pour une cause et dans des conditions dont la France ne serait ni juge ni maîtresse.


Les conséquences de cette situation subordonnée, fatalement assignée à la France par le traité de Versailles, paraissaient au comte de Broglie aussi évidentes que déplorables. Dans une entreprise faite pour son compte, sous son propre drapeau, la France assurément aurait porté le poids du jour ; mais en compensation elle aurait eu la direction et la conduite de toutes les opérations diplomatiques ou militaires : c’est elle qui eût déterminé l’instant, le point, le but de l’attaque, et assigné le rôle à remplir, comme la récompense à espérer par chacun de ses auxiliaires. On a vu comment le comte de Broglie faisait d’avance cette répartition de rôles, et espérait, en mettant la Saxe en avant, contenir l’Autriche, rassurer le corps germanique et tenir les Polonais en haleine. Bon ou mauvais, applicable ou non dans tous ses détails, ce plan partait d’une idée juste et profondément politique : c’est qu’il importait à la France de prendre tout de suite la haute main dans le nouveau système fédératif, d’y entrer en maîtresse avec le cortège de tous ses cliens, et de ranger tout le monde derrière elle. Du moment au contraire où c’était l’Autriche qui donnerait le signal de la guerre et où la France n’y prendrait part qu’en seconde ligne, et n’y serait représentée que par un faible corps de 24,000 hommes, ce rôle prépondérant lui échappait pour passer à sa nouvelle alliée. C’est l’Autriche qui, en sa qualité de principale intéressée, déterminerait les conditions auxquelles son injure pourrait être vengée et son ambition satisfaite; c’est elle aussi (et ceci était le capital), c’est elle qui réglerait le choix et la mesure de ses alliances. Or parmi les alliés de l’Autriche il en était un très intime, très entreprenant, aimant beaucoup à se mêler des affaires d’autrui. On a nommé la Russie. Comment douter que du jour où les hostilités seraient allumées en Allemagne, l’Autriche appellerait à son aide la Russie en même temps que la France, en vertu du traité de Pétersbourg, non moins explicite que celui de Versailles, et que les troupes russes seraient sur pied avant les nôtres? Pour accourir en Europe, les armées russes n’avaient guère qu’un chemin à suivre et elles aimaient beaucoup à le prendre : c’était la route de Varsovie. Le fantôme d’une invasion russe en Pologne, faite de connivence, presque de concert avec la France, se dressa devant le comte de Broglie et le pénétra d’effroi.
Les conséquences de cette situation subordonnée, fatalement assignée à la France par le traité de Versailles, paraissaient au comte de Broglie aussi évidentes que déplorables. Dans une entreprise faite pour son compte, sous son propre drapeau, la France assurément aurait porté le poids du jour ; mais en compensation elle aurait eu la direction et la conduite de toutes les opérations diplomatiques ou militaires : c’est elle qui eût déterminé l’instant, le point, le but de l’attaque, et assigné le rôle à remplir, comme la récompense à espérer par chacun de ses auxiliaires. On a vu comment le comte de Broglie faisait d’avance cette répartition de rôles, et espérait, en mettant la Saxe en avant, contenir l’Autriche, rassurer le corps germanique et tenir les Polonais en haleine. Bon ou mauvais, applicable ou non dans tous ses détails, ce plan partait d’une idée juste et profondément politique : c’est qu’il importait à la France de prendre tout de suite la haute main dans le nouveau système fédératif, d’y entrer en maîtresse avec le cortège de tous ses cliens, et de ranger tout le monde derrière elle. Du moment au contraire où c’était l’Autriche qui donnerait le signal de la guerre et où la France n’y prendrait part qu’en seconde ligne, et n’y serait représentée que par un faible corps de 24,000 hommes, ce rôle prépondérant lui échappait pour passer à sa nouvelle alliée. C’est l’Autriche qui, en sa qualité de principale intéressée, déterminerait les conditions auxquelles son injure pourrait être vengée et son ambition satisfaite ; c’est elle aussi (et ceci était le capital), c’est elle qui réglerait le choix et la mesure de ses alliances. Or parmi les alliés de l’Autriche il en était un très intime, très entreprenant, aimant beaucoup à se mêler des affaires d’autrui. On a nommé la Russie. Comment douter que du jour où les hostilités seraient allumées en Allemagne, l’Autriche appellerait à son aide la Russie en même temps que la France, en vertu du traité de Pétersbourg, non moins explicite que celui de Versailles, et que les troupes russes seraient sur pied avant les nôtres ? Pour accourir en Europe, les armées russes n’avaient guère qu’un chemin à suivre et elles aimaient beaucoup à le prendre : c’était la route de Varsovie. Le fantôme d’une invasion russe en Pologne, faite de connivence, presque de concert avec la France, se dressa devant le comte de Broglie et le pénétra d’effroi.