« Jocelyn/Première époque » : différence entre les versions

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Ne laissant après lui que parfum et saveur.
Ô mon Dieu, que la terre est pleine de bonheur !
Aujourd’hui premier mai, date où mon coeurcœur s’arrête,
Du hameau paternel c’était aussi la fête,
Et c’est aussi le jour où ma mère eut un fils ;
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Plus elles s’animaient, comme pour ressaisir
Ce que l’heure fuyante enviait au plaisir.
Chaque arbre du verger avait son choeurchœur champêtre,
Son orchestre élevé sur de vieux troncs de hêtre ;
Le fifre aux cris aigus, le hautbois au son clair,
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S’accordant, s’excitant, s’unissant pour répandre
Ensemble ou tour à tour, dans leurs divers accents,
Le délire ou l’ivresse à nos coeurscœurs bondissants.
Tous les yeux se cherchaient, toutes les mains pressées
Frémissaient de répondre aux notes cadencées.
Un tourbillon d’amour emportait deux à deux,
Dans sa sphère de bruit, les couples amoureux ;
Les pieds, les yeux, les coeurscœurs qu’un même instinct attire,
S’envolaient soulevés par le commun délire,
S’enchaînaient, se brisaient, pour s’enchaîner encor
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Mon âme s’en troublait, mon oreille ravie
Buvait languissamment ces prémices de vie ;
Te suivais des regards, et des pas, et du coeurcœur,
Les danseuses passant l’oeil chargé de langueur ;
Je rêvais aux doux bruits de leurs robes de soie ;
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Un des songes vivants attachés à mes pas ;
Si j’apportais ici, languissante et ravie,
Une vierge au coeurcœur pur, premier rayon de vie,
Mon âme aurait vécu mille ans dans un seul jour
Car, je le sens, ce soir, mon âme n’est qu’amour !
 
Non : chassons de mon coeurcœur ces trop molles images ;
De mes livres amis rouvrons les vieilles pages.
Les voici sur ma table incessamment ouverts ;
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Parmi tant de beautés que ma soeursœur était belle !
Mais le soir en rentrant pourquoi donc pleurait-elle ?
 
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<small>6 mai 1786.</small>
 
Ah ! j’ai donc le secret des larmes de ma soeursœur ;
Puisse mon sacrifice acheter son bonheur !
 
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Plus que l’oiseau qui pose, ou la goutte de pluie ;
Je tenais dans ma main ce livre où tant de pleurs
Coulent du coeurcœur de Paul et des yeux des lecteurs,
Quand, le canot parti, chaque coup de la rame
Emporte Virginie, arrache l’âme à l’âme ;
Je sentais tout mon coeurcœur se fondre de pitié,
Et la page toujours restait lue à moitié.
Tout à coup quelques mots murmurés à voix basse
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L’ombre de ses cheveux me cachait son visage,
Mais j’entendais tomber des gouttes sur la page.
Ma soeursœur, assise auprès, un de ses bras passé
Au cou de notre mère avec force embrassé,
Le front sur son épaule et noyé dans sa robe
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Le mouvement d’un sein que le sanglot secoue,
Et le son de deux voix brisé, tout trahissait
Deux coeurscœurs brisés eux-mêmes, et des pleurs qu’on versait.
– « Julie ! il est donc vrai, disait ma mère ; il t’aime !
Et toi, tu le chéris aussi ? – Plus que moi-même !
– Hélas ! je comprends trop ce tendre et triste aveu.
Vous voir unis un jour était mon plus doux voeuvœu ;
Mais Dieu, qui de ses dons fut pour nous trop avare,
Vous unit d’une main, de l’autre vous sépare.
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Puis je n’entendis plus qu’à voix basse un mélange
De plaintes, de baisers ; puis la voix de quelque ange
Me parla dans le coeurcœur, et, d’un pied suspendu,
Je m’éloignai pleurant et sans être entendu.
 
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Où bruit cette foule à tant de soins mêlée :
J’apporterais une arme inégale au combat,
Trop de pitié dans l’âme, un coeurcœur qu’un souffle abat ;
Trop sensible ou trop fier, je mourrais dans la lutte,
Ou vainqueur du triomphe ou vaincu de la chute.
À cette loterie où la vie est l’enjeu
Mon coeurcœur passionné mettrait trop ou trop peu ;
Et puis la vie est lourde, et dur est le voyage :
Il vaut mieux la porter seule et sans ce bagage
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À ceux-là le plaisir d’un monument qu’on fonde ;
À ceux-ci le grand bruit de leurs pas dans le monde.
Mais il a dit aux coeurscœurs de soupirs et de foi :
« Ne prenez rien ici, vous aurez tout en moi ! »
Le prêtre est l’urne sainte au dôme suspendue,
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« Que n’échauffe jamais le rayon de la femme,
« Dans cet isolement sèche et se rétrécit ;
« Il n’a plus de famille, et son coeurcœur se durcit. »
Dites plutôt qu’à l’homme il étend sa famille
Les pauvres sont pour lui mère, enfants, femme et fille.
Le Christ met dans son coeurcœur son immense amitié ;
Tout ce qui souffre et pleure est à lui par pitié.
Non, non, dans ma pensée heureuse et recueillie,
Ne craignez pas surtout que mon amour s’oublie.
Ah ! le Dieu qui me veut n’est pas un Dieu jaloux ;
Ce voeuvœu me donne à lui sans m’arracher à vous.
Plus de sa charité l’océan nous inonde,
Plus nous sommes à lui, plus nous sommes au monde,
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Vint d’elle-même offrir sa gorge au sacrifice.
Ainsi pleurait ma mère, et puis elle a dit : « Oui ! »
Mais un coeurcœur sur la terre en sera réjoui.
Sitôt que de ma soeursœur j’aurai béni la joie,
Sans regarder derrière, entrons dans notre voie.
 
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Dieu m’a récompensé : ce fut hier le jour
Où le Seigneur bénit l’innocence et l’amour.
De ma soeursœur et d’Ernest cette sainte journée
A dans la main de Dieu mêlé la destinée.
Les voilà dans la paix se possédant tous deux !
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Les pas des serviteurs courant de salle en salle,
Les parents, les amis, arrivant deux à deux,
Les mains pleines de dons et les coeurscœurs pleins de voeuxvœux,
Des présents de l’époux les fragiles merveilles,
Étalés sur le lit, débordant les corbeilles,
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Qu’on fait toute la vie et qu’on savoure un jour !
Et moi, seul et rêveur, glissant sans qu’on me voie,
Du regard et du coeurcœur je poursuivais leur joie :
Tout le jour, en tout lieu, me trouvant sur leurs pas,
Me rencontrant partout, ils ne me voyaient pas ;
Du bonheur des amants goûtant au moins l’image,
Dans leur félicité j’adorais mon ouvrage,
Et je disais tout bas dans mon coeurcœur satisfait :
« Ce bonheur est à moi, car c’est moi qui l’ai fait ! »
 
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Et le rire étouffé circulait autour d’elles.
J’avais l’air insensible au sarcasme moqueur.
Vous, cependant, mon Dieu, vous lisiez dans mon coeurcœur !...
 
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De peur qu’un son de voix ne vînt nous révéler
Le sanglot dérobé sous le tendre sourire,
Et ne fît éclater le coeurcœur qu’un mot déchire.
On allait, on venait ; mère, soeursœur, à l’écart,
Préparaient à genoux les apprêts d’un départ,
Et chacune, les mains dans le coffre enfoncées,
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Eut jeté sur nos yeux des voiles plus épais :
– « Allez, dis-je à ma mère, et reposez en paix,
Reposez votre coeurcœur de soupirs et de larmes,
Bénissez votre enfant et dormez sans alarmes ;
Que ce dernier sommeil que je fais près de vous
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Son baiser lentement sur mon front descendit,
Et je n’entendis pas ce qu’elle répondit ;
Car, le coeurcœur plein des pleurs que cachait mon visage,
Et ne les pouvant pas retenir davantage,
J’étais déjà sorti de son appartement,
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Je leur prêtais le sens des pleurs que je versais,
Et je croyais sentir, tant notre âme a de force,
Un coeurcœur ami du mien palpiter sous l’écorce.
Sur chaque banc de pierre où je m’étais assis,
Où j’avais vu ma mère assise avec son fils,
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Vers la place où mes yeux retrouvaient son image,
Je lui parlais de l’âme, elle me répondait ;
Sa voix, sa propre voix dans mon coeurcœur s’entendait,
Et je fuyais ainsi du hêtre au sycomore,
Réveillant mon passé pour le pleurer encore.
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J’embrassai cette terre où j’avais pris racine,
D’où m’arrachait si tendre une force divine ;
J’ouvris mon coeurcœur trop plein, et j’en laissai couler
Ce long torrent de pleurs qui voulait s’y mêler.
 
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Ni quels mille pensers dans ma tête roulèrent ;
De son oeil infini Dieu seul peut les compter,
Et le coeurcœur dans sa langue au coeurcœur les raconter ;
Il est des nuits d’orage où le flot des idées,
Comme un fleuve trop plein aux ondes débordées,
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Pour que notre âme même en ait le sentiment ;
Un vertige confus bouillonne dans la tête,
Et, prêt à se briser, le coeurcœur même s’arrête ;
J’étais dans cet état, sans entendre, sans voir,
Anéantissement, sommeil du désespoir :
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Je crus sentir des mains qui rencontraient les miennes.
« Adieu ! » criai-je ; en vain j’y voulus joindre un mot,
Mon coeurcœur noyé d’angoisse eut à peine un sanglot,
Et je m’enfuis courant et sans tourner la tête,
Comme un homme qui craint qu’un remords ne l’arrête.
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Vous qui prenez le fils, restez avec la mère,
Que l’heure du départ n’y soit pas même amère !
Je ne quitte, ô mon Dieu, ces coeurscœurs et ce séjour,
Qu’afin de leur laisser plus de paix et d’amour :
Que l’amour et la paix y restent à ma place,
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Bénissez nuit et jour leur route et leurs instants ;
Soyez vous-même, ô Dieu ! vous, ô céleste père,
Pour la mère le fils, et pour la soeursœur le frère !
Comblez-les de vos dons ; menez-les par la main,
Par une longue vie et par un doux chemin,