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ne comptait pas 5 millions d’âmes, c’était une proportion de 3 pour 100, ce qui équivaudrait pour la France actuelle à plus d’un million de soldats sur le pied de paix. Pendant sa dernière campagne, il conduisit en Bohême deux armées de 100,000 hommes chacune, chiffre énorme pour cette époque. Lors de la campagne de France de 1792, l’état-major prussien choisit parfaitement son point d’attaque; mais les troupes, mal commandées, mal pourvues, se montrèrent incapables de résister aux légions républicaines. Après le désastre d’Iéna, l’armée prussienne fut désorganisée, et Napoléon prit les précautions les plus rigoureuses pour l’empêcher de se reconstituer. Par la plus humiliante des conditions que puisse subir un ennemi vaincu, il fut interdit à la Prusse de maintenir sous les armes plus de 42,000 hommes. L’excès même de son abaissement devint pour elle la cause de sa résurrection comme puissance militaire. Épuisée par les contributions que lui imposait le vainqueur, diminuée de moitié, réduite à n’être plus qu’un état de second ordre, instrument docile aux mains du maître de l’Europe, elle dut son salut à deux hommes éminens qui comprirent la force que portent en eux les principes modernes. L’un, Stein, abolit les iniquités du régime féodal, émancipa les paysans, rendit l’impôt égal et proportionnel, étendit les privilèges des villes et augmenta l’indépendance des administrations locales ; l’autre, un officier hanovrien du nom de Scharnhorst, avec le concours de Boyen et de Grolmann, réorganisa l’armée d’après un nouveau système qui lui permit d’éluder les dures restrictions qui pesaient sur la Prusse. Ce système, comme toutes les idées justes, est simple et peut se définir en deux mots : abréger la durée du service et faire passer constamment de nouvelles recrues par des cadres permanens. De cette façon, avec un effectif extrêmement restreint et une dépense réduite à proportion, on formait de nombreuses réserves en exerçant les levées successives au métier des armes. A la base de l’organisation, on inscrivit ce principe, emprunté aux républiques antiques et consacré par la révolution française : tout citoyen se doit à la défense de la patrie. L’efficacité du système de Scharnhorst se révéla lors de l’écroulement de l’empire. En 1813, après la retraite de Russie et la défection du général d’York, qui commandait le contingent prussien, une armée nationale se forma presque spontanément dans la Prusse orientale. En peu de temps, elle compta 120,000 hommes. Quelques mois plus tard, grâce à la haine de l’étranger et à l’esprit national qu’avaient développé les réformes de Stein, elle s’élevait à 300,000 hommes. Battues d’abord, ces levées s’aguerrirent bientôt, et vers la fin de l’été elles tinrent tête aux Français à Gross-Beeren et à Leipzig. La lutte terminée, la loi du
ne comptait pas 5 millions d’âmes, c’était une proportion de 3 pour 100, ce qui équivaudrait pour la France actuelle à plus d’un million de soldats sur le pied de paix. Pendant sa dernière campagne, il conduisit en Bohême deux armées de 100,000 hommes chacune, chiffre énorme pour cette époque. Lors de la campagne de France de 1792, l’état-major prussien choisit parfaitement son point d’attaque ; mais les troupes, mal commandées, mal pourvues, se montrèrent incapables de résister aux légions républicaines. Après le désastre d’Iéna, l’armée prussienne fut désorganisée, et Napoléon prit les précautions les plus rigoureuses pour l’empêcher de se reconstituer. Par la plus humiliante des conditions que puisse subir un ennemi vaincu, il fut interdit à la Prusse de maintenir sous les armes plus de 42,000 hommes. L’excès même de son abaissement devint pour elle la cause de sa résurrection comme puissance militaire. Épuisée par les contributions que lui imposait le vainqueur, diminuée de moitié, réduite à n’être plus qu’un état de second ordre, instrument docile aux mains du maître de l’Europe, elle dut son salut à deux hommes éminens qui comprirent la force que portent en eux les principes modernes. L’un, Stein, abolit les iniquités du régime féodal, émancipa les paysans, rendit l’impôt égal et proportionnel, étendit les privilèges des villes et augmenta l’indépendance des administrations locales ; l’autre, un officier hanovrien du nom de Scharnhorst, avec le concours de Boyen et de Grolmann, réorganisa l’armée d’après un nouveau système qui lui permit d’éluder les dures restrictions qui pesaient sur la Prusse. Ce système, comme toutes les idées justes, est simple et peut se définir en deux mots : abréger la durée du service et faire passer constamment de nouvelles recrues par des cadres permanens. De cette façon, avec un effectif extrêmement restreint et une dépense réduite à proportion, on formait de nombreuses réserves en exerçant les levées successives au métier des armes. A la base de l’organisation, on inscrivit ce principe, emprunté aux républiques antiques et consacré par la révolution française : tout citoyen se doit à la défense de la patrie. L’efficacité du système de Scharnhorst se révéla lors de l’écroulement de l’empire. En 1813, après la retraite de Russie et la défection du général d’York, qui commandait le contingent prussien, une armée nationale se forma presque spontanément dans la Prusse orientale. En peu de temps, elle compta 120,000 hommes. Quelques mois plus tard, grâce à la haine de l’étranger et à l’esprit national qu’avaient développé les réformes de Stein, elle s’élevait à 300,000 hommes. Battues d’abord, ces levées s’aguerrirent bientôt, et vers la fin de l’été elles tinrent tête aux Français à Gross-Beeren et à Leipzig. La lutte terminée, la loi du