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long, 14 mètres de large et 10 mètres de haut; il est profondément enfoncé dans le sol, néanmoins le volume de la partie apparente est encore de 2,100 mètres cubes. Ce bloc et ses acolytes sont originaires de la vallée de Binnen dans le Haut-Valais, et ils ont parcouru au moins 230 kilomètres pour arriver de leur point de départ à leur gisement actuel.
long, 14 mètres de large et 10 mètres de haut ; il est profondément enfoncé dans le sol, néanmoins le volume de la partie apparente est encore de 2,100 mètres cubes. Ce bloc et ses acolytes sont originaires de la vallée de Binnen dans le Haut-Valais, et ils ont parcouru au moins 230 kilomètres pour arriver de leur point de départ à leur gisement actuel.


Plus d’un savant s’était arrêté devant ces sphinx de granite, cherchant à deviner l’énigme qu’ils proposaient à leur sagacité. Un géologue écossais, John Playfair, voyageant en Suisse pendant l’été de 1815, comprit le premier que des glaciers pouvaient seuls avoir transporté ces masses sans arrondir leurs angles et sans émousser leurs arêtes. Son explication passa inaperçue, et la science officielle continua de professer que des courans diluviens, aussi fantastiques que le déluge mosaïque qui en a inspiré l’idée, avaient transporté ces blocs, comme de légers corps flottans, des sommets des Alpes aux crêtes du Jura. Quelques montagnards obscurs, puis Venetz, ingénieur du Valais, et enfin de Charpentier eurent à leur tour l’intuition de la vérité : actuellement la démonstration est complète, et la zoologie comme la botanique ont confirmé le fait d’une période de froid que la géologie avait déjà établi. Hâtez-vous d’admirer ces témoins irrécusables de la période glaciaire. La spéculation s’en est emparée; des ouvriers piémontais, formés dans les carrières des granites de Baveno, sur le lac Majeur, savent tailler ces blocs et les convertir en marches d’escalier, en montans de fenêtres et de portes. Les têtes des nombreux tunnels du chemin de fer de Neuchâtel à Pontarlier, dans la vallée de la Reuss, sont revêtues de protogine du Mont-Blanc. Un grand nombre de blocs ont disparu; à leur place, Vous ne trouvez plus que les éclats, résidus de l’exploitation : tous sont menacés. Les agriculteurs conspirent contre eux avec les ingénieurs et les architectes, et bientôt de ces pierres on ne possédera plus que celles qui occupent des positions inaccessibles et celles en petit nombre que des administrations intelligentes, comme la municipalité de la ville de Neuchâtel et du Valais, ont voulu préserver d’une destruction imminente. Je demande que quelques-uns de ces monumens géologiques soient ''classés'' à l’instar des monumens historiques : ils ne datent pas d’hier comme ceux que l’on conserve et restaure avec tant de soin. Parmi eux, il en est que de Saussure a décrits : ce sont les ''blocs perchés'' du Salève, près du château de l’Ermitage <ref> ''Voyages dans les Alpes'', § 227. </ref>. Ces blocs sont maintenant français. Que l’administration de la Haute-Savoie, sollicitée par les compatriotes de l’illustre savant, les prenne sous sa protection, et conserve à la postérité ces témoins muets de l’ancienne extension du glacier de
Plus d’un savant s’était arrêté devant ces sphinx de granite, cherchant à deviner l’énigme qu’ils proposaient à leur sagacité. Un géologue écossais, John Playfair, voyageant en Suisse pendant l’été de 1815, comprit le premier que des glaciers pouvaient seuls avoir transporté ces masses sans arrondir leurs angles et sans émousser leurs arêtes. Son explication passa inaperçue, et la science officielle continua de professer que des courans diluviens, aussi fantastiques que le déluge mosaïque qui en a inspiré l’idée, avaient transporté ces blocs, comme de légers corps flottans, des sommets des Alpes aux crêtes du Jura. Quelques montagnards obscurs, puis Venetz, ingénieur du Valais, et enfin de Charpentier eurent à leur tour l’intuition de la vérité : actuellement la démonstration est complète, et la zoologie comme la botanique ont confirmé le fait d’une période de froid que la géologie avait déjà établi. Hâtez-vous d’admirer ces témoins irrécusables de la période glaciaire. La spéculation s’en est emparée ; des ouvriers piémontais, formés dans les carrières des granites de Baveno, sur le lac Majeur, savent tailler ces blocs et les convertir en marches d’escalier, en montans de fenêtres et de portes. Les têtes des nombreux tunnels du chemin de fer de Neuchâtel à Pontarlier, dans la vallée de la Reuss, sont revêtues de protogine du Mont-Blanc. Un grand nombre de blocs ont disparu ; à leur place, Vous ne trouvez plus que les éclats, résidus de l’exploitation : tous sont menacés. Les agriculteurs conspirent contre eux avec les ingénieurs et les architectes, et bientôt de ces pierres on ne possédera plus que celles qui occupent des positions inaccessibles et celles en petit nombre que des administrations intelligentes, comme la municipalité de la ville de Neuchâtel et du Valais, ont voulu préserver d’une destruction imminente. Je demande que quelques-uns de ces monumens géologiques soient ''classés'' à l’instar des monumens historiques : ils ne datent pas d’hier comme ceux que l’on conserve et restaure avec tant de soin. Parmi eux, il en est que de Saussure a décrits : ce sont les ''blocs perchés'' du Salève, près du château de l’Ermitage <ref> ''Voyages dans les Alpes'', § 227.</ref>. Ces blocs sont maintenant français. Que l’administration de la Haute-Savoie, sollicitée par les compatriotes de l’illustre savant, les prenne sous sa protection, et conserve à la postérité ces témoins muets de l’ancienne extension du glacier de