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{{tiret2|con|stitué}} la France moderne. Lui seul fait bien comprendre cet antagonisme de deux grands peuples devenu la loi de leur existence mutuelle, et comme la condition même de tous leurs développemens ultérieurs. «Le roi, dit Froissard, qui sage étoit et subtil, savait gens attraire et tenir à amour où son profit étoit. Il avoit tant fait que les prélats de Bretagne, les barons, les chevaliers et les bonnes villes estoient de son accord… De l’autre côté, tastoit aussi bellement ceux d’Abbeville et de Ponthieu, quels il les trouveroit, et s’ils demeureroient Anglois ou François. Et ne désireroient-ils alors autre chose que d’estre François, tant haieoient-ils les Anglois. Ainsi acqueroit le roi de France des amis de tout lez. » Mais c’était surtout dans le midi du royaume que ce travail de propagande s’opérait avec ardeur. La plus grande partie de la noblesse, froissée dans ses susceptibilités et dans ses droits par les mesures arbitraires du gouvernement anglais, en appelait depuis quelques années au roi de France. « Car estoient les Anglois orgueilleux et présomptueux ; et ceux de Poitou, de Quersin, de Limosin, de Hovergnes, de La Rochelle, ne peuvent aimer les Anglois, quelque semblant qu’ils leur montrent, mais les tiennent en grand dépit et vileté. Et ont les officiers du prince si surmonté toutes gens en Poitou, en Saintonge et en La Rochelle, qu’ils prennent tout en abandon, et ils fond si grand levée, au titre du prince, que nul n’a rien du sien. Avec ce, touts les gentilshommes du pays ne peuvent venir à nul office, car tout emportent les Anglais<ref>''Chronique de Froissard'', livre I{{er}}, seconde partie.</ref>. »
{{tiret2|con|stitué}} la France moderne. Lui seul fait bien comprendre cet antagonisme de deux grands peuples devenu la loi de leur existence mutuelle, et comme la condition même de tous leurs développemens ultérieurs. « Le roi, dit Froissard, qui sage étoit et subtil, savait gens attraire et tenir à amour où son profit étoit. Il avoit tant fait que les prélats de Bretagne, les barons, les chevaliers et les bonnes villes estoient de son accord… De l’autre côté, tastoit aussi bellement ceux d’Abbeville et de Ponthieu, quels il les trouveroit, et s’ils demeureroient Anglois ou François. Et ne désireroient-ils alors autre chose que d’estre François, tant haieoient-ils les Anglois. Ainsi acqueroit le roi de France des amis de tout lez. » Mais c’était surtout dans le midi du royaume que ce travail de propagande s’opérait avec ardeur. La plus grande partie de la noblesse, froissée dans ses susceptibilités et dans ses droits par les mesures arbitraires du gouvernement anglais, en appelait depuis quelques années au roi de France. « Car estoient les Anglois orgueilleux et présomptueux ; et ceux de Poitou, de Quersin, de Limosin, de Hovergnes, de La Rochelle, ne peuvent aimer les Anglois, quelque semblant qu’ils leur montrent, mais les tiennent en grand dépit et vileté. Et ont les officiers du prince si surmonté toutes gens en Poitou, en Saintonge et en La Rochelle, qu’ils prennent tout en abandon, et ils fond si grand levée, au titre du prince, que nul n’a rien du sien. Avec ce, touts les gentilshommes du pays ne peuvent venir à nul office, car tout emportent les Anglais<ref>''Chronique de Froissard'', livre I{{er}}, seconde partie.</ref>. »


A mesure que Du Guesclin s’avançait sur cette terre ainsi préparée, qu’il avait mission de reconquérir pas à pas, il trouvait donc une immense force morale, et quelquefois un dévouement sublime dans les populations, au cœur desquelles il savait parler. Les dispositions menaçantes des habitans de Poitiers contraignirent les Anglais à évacuer cette grande ville. Peu après les bourgeois de La Rochelle, et leur maire, Jean Cadorier, stimulés par la vue des bannières fleurdelisées flottant autour de leurs remparts, s’emparaient, par un audacieux coup de main, du gouverneur et de ses principaux officiers, et ouvraient leurs portes à l’armée du connétable. A Chisay, dans une bataille rangée disposée avec un art infini, celui-ci écrasait les forces anglaises, et faisait, par cette victoire, rentrer sous la domination du roi l’Aunis et la Saintonge, dont la conquête préparait celle de la Guyenne, de l’Aquitaine et de l’Auvergne. Mais un important {{tiret|épi|sode}}
A mesure que Du Guesclin s’avançait sur cette terre ainsi préparée, qu’il avait mission de reconquérir pas à pas, il trouvait donc une immense force morale, et quelquefois un dévouement sublime dans les populations, au cœur desquelles il savait parler. Les dispositions menaçantes des habitans de Poitiers contraignirent les Anglais à évacuer cette grande ville. Peu après les bourgeois de La Rochelle, et leur maire, Jean Cadorier, stimulés par la vue des bannières fleurdelisées flottant autour de leurs remparts, s’emparaient, par un audacieux coup de main, du gouverneur et de ses principaux officiers, et ouvraient leurs portes à l’armée du connétable. A Chisay, dans une bataille rangée disposée avec un art infini, celui-ci écrasait les forces anglaises, et faisait, par cette victoire, rentrer sous la domination du roi l’Aunis et la Saintonge, dont la conquête préparait celle de la Guyenne, de l’Aquitaine et de l’Auvergne. Mais un important {{tiret|épi|sode}}