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25 juillet 1775.
25 juillet 1775.


«Je veux vous écrire, Auguste, chère sœur, bien qu’il me semble que, dans l’état où je suis, même auprès de vous, j’aurais peine à trouver quelque chose à dire. Je commence donc. Qu’il y a loin de moi jusqu’à vous ! Il faut espérer pourtant qu’un jour nous nous verrons.
« Je veux vous écrire, Auguste, chère sœur, bien qu’il me semble que, dans l’état où je suis, même auprès de vous, j’aurais peine à trouver quelque chose à dire. Je commence donc. Qu’il y a loin de moi jusqu’à vous ! Il faut espérer pourtant qu’un jour nous nous verrons.


« Lorsque tout m’accable ainsi, je mie tourne vers le nord, où respire ma sœur chérie, là-bas, à deux cents milles de moi. Hier au soir, ange, j’aurais voulu être à vos pieds, serrer vos mains. Je me suis endormi avec cette idée, et ce matin je la retrouve encore à mon réveil. Belle ame pleine de mansuétude, vous qui avez le ciel dans le cœur, je serai encore ballotté cruellement. N’importe, pourvu que je me repose un instant sur votre cœur. C’est là mon rêve, mon seul but au milieu de tant de souffrances. - Je me suis si souvent trompé sur les femmes. - Chère Auguste, que ne puis-je lire un instant dans vos yeux ! - Je m’arrête ; - ne cessez pas de m’aimer. »
« Lorsque tout m’accable ainsi, je mie tourne vers le nord, où respire ma sœur chérie, là-bas, à deux cents milles de moi. Hier au soir, ange, j’aurais voulu être à vos pieds, serrer vos mains. Je me suis endormi avec cette idée, et ce matin je la retrouve encore à mon réveil. Belle ame pleine de mansuétude, vous qui avez le ciel dans le cœur, je serai encore ballotté cruellement. N’importe, pourvu que je me repose un instant sur votre cœur. C’est là mon rêve, mon seul but au milieu de tant de souffrances. Je me suis si souvent trompé sur les femmes. Chère Auguste, que ne puis-je lire un instant dans vos yeux ! Je m’arrête ; ne cessez pas de m’aimer. »


A mesure qu’il sent que Lili va lui échapper, il tend à se rapprocher davantage d’Auguste. Il faut à cette agitation fiévreuse un cœur de femme capable, sinon de remplacer complètement la divinité perdue, du moins de servir d’objet à l’évaporation confuse de tant de sentimens exaltés, et qui l’étoufferaient, s’ils n’avaient cours. Comme il sait très bien qu’il chercherait vainement un pareil cœur dans son entourage, il franchit la distance et s’adresse ailleurs. Du reste, l’éloignement ici, loin de nuire, ajoute un vague qui sied bien et tempère la crudité de certaines boutades un peu vives. Une femme qu’on n’a jamais vue, un être avec lequel des circonstances tout amicales et poétiques nous ont mis en relation, n’est-ce point là un idéal attrayant ? et, s’il est vrai de dire que chez un homme supérieur toute image que le souvenir garde s’épure insensiblement et se dégage avec le temps des moindres ombres, dans quel azur sans tache, dans quel éther fluide et transparent ne doit pas régner une apparition ainsi devinée et pressentie !
A mesure qu’il sent que Lili va lui échapper, il tend à se rapprocher davantage d’Auguste. Il faut à cette agitation fiévreuse un cœur de femme capable, sinon de remplacer complètement la divinité perdue, du moins de servir d’objet à l’évaporation confuse de tant de sentimens exaltés, et qui l’étoufferaient, s’ils n’avaient cours. Comme il sait très bien qu’il chercherait vainement un pareil cœur dans son entourage, il franchit la distance et s’adresse ailleurs. Du reste, l’éloignement ici, loin de nuire, ajoute un vague qui sied bien et tempère la crudité de certaines boutades un peu vives. Une femme qu’on n’a jamais vue, un être avec lequel des circonstances tout amicales et poétiques nous ont mis en relation, n’est-ce point là un idéal attrayant ? et, s’il est vrai de dire que chez un homme supérieur toute image que le souvenir garde s’épure insensiblement et se dégage avec le temps des moindres ombres, dans quel azur sans tache, dans quel éther fluide et transparent ne doit pas régner une apparition ainsi devinée et pressentie !
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Offenbach, 9 août.
Offenbach, 9 août.


« Auguste, Auguste, un mot de toi qui me délivre, une étreinte de toi ! Que d’angoisses et de confusion ! Ici, dans la chambre de la jeune fille qui fait mon malheur sans que ce soit sa faute, de ce cœur d’ange dont je trouble les jours, ici, Auguste, je tiens dans mes mains ta lettre depuis un quart d’heure, et je la lis. - Elle est du 2 juin. Tu m’y demandais de te répondre
« Auguste, Auguste, un mot de toi qui me délivre, une étreinte de toi ! Que d’angoisses et de confusion ! Ici, dans la chambre de la jeune fille qui fait mon malheur sans que ce soit sa faute, de ce cœur d’ange dont je trouble les jours, ici, Auguste, je tiens dans mes mains ta lettre depuis un quart d’heure, et je la lis. Elle est du 2 juin. Tu m’y demandais de te répondre