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'''Chroniques chevaleresques d’Espagne et de Portugal''', publiées par M. Ferdinand Denis <ref>Deux vol. in-8°, chez Ledoyen, Palais-Royal.</ref>. - L’auteur d’''Ivanhoë'' disait que la belle chronique de ''la Mort d’Albayaldos'' valait bien qu’on apprît l’espagnol, et Mme de Staël, comme Walter Scott, était saisie d’une vive admiration à la lecture des touchantes et dramatiques légendes du romancero. C’est qu’en effet l’âge héroïque de l’Espagne s’est continué, pour ainsi dire, jusqu’au seuil même de notre temps, toujours fécond en puissans souvenirs ; c’est qu’on trouve, sur cette terre des ardentes passions et des implacables vengeances, l’amour et la foi dans leur plus redoutable exaltation, en même temps qu’on y retrouve, près des mœurs chevaleresques, quelque chose de la dureté du monde antique. La civilisation, malgré l’effort, n’atteint jamais sa limite, et les plus grandes figures de l’histoire d’Espagne gardent toujours, dans leur héroïsme, quelque chose d’âpre et de fauve, comme les moines de Zurbaran. Il y a donc là, de même qu’en Portugal, de la terreur et des larmes au fond de chaque récit, et le drame est partout dans la chronique. L’Évangile et le Coran sont en présence. Le cachot de l’inquisition est creusé sous l’église, et, quand le monde mystique du moyen-âge est prêt à crouler, des mondes nouveaux se découvrent pour des merveilles nouvelles. Du Xe siècle au XVIe, des Infans de Lara à dona Lianor, il y a comme une succession non interrompue d’éclatantes infortunes, si terribles ''qu’elles furent.pleurées'', comme les infortunes d’Inez, ''par les statues de bronze et de marbre''. Corneille, prompt à sentir la grandeur et l’héroïsme, avait puisé largement à ces sources fécondes. Mais en France, où l’on n’est d’ordinaire curieux des voisins que par accès et par mode, on était passé vite, à l’égard de la littérature espagnole, d’un enthousiasme exagéré à une indifférence injuste. Il fallait le génie de Lesage pour faire souvenir le XVIIIe siècle de ''Salamanque ; je ne parle pas de ''Gonzalve de Cordoue'', fort innocemment défiguré par Florian : cet essai n’était guère de nature à nous intéresser, une fois sortis du collège, aux chevaliers et aux Arabes de la Péninsule. Depuis, la poésie du romancero a eu ses retours. M. de Châteaubriand
'''Chroniques chevaleresques d’Espagne et de Portugal''', publiées par M. Ferdinand Denis <ref>Deux vol. in-8°, chez Ledoyen, Palais-Royal.</ref>. L’auteur d’''Ivanhoë'' disait que la belle chronique de ''la Mort d’Albayaldos'' valait bien qu’on apprît l’espagnol, et Mme de Staël, comme Walter Scott, était saisie d’une vive admiration à la lecture des touchantes et dramatiques légendes du romancero. C’est qu’en effet l’âge héroïque de l’Espagne s’est continué, pour ainsi dire, jusqu’au seuil même de notre temps, toujours fécond en puissans souvenirs ; c’est qu’on trouve, sur cette terre des ardentes passions et des implacables vengeances, l’amour et la foi dans leur plus redoutable exaltation, en même temps qu’on y retrouve, près des mœurs chevaleresques, quelque chose de la dureté du monde antique. La civilisation, malgré l’effort, n’atteint jamais sa limite, et les plus grandes figures de l’histoire d’Espagne gardent toujours, dans leur héroïsme, quelque chose d’âpre et de fauve, comme les moines de Zurbaran. Il y a donc là, de même qu’en Portugal, de la terreur et des larmes au fond de chaque récit, et le drame est partout dans la chronique. L’Évangile et le Coran sont en présence. Le cachot de l’inquisition est creusé sous l’église, et, quand le monde mystique du moyen-âge est prêt à crouler, des mondes nouveaux se découvrent pour des merveilles nouvelles. Du Xe siècle au XVIe, des Infans de Lara à dona Lianor, il y a comme une succession non interrompue d’éclatantes infortunes, si terribles ''qu’elles furent.pleurées'', comme les infortunes d’Inez, ''par les statues de bronze et de marbre''. Corneille, prompt à sentir la grandeur et l’héroïsme, avait puisé largement à ces sources fécondes. Mais en France, où l’on n’est d’ordinaire curieux des voisins que par accès et par mode, on était passé vite, à l’égard de la littérature espagnole, d’un enthousiasme exagéré à une indifférence injuste. Il fallait le génie de Lesage pour faire souvenir le XVIIIe siècle de ''Salamanque ; je ne parle pas de ''Gonzalve de Cordoue'', fort innocemment défiguré par Florian : cet essai n’était guère de nature à nous intéresser, une fois sortis du collège, aux chevaliers et aux Arabes de la Péninsule. Depuis, la poésie du romancero a eu ses retours. M. de Châteaubriand