« Chronique de la quinzaine - 28 février 1839 » : différence entre les versions

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Le mot d'ordre a été donné dans tous les rangs de la coalition. Plus les élections approchent, plus elle vent la paix. ''Le Constitutionnel'' répète aujourd'hui trente fois le mot de ''paix'' dans ses colonnes. Ceci ne prouve pas que la politique de l'opposition est devenue tout à coup pacifique, mais il en résulte évidemment que les voeuxvœux de la majorité des électeurs sont pour le maintien de la paix. L'opposition a donc renoncé, pour le moment, à attaquer les traités, même celui des 24 articles; et, depuis deux jours, elle semble s'être rangée à la politique du gouvernement, tant elle affecte la modération dans ses principes. Des armes qu'elle employait pour combattre le ministère, il ne reste à la coalition que la calomnie, et elle en use largement. Ainsi, elle annonce aujourd'hui que le ministère actuel se joint aux puissances du Nord, pour imposer au gouvernement belge l'expulsion du général Skrzynecki; et, pour motiver cette accusation, ''le Constitutionnel'' ajoute : « Tout est croyable aujourd'hui. » Ce qui n'est pas croyable, c'est l'audace avec laquelle on se sert du mensonge, car nous sommes en mesure d'affirmer que le gouvernement n'a pas fait la moindre représentation au gouvernement belge au sujet du général Skrzynecki. Les journaux de la coalition ne continueront pas moins de répéter cette nouvelle, car tout est croyable et bon à dire dans une semaine d'élections.
 
- Ce qui est peu croyable, c'est ce qui se passe aujourd'hui dans la coalition, où l'on colporte une lettre de M. Portalis à un électeur de Dijon, dans laquelle M. Thiers et M. Guizot sont traités en termes que nous ne voudrions pas reproduire, et que leurs adversaires eux-mêmes répudieraient. Si c'est là le style de l'opposition que M. Portalis et ses amis préparent au ministère qui sortira de la coalition, nous sommes encore bien éloignés de la pacification des partis et de la tranquillité intérieure que nous promet le constitutionnel, pour l'époque où ses amis seront ministres. La seule phrase qu'il soit possible de citer, et non textuellement encore, dans la lettre de M. Portalis, est celle-ci : « Que M. Thiers et M. Guizot travaillent ''pour nous'' comme des preux, à la bonne heure, ils recevront peut-être le prix de leurs efforts… Le parti radical a tort de dire que M. Thiers travaille pour lui en ce moment; nous l'avons déjà dit depuis long-temps, M. Thiers travaille, bien malgré lui sans doute, pour les doctrinaires.
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- Hier, M. Arago et M. Laffitte s'étaient transportés dans le 6e arrondissement, pour y faire leurs fonctions de parrains électoraux. Là, les amis de la liberté individuelle ont expulsé de l'assemblée des électeurs de l'arrondissement qui s'opposaient à l'audition de MM. Laffitte et Arago, qui n'en font pas partie. Il est vrai qu'il s'agissait d'appuyer M. Carnot, qui déclare trouver dans le ministère actuel l'imbécillité du ministère Polignac, qui demande la réforme électorale et l'abolition des lois de septembre. Cette fois, M. Arago a pu dire qu'il n'agissait pas comme membre de la coalition, et en effet il ne venait pas appuyer une opinion plus modérée que la sienne. M. Carnot veut tout ce que veut M. Arago; aussi, au lieu de laisser son protégé répondre à ceux qui l'interrogeaient sur Ancône et sur la Belgique, M. Arago a préféré raconter aux électeurs quelques historiettes touchant Latour-d'Auvergne, Carnot père, et d'autres héros de la révolution et de l'empire. Ceci nous rappelle que M. Arago, professant un jour l'astronomie devant des dames et voyant qu'on ne l'écoutait pas, se mit à leur enseigner l'art de faire des confitures. M. Arago est universel; il n'y a que l'art de faire un député qu'il n'entend pas très bien.
 
- Toutes les lettres des départemens s'accordent à présenter les élections comme généralement favorables aux 221 et au système qu'ils ont appuyé. Dans beaucoup de localités, les 213 ne sont parvenus à retrouver les suffrages des électeurs qu'en reniant la coalition, comme ont fait M. Legentil, M. Garnon, M. Cochin et M. Arago, et en essuyant avec soumission les reproches les plus sévères. Malheureusement, les électeurs s'abusent, s'ils croient à la conversion des députés qui ont fait partie de la coalition, et qui souvent, après en avoir été les meneurs les plus actifs, comme M. Vitet et d'autres, vont faire amende honorable dans les départemens. Toutefois, leurs manifestations ne seront pas aussi publiques qu'elles l'ont été, et ils seront forcés de se réfugier dans le mystère du scrutin secret. Le mieux serait de n'envoyer à la chambre que des hommes qui n'ont pas à revenir sur leurs pas pour se conformer aux voeuxvœux des électeurs. Un député qui s'allie secrètement à des opinions et à des principes contraires aux siens, ne sera jamais un député loyal; la franchise des électeurs qui les nommeront, sera bien mal représentée par de tels mandataires.
 
- Dans la réunion des électeurs du 2e arrondissement, M. Laffitte a comparé son ministère au ministère actuel, et tout naturellement l'avantage a été pour le ministère de M. Laffitte. Comparons un peu. M. Laffitte, en prenant le ministère au 2 novembre, augmenta en peu de jours, par sa faiblesse, l'irritation des partis, et la porta au point où la trouva M. Périer, quand il vint au 13 mars sauver la France. Au milieu du désordre matériel, M. Laffitte imagina de bouleverser l'impôt par une loi fiscale qui ne put être mise à exécution, et en attendant, il appauvrit le revenu public de 30 millions par une loi sur les boissons qui ne profita à personne. Il laissa se former l'association nationale et d'autres comités qui érigèrent l'anarchie en principe. Abandonnant la politique énergique de M. Molé, qui avait opposé aux puissances étrangères le principe de non-intervention, il laissa envahir l'Italie, sans oser s'opposer même par une note aux troupes autrichiennes. Par une simple ordonnance, rendue en présence des chambres et sans leur concours, il dessaisit, au profit de la maison Laffitte, le trésor public d'une somme de 4,848,904 fr 65 cent. sur l'indemnité d'Haïti, tranchant ainsi une question personnelle qu'il eût été de son devoir de faire décider d'abord parlementairement. Enfin, en abandonnant le ministère des finances au baron Louis, il ne laissa le service public du trésor assuré que pour quatorze jours, à l'issue desquels la banqueroute attendait les créanciers de l'état. Le ministère actuel a donné l'amnistie, il a fait cesser les attentats contre la vie du roi, il a pris Constantine, Saint-Jean d'Ulloa; il a doté la France d'un immense système de canalisation, et, malgré l'opposition, de chemins de fer; il a obtenu d'Haïti une indemnité considérable, tandis que M. Laffitte a profité personnellement de l'indemnité obtenue par d'autres; enfin, lors de sa démission, il a présenté un budget où figure un immense accroissement de recettes. On voit que la comparaison est tout-à-fait heureuse entre le ministère du 2 novembre et celui du 15 avril, et M. Laffitte a été vraiment habile en parlant avec orgueil du temps où il était au pouvoir !