« Armance/Chapitre XXX » : différence entre les versions
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Il s'enfonça rapidement sous une allée de tilleuls pour pouvoir la lire sans être interrompu. Il vit par les premières ligues que cette lettre était écrite pour Mlle Méry de Tersan (c'était la lettre composée par le commandeur). Mais les premières lignes l'avaient tellement inquiété qu'il continua et lut: "Je ne sais comment répondre à tes reproches. Tu as raison, ma bonne amie, je suis folle de me plaindre. Cet arrangement est sous tous les rapports bien au-dessus de ce que pouvait espérer une pauvre fille riche de la veille, et sans famille pour l'établir et la protéger. C'est un homme d'esprit et de la plus haute vertu: peut-être en a-t-il trop pour moi. Te l'avouerai-je? les temps sont bien changés; ce qui eût comblé ma félicité il y a quelques mois n'est plus qu'un devoir; le ciel m'a-t-il refusé la faculté d'aimer constamment? Je termine un arrangement raisonnable et avantageux, je me le dis sans cesse, mais mon
Octave resta frappé d'horreur. Tout à coup il se réveilla comme d'un songe, et courut reprendre la lettre qu'il venait de déposer dans la caisse d'oranger: il la déchira avec rage, et mit les fragments dans sa poche.
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Ce fut dans ces sentiments qu'Octave entra chez sa mère où il trouva Armance qui parlait de lui et songeait à son prochain retour; bientôt elle fut aussi pâle et presque aussi malheureuse que lui, et cependant il venait de dire à sa mère qu'il ne pouvait supporter les délais qui retardaient son mariage. -"Bien des gens voudraient troubler mon bonheur, avait-il ajouté; j'en ai la certitude. Quel besoin avons-nous de tant de préparatifs? Armance est plus riche que moi, et. il n'est pas probable que des robes ou des bijoux lui manquent jamais. J'ose espérer qu'avant la fin de la seconde année de notre union elle sera gaie, heureuse, jouissant de tous les plaisirs de Paris, et qu'elle ne se repentira jamais de la démarche qu'elle va faire. Je pense que jamais elle ne sera claquemurée à la campagne dans quelque vieux château".
Il y avait quelque chose de si étrange dans le son des paroles d'Octave, et de si peu d'accord avec le
Fort mécontent de ne pas savoir jouer le bonheur, Octave sortit brusquement. La résolution de terminer son mariage par la mort donnait à ses manières quelque chose de sec et de cruel.
Après avoir pleuré avec Armance de ce qu'elle appelait la folie de son fils, Mme de Malivert conclut que la solitude ne valait rien à un caractère naturellement sombre. - "L'aimes-tu toujours malgré ce défaut dont il est le premier à souffrir? dit Mme de Malivert; consulte ton
Le lendemain, de grand matin, Octave vint à Paris, et dépensa, une somme fort considérable, à peu près les deux tiers de tout ce dont il pouvait disposer, pour acheter des bijoux de grand prix qu'il fit placer dans la corbeille de mariage.
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Octave n'en avait aucune. Son parti était arrêté, et pour les âmes fermes, quelque dur que soit le parti pris, il dispense de réfléchir sur son sort et ne demande plus que le courage d'exécuter exactement; et c'est peu de chose.
Ce qui frappait le plus Octave, quand les préparatifs nécessaires et les soins de tout genre le laissaient à lui-même, c'était un long étonnement: Quoi! Mlle de Zohiloff n'était plus rien pour lui! Il s'était tellement accoutumé à croire fermement à l'éternité de son amour et de leur liaison intime, qu'à chaque instant il oubliait que tout était changé, il ne pouvait se figurer la vie sans Armance. Chaque matin presque, il avait besoin à son réveil de s'apprendre son malheur. Il y avait un moment cruel. Mais bientôt l'idée de la mort venait le consoler et rendre le calme à son
Toutefois, vers la fin de cet intervalle de dix jours, l'extrême tendresse d'Armance lui donna quelques moments de faiblesse. Dans leurs promenades solitaires, se croyant autorisée par leur mariage si prochain, Armance se permit une ou deux fois de prendre la main d'Octave qu'il avait fort belle, et de la porter à ses lèvres. Ce redoublement de soins tendres qu'Octave remarqua fort bien et auquel, malgré lui, il était extrêmement sensible, rendit souvent vive et poignante une douleur qu'il croyait avoir surmontée.
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