« Consuelo/Chapitre LXXX » : différence entre les versions

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— Nous déjeunerons aussi lentement qu’il vous plaira, monsieur le chanoine, répondit Consuelo, et nous n’irons pas voir la malade ; elle n’a plus besoin de nous, et nous n’aurons jamais besoin de ses présents.
 
— Singulier enfant ! dit le chanoine émerveillé. Ton désintéressement romanesque, ta générosité enthousiaste,{{tiret|enthou|siaste}}
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, me gagnent le cœur à tel point, que jamais, je le sens, je ne pourrai consentir à me séparer de toi… »
 
Consuelo sourit, et l’on se mit à table. Le repas fut exquis et dura bien deux heures ; mais le dessert fut autre que le chanoine ne s’y attendait.
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bien ce qu’elle disait hier, en prétendant que certaines gens étaient jaloux de ma position, et travaillaient à me la faire perdre. Je tiens mes bénéfices de la protection de feu l’empereur Charles, qui a bien voulu me servir de patron pour me les faire obtenir. L’impératrice Marie-Thérèse m’a protégé aussi pour me faire passer jubilaire avant l’âge. Eh bien, ce que nous croyons tenir de l’Église ne nous est jamais assuré absolument. Au-dessus de nous, au-dessus des souverains qui nous favorisent, nous avons toujours un maître, c’est l’Église. Comme elle nous déclare capables quand il lui plaît, alors même que nous ne le sommes pas, elle nous déclare incapables quand il lui convient, alors même que nous lui avons rendu les plus grands services. L’ordinaire, c’est-à-dire l’évêque diocésain, et son conseil, si on les indispose et si on les irrite contre nous, peuvent nous accuser, nous traduire à leur barre, nous juger et nous dépouiller, sous prétexte d’inconduite, d’irrégularité de moeurs ou d’exemples scandaleux, afin de reporter sur de nouvelles créatures les dons qu’ils s’étaient laissé arracher pour nous. Le ciel m’est témoin que ma vie est aussi pure que celle de cet enfant qui est né hier. Eh bien, sans une extrême prudence dans toutes mes relations, ma vertu n’eût pas suffi à me défendre des mauvaises interprétations. Je ne suis pas très courtisan envers les prélats ; mon indolence, et un peu l’orgueil de ma naissance peut-être, m’en ont toujours empêché. J’ai des envieux dans le chapitre…
 
— Mais vous avez pour vous Marie-Thérèse, qui est une grande âme, une noble femme et une tendre mère, reprit Consuelo. Si elle était là pour vous juger, et que vous vinssiez à lui dire avec l’accent de la vérité, que la vérité seule peut avoir : “Reine, j’ai balancé un instant entre la crainte de donner des armes à mes ennemis et,
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le besoin de pratiquer la première vertu de mon état, la charité ; j’ai vu d’un côté des calomnies, des intrigues auxquelles je pouvais succomber, de l’autre un pauvre être abandonné du ciel et des hommes, qui n’avait de refuge, que dans ma pitié, et d’avenir que dans ma sollicitude ; et j’ai choisi de risquer ma réputation, mon repos et ma fortune, pour faire les œuvres de la foi et de la miséricorde.” Ah ! je n’en doute pas, si vous disiez cela à Marie-Thérèse, Marie-Thérèse, qui peut tout, au lieu d’un prieuré, vous donnerait un palais, et au lieu d’un canonicat un évêché. N’a-t-elle pas comblé d’honneurs et de richesses l’abbé Metastasio pour avoir fait des rimes ? que ne ferait-elle pas pour la vertu, si elle récompense ainsi le talent ? Allons, mon révérend, vous garderez cette pauvre Angiolina dans votre maison ; votre jardinière la nourrira, et plus tard vous l’élèverez dans la religion et dans la vertu. Sa mère en eût fait un démon pour l’enfer, et vous en ferez un ange pour le ciel !
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— De l’or pour payer ma vertu et la bonté de mon cœur ! s’écria Consuelo en repoussant la bourse avec dégoût. Et l’or de la Corilla ! le prix du mensonge, de la
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=== no match ===
prostitution peut-être ! Ah ! monsieur le chanoine, cela souille même la vue ! Distribuez-le aux pauvres, cela portera bonheur à notre pauvre Angèle. »