« Consuelo/Chapitre LVII » : différence entre les versions

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L’indignation a fait place à la pitié, et l’oubli de vos torts est venu avec l’oubli de mes souffrances. Nous n’avons plus rien à nous dire. Je vous remercie du bon mouvement qui vous a fait interrompre votre voyage pour vous réconcilier avec moi. Votre pardon vous était accordé d’avance, vous le voyez. Adieu donc, et reprenez votre chemin.
 
— Moi, partir ! te quitter, te perdre encore ! s’écria Anzoleto véritablement effrayé. Non, j’aime mieux que tu m’ordonnes tout de suite de me tuer. Non, jamais je ne me résoudrai à vivre sans toi. Je ne le peux pas, Consuelo. Je l’ai essayé, et je sais que c’est inutile. Là où tu n’es pas, il n’y a rien pour moi. Ma détestable ambition, ma misérable vanité, auxquelles j’ai voulu en vain sacrifier mon amour, font mon supplice, et ne me donnent pas un instant de plaisir. Ton image me suit partout ; le souvenir de notre bonheur si pur, si chaste, si délicieux (et où pourrais-tu en retrouver un semblable toi-même ?) est toujours devant mes yeux ; toutes les chimères dont je veux m’entourer me causent le plus profond dégoût. Ô Consuelo ! souviens-toi de nos belles nuits de Venise, de notre bateau, de nos étoiles, de nos chants interminables, de tes bonnes leçons et de nos longs baisers ! Et de
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de ton petit lit, où j’ai dormi seul, toi disant ton rosaire sur la terrasse ! Est-ce que je ne t’aimais pas alors ? Est-ce que l’homme qui t’a toujours respectée, même durant ton sommeil, enfermé tête à tête avec toi, n’est pas capable d’aimer ? Si j’ai été infâme avec les autres, est-ce que je n’ai pas été un ange auprès de toi ? Et Dieu sait s’il m’en coûtait ! Oh ! n’oublie donc pas tout cela ! Tu disais m’aimer tant, et tu l’as oublié ! Et moi, qui suis un ingrat, un monstre, un lâche, je n’ai pas pu l’oublier un seul instant ! et je n’y veux pas renoncer, quoique tu y renonces sans regret et sans effort ! Mais tu ne m’as jamais aimé, quoique tu fusses une sainte ; et moi je t’adore, quoique je sois un démon.
 
— Il est possible, répondit Consuelo, frappée de l’accent de vérité qui avait accompagné ces paroles, que vous ayez un regret sincère de ce bonheur perdu et souillé par vous. C’est une punition que vous devez accepter, et que je ne dois pas vous empêcher de subir. Le bonheur vous a corrompu, Anzoleto. Il faut qu’un peu de souffrance vous purifie. Allez, et souvenez-vous de moi, si cette amertume vous est salutaire. Sinon, oubliez-moi, comme je vous oublie, moi qui n’ai rien à expier ni à réparer.