« Actes et paroles/Depuis l’exil/Fin » : différence entre les versions
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ans. Après avoir été riche dans son enfance, il est devenu pauvre
dans sa jeunesse; il a habité des palais de passage, à présent il est
presque dans un grenier. Son père a été un vainqueur de
est maintenant un brigand de la Loire. Chute, ruine, pauvreté. Cet
homme, qui a vingt ans, trouve cela tout simple, et travaille.
Travailler, cela fait
famille; il lui en vient une. Le voilà avec des enfants. Il prend au
sérieux toute cette aurore. La mère nourrit
la mère. Plus de bonheur demande plus de travail. Il passait les
jours à la besogne, il y passera les nuits.
importe. Un travail quelconque.
Sa vie est rude, mais douce. Le soir, avant de se mettre à
riant, chantant, bégayant, jouant. Ils sont quatre, deux garçons et
deux filles.
Les années passent, les enfants grandissent,
travail un peu
dans de la verdure, aux Champs-Élysées. Il reçoit là des visites de
quelques travailleurs pauvres comme lui,
Béranger,
appelé Chateaubriand. Il vit dans cette retraite, rêveur,
que les Champs-Élysées sont une solitude, destiné pourtant à la vraie
solitude plus tard.
arbres et lui, il y a les oiseaux; entre les hommes et lui, il y a les
enfants.
La mère leur apprend à lire; lui, il leur apprend à écrire.
Quelquefois il écrit en même temps
alphabets et des jambages, lui autre chose; et, pendant
lentement et gravement des jambages et des alphabets, il expédie une
page rapide. Un jour, le plus jeune des deux garçons, qui a quatre
ans,
quand on a de grosses mains, on écrit tout petit.
Au père maître
à mêler au collège la famille, estimant
adolescents soient le plus longtemps possible des enfants. Arrive,
pour ces petits à leur tour, la vingtième année; le père alors
plus
commençante fraternisent, ce qui adoucit la mélancolie de
tempère
Ces enfants deviennent des hommes; et alors il se trouve que ce sont
des esprits.
progrès veut des intelligences de deux sortes, les fortes et les
douces: le premier ressemble plus à
Leur père ne
et, en effet, comme on vient de le dire, il les sent frères autant que
fils.
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Eux aussi, comme a fait leur père, ils prennent leur jeunesse avec
probité, et, voyant leur père travailler, ils travaillent. A quoi?
A leur siècle. Ils travaillent à
à
vérité, à la liberté. Leurs premiers travaux sont récompensés; ils
sont décorés de bonne heure,
combattu
pays voisin, il est
qui organise des bandes chargées des assauts nocturnes aux partisans
du droit
réussit comme ministre; et celui
1851, pour mettre à la raison ceux qui défendent les vaincus et les
proscrits, on
se contentait de la prison. Les mœurs des gouvernements diffèrent.
Les deux jeunes hommes vont en prison; ils y sont ensemble; le père
Cependant son tour vient à lui aussi. Il est forcé de
de France, pour des causes qui, si elles étaient rappelées ici,
troubleraient le calme de ces pages. Dans la grande chute de tout,
qui survient alors, le commencement
parte. Il part. Il
la neige, bon apprentissage pour une âme, à cause de la ressemblance
de
utilement au ciel sombre; cela trempe un cœur pour
la mer. Au moment où il sort de France, ses fils sortent de prison,
coïncidence heureuse, de façon
partagé leur cellule, ils partagent sa solitude.
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On vit ainsi. Les années passent. Que font-ils pendant ce temps-là?
Une chose simple, leur devoir. De quoi se compose pour eux le devoir?
de ceci: Persister.
glorifier, la défendre; vivre pour elle et loin
souffrir.
Servir la patrie est une moitié du devoir, servir
tout entier, ne le fait pas, telle est la jalousie de la conscience.
Comment servent-ils
Ils ont une mère, ils la vénèrent; ils ont une sœur morte, ils la
pleurent; ils ont une sœur vivante, ils
proscrit, ils
heures où cela est lourd. Ils ont des compagnons
se font leurs frères; et à ceux qui
montrent du doigt
hommes. Il y a parfois dans ce groupe intrépide de vaincus des
instants de poignante angoisse. On en voit un qui se dresse la nuit
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pour saigner. Ces deux jeunes bannis sont fermes et simples. Dans ces
ténèbres, ils brillent; dans cette nostalgie, ils persévèrent; dans ce
désespoir, ils chantent. Pendant
des français et des anglais, vit dans sa demeure triomphale, baisé
des reines, vainqueur, tout-puissant et lugubre, eux, dans la maison
de la minute a la tristesse de la prospérité misérable; eux, ils ont
la joie du sacrifice. Ils ne sont pas abandonnés
la grande âme douce; Ribeyrolles, le vaillant cœur. Ces deux frères
sont dignes de ces fiers hommes-là. Aucune sérénité
leur; que la destinée fasse ce
héroïque des consciences heureuses.
leur part de
âmes la plaie rongeante que fait le bannissement. Plus la patrie est
absente, plus elle est présente, hélas! Ils sont les points
ceux qui chancellent; ils déconseillent les concessions que le mal du
pays pourrait suggérer à quelques pauvres êtres désorientés. En même
temps, ils répugnent à
arrive un jour
cette famille
ces probités indignées se soulèvent, on veut tuer le misérable, les
deux frères lui sauvent la vie. Qui use du droit de souffrance peut
user du droit de clémence. Autour
ont la foi, la vraie, celle qui se communique. De là, une certaine
autorité mêlée à leur jeunesse. Le proscrit pour la vérité est un
honnête homme dans
honnêteté-là. Toute défaillance à côté
offrent leur robuste épaule à tous les accablements. Toujours debout
sur le haut de
regard tranquille, ils font le signal
une lueur poindre à
répandent dans cette obscurité on ne sait quelle clarté
silencieusement remerciés par la douceur sinistre des résignés.
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En même temps
la loi du travail.
sagace peinture et
émotion vraie,
jeune homme est tout simplement un grand écrivain. Comme tous les
puissants et abondants esprits, il produit vite, mais il couve
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préméditation que recommande Horace, et qui est la source des
improvisations durables. Son début dans le conte visionnaire (1856)
est un chef-
magnifique envergure de ce jeune esprit, il eût pu en même temps le
dédier à Dante. Il a
Son début au théâtre (1859) est un chef-
chef-
inoubliable, comédie légère et forte qui a la fragilité apparente des
choses ailées.
Ce jeune homme, pour qui le voit de près, semble toujours au repos, et
il est toujours en travail.
il a autant de facultés
dans les mêlées de la polémique,
ces trois régions, il est chez lui.
Toute son œuvre est mêlée,
des intelligences planantes, lesquelles voient tout
de cloison dans cet esprit; ou rien que des cloisons apparentes. Ses
romans sont des tragédies; ses comédies sont des élégies, et elles
sont tristes, ce qui ne les empêche pas
la raillerie dans la mélancolie et de la colère dans le sarcasme,
qui, de tout temps,
caractérisé
est fait comme ces grands hommes. Il médite, et sourit; il médite,
et
Pour ces causes et pour
cet imprévu qui est la vie.
souverain secret des écrivains supérieurs. On ne sait pas assez ce que
contient aussi nécessairement la pensée que le fruit contient la sève.
style
le langage fait verbe. Otez le style, Virgile
curieux: «les stylistes». Il y a une trentaine
imbécile de critiques, oubliée
pour insulter le style, et
forma , la beauté. La Vénus hottentote dit à la Vénus de Milo: Tu
Les œuvres succèdent aux œuvres; après la Bohême dorée, la Famille
tragique ; créations composées de divination et
à
serre.
Toutes ces qualités, style, émotion, bonté
dignité
un grand livre, les Hommes de
politique, pourquoi? parce que
dit littérature , dit humanité . Ce livre, les Hommes de
est une protestation et un défi; protestation soumise à Dieu, défi
jeté aux tyrans.
martyrs sont divers, le martyre est un;
non. Cette sévère peinture restera. Ce livre austère et tragique
est un livre
probité, pour la souffrance, pour le malheur, pour la grandeur; de là
une haine profonde contre ce qui est vil, lâche, injuste et bas. Ce
livre est implacable; pourquoi? parce
Partout la justice, et partout la pitié; la belle âme exprimée par le
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la philosophie.
Insistons sur cette philosophie.
profondes une sagesse
Ce jeune homme, dans le désert de Jersey et dans le crépuscule de
Guernesey, est, comme les autres solitaires pensifs qui
atteint par cette sagesse. Une intuition presque visionnaire donne à
plusieurs de ses ouvrages, comme à
même groupe, une portée singulière; chose
souligner, ce qui préoccupe ce jeune esprit,
aussi les vieux; à ce commencement de la vie où il semble
droit
inquiète ce penseur, lumineux et serein
attendri, ce qui
du destin;
bêtes, plantes, de ce
végétal; il lui semble voir là des déshérités; il se penche vers eux;
il constate
il se demande qui les a chassés dans cette ombre, et il oublie, en
se courbant sur ces bannis,
commisération, fraternité de
noble augmentation de
la création. Les vivants
mystérieux; les inférieurs.
vous trouverez au fond la vérité. Seulement, les religions interposées
la défigurent par leur grossissement. Toute vie infernale, étant
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Ces deux frères sont comme le complément
le rayonnant, le plus jeune est
celle
et rien
content. Ce jeune exilé volontaire conserve, dans le désert où
est pour jamais peut-être, les élégances de sa vie passée, et en même
temps il se met à la tâche; il veut construire, et il construit un
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temps; ses habitudes sont à la fois parisiennes et monacales. Il
habite une chambre encombrée de livres. Au point du jour il entend
marcher au-dessus de sa tête, sur le toit de la maison,
travaille;
travaille aussi. Ce
Shakespeare; entreprise considérable. Il traduit Shakespeare; il
degré par degré dans la roche et dans le glacier on ne sait quel
vertigineux escalier qui aboutit à cette cime. On a bien raison
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même façon Homère, Eschyle, Isaïe et Dante. En attendant, il tient
Shakespeare. Conquête illustre à faire. Introduire Shakespeare en
France, quel vaste devoir! Ce devoir, il
faite au nom de la France au grand homme de
que ce grand homme de
humain tout entier, et que servir cette gloire,
civilisation même; il sait
peut être ni interrompue ni abandonnée; il sait
ans; il sait que
cloître, et que
il y consent, et, de même
Sa récompense,
et, en effet, voilà Shakespeare traduit. Il a renouvelé
combat nocturne de Jacob; il ajouté avec
pas plié. Il est
nécessaire de superposer à cet anglais du seizième siècle le français
du dix-neuvième, sorte de corps à corps des deux idiomes; la plus
redoutable aventure où puisse se hasarder un traducteur: ce jeune
homme a eu cette audace. Ce
Il importait de ne rien perdre de
Shakespeare la langue française, et il a réussi à faire passer, à
travers
Pour cela, il a dû dépenser, à chaque phrase, à chaque vers, presque à
chaque mot, une inépuisable invention de style. Pour une telle œuvre,
il faut que le traducteur soit créateur. Il
Un écrivain qui prouve son originalité par une traduction,
étrange et rare. Traduire ne lui suffit pas. Il bâtit autour de
Shakespeare, comme des contreforts autour
œuvre à lui, œuvre de philosophie, de critique,
linguiste, artiste, grammairien, érudit. Il est docte et alerte;
toujours savant, jamais pédant. Il accumule et coordonne les
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Et
don de Shakespeare. Les vrais traducteurs ont cette puissance
singulière
dérober ce
Cette longue incubation se fait sans
Aucune solution de continuité, pas de relâche, aucune lacune, aucune
concession à la fatigue, toutes les aurores ramènent la besogne;
nulla dies sine linea ;
esprits.
elle-même reposante. Aucun autre repos
homme le comprend ainsi; il ne quitte jamais sa tâche; il
chaque matin dès
quand,
deux de leur travail, son père et lui, ils échangent un doux sourire.
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pensée; telle est la vie de ces hommes. Pour horizon le brouillard
des flots et des événements, pour musique le vent de tempête, pour
spectacle la mobilité
infini, le ciel. On est des naufragés, on regarde les abîmes. Tout a
sombré, hors la conscience; navire dont il ne reste que la boussole.
Dans cette famille personne
resserrent de plus en plus leur étroit embrassement.
Il est probable
chacun
intermittences, le soir, aux réunions de famille, aux promenades sur
la plage, ils parlent. De quoi? de quoi peuvent parler des proscrits,
si ce
ont toutes les grandes convictions, ce qui leur donne toutes les
grandes certitudes. On a agi de son mieux; on a fait ce
quelle récompense veut-on? Une seule. Revoir la patrie. Eh bien, on la
reverra. Comme on y était heureux, et comme on y sera heureux encore!
Certes,
parlent ces bannis. La causerie finie, on se remet au travail. Toutes
les journées se ressemblent. Cela dure dix-neuf ans. Au bout de
dix-neuf ans
sont attendus en effet, eux par la tombe, lui par la haine.
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Qui pourrait songer à la France autrement que reconnaissant et
attendri? Et pour cet homme-là, pour ce père,
journées inoubliables, le 5 septembre 1870, le 18 mars 1871, le 28
décembre 1873! Le 5 septembre 1870, il rentra dans la patrie, la
France; le 18 mars 1871, le 28 décembre 1873, ses fils rentrèrent,
rentrées, tu vins de toutes parts faire cortége, ô immense peuple de
Paris! Tu y vins tendre, ému, magnanime, avec ce profond murmure des
foules qui ressemble parfois au bercement des mères. Depuis ces trois
jours ineffaçables, y a-t-il eu quelque part,
régions quelconques, de la calomnie, de
se peut, mais pourquoi pas? et à qui cela fait-il du mal? à ceux qui
haïssent peut-être. Plaignons-les. Le peuple est grand et bon. Le
reste
majestueusement ami et paisible! Se plaindre de la patrie, lui
reprocher quoi que ce soit, non, non, non! Même ceux qui meurent par
elle vivent par elle.
Quant à vous, Dieu, que vous dire? Est-ce que vous
Est-ce que nous nous connaissons, ô mystère! Éternel Dieu, vous faites
tourner sur ses gonds la porte de la tombe, et vous savez pourquoi.
Nous faisons la fosse, et vous ce qui est au delà. Au trou dans la
terre
du sépulcre comme nous du creuset, et,
dans le creuset, ni
maniez la destinée humaine; vous abrégez la jeunesse, vous prolongez
la vieillesse; vous avez vos raisons. Dans notre crépuscule, nous
qui sommes le relatif, nous nous heurtons à tâtons à vous qui êtes
rencontre obscure de vos lois. Vous êtes calomnié vous aussi; les
religions vous appellent jaloux, colère, vengeur; par moments elles
plaident vos circonstances atténuantes; voilà ce que font les
religions. La religion vous vénère. Aussi la religion a-t-elle pour
ennemies les religions. Les religions croient
croit le vrai. Dans les pagodes, dans les mosquées, dans les
synagogues, du haut des chaires et au nom des dogmes, on vous
conseille, on vous exhorte, on vous interprète, on vous qualifie; les
prêtres se font vos juges, les sages non. Les sages vous acceptent.
Accepter Dieu,
propres dimensions nous échappent à nous-mêmes. Vous les connaissez,
vous; vous avez la mesure de tout et de tous. Les lois de percussion
sont diverses. Tel homme est frappé plus souvent que les autres; il
semble
pourquoi. Nous ne voyons que des raccourcis; vous seul connaissez les
proportions véritables. Tout se retrouvera plus tard. Chaque chiffre
aura son total. Vivre ne donne sur la terre pas
mourir, mais mourir donne tous les droits. Que
devoir, Dieu fera le sien. Nous sommes à la fois vos débiteurs et vos
créanciers; relation naturelle des fils au père. Nous savons que nous
venons de vous; nous sentons confusément, mais sûrement, le point
soleil, notre immortalité a conscience de votre éternité. Elles se
prouvent
juste puisque vous êtes; et que ni le mal ni la mort
ne pouvez pas être autre chose que la bonté au haut de la vie et la
clarté au fond du ciel. Nous ne pouvons pas plus vous nier que nous
ne pouvons nier
universelle,
est la chaleur de votre clarté; votre vérité est le rayon de votre
amour.
comprendre. Il travaille, souffre, aime, pleure et espère à travers
cela. Devant vous, abaisser nos fronts,
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Pas de plainte donc. Nous
permise à cet immense ignorant qui est
étonnement, comment le réserver pour soi quand la France le réclame?
Comment songer aux douleurs privées en présence de
publique? Une telle patrie prend toute la place. Que chacun ait
sa blessure à lui, soit, mais
saignant de notre mère. Ah! quels songes on faisait! On était mis hors
la loi, expulsé, banni, rebanni, proscrit, reproscrit; tel homme qui a
des cheveux blancs a été chassé quatre fois,
de Belgique, puis de Jersey, puis de Belgique encore; eh bien, quoi?
on était des exilés. On souriait. On disait: Oui, mais la France!
La France est là, toujours grande, toujours belle, toujours adorée,
toujours France! Il y a un voile entre elle et nous, mais un de ces
jours
lumineuse, la France reparaîtra! La France reparaîtra, quel
éblouissement! Dans sa splendeur, dans sa gloire, dans sa majesté
fraternelle aux nations, avec toute sa couronne comme une reine, avec
toute son auréole comme une déesse, puissante et libre, puissante
pour protéger, libre pour délivrer! Voilà ce qui est triste,
de
patrie a été foulée aux pieds par cette sauvage, la guerre étrangère,
et par cette folle, la guerre civile;
civilisation et de supprimer le chef-lieu du monde;
les deux crèches sacrées de la Révolution, les Tuileries, nid de la
Convention,
présence des prussiens pour jeter bas la colonne
ajouté cette joie. On a tué des vieillards, on a tué des femmes, on
a tué des petits enfants. On a été des gens ivres qui ne savent
ce
pêle-mêle, et à demi morts, le juste et
le bien et le mal. On a voulu abattre cette géante, Paris; on a voulu
ressusciter ce fantôme, Versailles. On a eu des incendies dignes
Personne et tout le monde; ces deux exécrables anonymes, la guerre
étrangère et la guerre civile; les barbares, qui en sont venus aux
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conscience humaine, sans pouvoir dire pourquoi, sans rien comprendre,
sinon que le vent qui passe les avait mis en colère. Attentats des
ignorants. Aussi bien des ignorants
bas. Attentats des innocents aussi, car
Férocités farouches. Qui plaindre? les vaincus et les vainqueurs. Oh!
voir à terre, gisant, inerte, souffleté, le cadavre de notre gloire!
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artères sont ouvertes. Nous sommes saignés aux quatre veines de notre
honneur. Pourtant nos soldats ont été héroïques, et certes le seront
encore. Mais quels désastres! Rien
vieilles calamités de Ninive, de Thèbes et
Personne qui
travers tout cela, aggravation lugubre, il vous vient par moments
cette pensée poignante
puis au bagne, pour un article de journal. O pauvres hommes! éternelle
pitié! fanatismes contre fanatismes. Hélas! fanatiques, nous le sommes
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heure, que voit-on? La joie des rois assis comme des bourreaux sur un
démembrement. Après les écartèlements, cela se fait; et Charlot, avant
de les jeter au bûcher,
lamentables tronçons de Damiens, comme Guillaume sur
Lorraine. Guillaume, du reste,
bourreaux sont innocents; les responsables sont les juges;
dira quels ont été, dans
France. Ils ont fait une paix pleine de guerre. Ah! les infortunés! A
cette heure, ils règnent, ils sont princes, et se croient maîtres.
Ils sont heureux de tout le bonheur que peut donner une tranquillité
violente; ils ont la gloire
invulnérables, ils sont cuirassés de toute-puissance et de néant; ils
préparent, au milieu des fêtes, dans la splendeur de leur imbécillité
souveraine, la dévastation de
majesté à eux-mêmes, et ils en rient; ils se croient de bons tueurs,
et pensent avoir réussi; ils se figurent que
dynasties en ont fini avec les peuples; ils
genre humain est décidément coupée, que la civilisation se résignera
à cette décapitation, qu!est-ce que Paris de plus ou de moins? Ils se
persuadent que Metz et Strasbourg deviendront de
prescription pour ce vol, que nous en prendrons notre parti, que la
nation-chef sera paisiblement la nation-serve, que nous descendrons
plus ni bras, ni mains, ni cerveau, ni entrailles, ni cœur, ni
esprit, ni sabre au côté, ni sang dans les veines, ni crachat dans la
bouche, que nous sommes des idiots et des infâmes, et que la France,
qui a rendu
à la Grèce, ne saura pas rendre la France à la France.
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Et cependant la nuée monte; elle monte, pareille à la mystérieuse
colonne conductrice, noire sur
lentement
les enfants la saluent. Une funeste inclémence germe. Les rancunes
couvent les représailles; les plus doux se sentent confusément
Ligne 589 :
de saison; la frontière redevient barrière; on recommence à être
national, et le plus cosmopolite renonce à la neutralité; adieu la
mansuétude des philosophes! entre
dresse, terrible. Elle regarde les sages, indignée.
plus parler
tête haute! Voilà ce que veut la patrie. Ajournement de la concorde
humaine. Oh! la misérable aventure! Les échéances sont inévitables;
on entend sourdre sous terre les catastrophes semées, et sur leur
croissance, de plus en plus distincte, on peut calculer
leur éclosion. Nul moyen
fatales. Eschyle,
pleureraient. Le penseur médite accablé. Que faire? Attendre et
espérer, mais espérer à travers le carnage. De là un sinistre
effarement. Le penseur, qui est toujours compliqué
devant les yeux un tumulte, qui est
au delà de
à entrevoir la haine. Rien
obscur, mais sombre. Il pense et il souffre. Ses rêves
de la vie humaine,
les peuples et de paix universelle, sont traversés par de vagues
flamboiements
En attendant on meurt, et ceux qui meurent laissent derrière eux ceux
qui pleurent. Patience. On
vienne pour tous. Il est juste que tous montent
recevoir leur paie. Les passe-droits ne sont
Un jour, bientôt peut-être,
pour le père. La journée du travailleur sera finie. Son tour sera
venu; il aura
planches, il sera ce
le conduira à la grande ouverture sombre. Là est le seuil impossible
à deviner. Celui qui arrive y est attendu par ceux qui sont arrivés.
Celui qui arrive est le bienvenu. Ce qui semble la sortie est pour lui
accepté;
et
béante, pendant que des pelletées de terre, poussière jetée à ce
qui va être cendre, tombent sur la bière sourde et sonore,
mystérieuse quitte ce vêtement, le corps, et sort, lumière, de
reparaissent, et ces vrais vivants, que dans
nomme les trépassés, emplissent
rayonnants, dans une profondeur de nuée et
doucement le nouveau venu, et se penchent sur sa face éblouie avec ce
bon sourire
chargé
lui, suivi
par de graves fronts découverts, et en même temps reçu avec joie dans
la clarté éternelle; et, si vous
serez là-haut de la fête, ô mes bien-aimés!
Ligne 649 :
Je veux
copies
laisserai, de quelque nature
que tous mes manuscrits, sans exception, et quelle
dimension, soient réunis et remis à la disposition des trois amis dont
voici les noms:
Ligne 662 :
Ernest Lefèvre.
Je donne à ces trois amis plein pouvoir pour requérir
entière et complète de ma volonté.
Ligne 678 :
volantes.
Je prie mes trois amis, ou
triage avec le plus grand soin et comme je le ferais moi-même, dans
Je les prie de publier, avec des intervalles dont ils seront juges
entre chaque publication:
Ensuite, les œuvres commencées et en partie achevées;
Ligne 692 :
Enfin, les fragments et idées éparses.
Cette dernière catégorie
toutes mes idées, quoique sans lien apparent, formera, je pense,
plusieurs volumes, et sera publiée sous le titre OCÉAN. Presque tout
cela a été écrit dans mon exil. Je rends à la mer ce que
d’elle.
Pour assurer les frais de la publication de cet ensemble
sera distrait de ma succession une somme de cent mille francs qui
sera réservée et affectée auxdits frais.
Ligne 706 :
travail fait par chacun:
1° Sur la première catégorie
net;
Ligne 716 :
Indépendamment de ces trois catégories de publication, mes trois amis,
dans le cas où
mort, sont expressément chargés par moi de cette publication, en vertu
du principe que les lettres appartiennent, non à celui qui les a
reçues, mais à celui qui les a écrites. Ils feront le triage de mes
lettres et seront juges des conditions de convenance et
de cette publication.
Ligne 729 :
tous ces soins.
En cas de décès de
nécessaire, une tierce personne qui aurait leur confiance, pour le
remplacer.
Telles sont mes volontés expresses pour la publication de tous les
manuscrits inédits, quels
mort.
Meurice, Auguste Vacquerie et Ernest Lefèvre, pour
mes intentions comme
rejoindre.
Fait, et écrit de ma main, en pleine santé
Paris.
Ligne 753 :
Nous sommes profondément touchés de la confiance que Victor Hugo nous
témoigne et profondément reconnaissants de
nous fait en nous choisissant pour les metteurs en œuvre de ses
manuscrits et pour les interprètes de sa pensée.
Ligne 759 :
Nous acceptons la mission.
Nous
Pendant trente ans, nous avons fait pour rien ce que Victor Hugo nous
demande de continuer. Il ne nous convient pas
mort plus que de son vivant.
Ligne 768 :
bénéfices de la publication de ses manuscrits. Nous la donnons à
tout ce gui servira sa mémoire et son œuvre. Un acte régulier en
déterminera et en constatera
Les premiers produits en seront attribués à la souscription pour le
Ligne 775 :
PAUL MEURICE.-AUGUSTE VACQUERIE.
Extrêmement honoré
MM. Paul Meurice et Auguste Vacquerie, je me joins à leur
déclaration: je refuse
reconnaissance.-ERNEST LEFÈVRE.
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