« L’Économie politique et la justice » : différence entre les versions
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et que la société consacre dans Vintérêt universel. (Chapitre v.)
Et ici encore quelques lignes touchant le servage n’eussent-elles point fait un bon effet ? Dans un ouvrage de la propriété réellement scientifique , l’historique de la question n’en eût-il pas merveilleusement complété l’élaboration rationnelle ? Mais ces deux éléments, chez M. Thiers, font absolument défaut l’un et l’autre.
M. Thiers s’occupe ensuite, en plusieurs chapitres, de définir très-imparfaitement le droit de propriété ; puis il conclut : —Qu’il résulte de tout ce qui précède, que le travail est le vrai fondement du droit de propriété. (Chapitre xxi.)
Arrêtons - nous ici ; et laissons l’auteur foudroyer tour à tour le communisme et le socialisme , puis enfin élaborer l’impôt. 11 ne se peut rien imaginer de plus superficiel, de plus incohérent, de plus.faible que cette seconde partie du livre sinon la première. Mais que nous servirait-il de réfuter ces déductions, si nous parvenons à dévoiler la complète nullité des principes ?
N’ayant point épargné les socialistes, je ne ménagerai pas M. Thiers. Aussi bien, dans leur empirisme, les socialistes sont-ils cent fois plus excusables que M. Thiers dans le sien.
4 De la Propriété, pp. 31, 33.
S’égarer quand seul et sans guide on s’aventure dans
l- |^ vérités jusqu’ici les plus reconnues i ,• puis n’aboutir qu’à com-
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*’ .. infiniment ridicule si ce n’était encore plus dangereux.
L’exemplaire du livre : Dr la propriété, par M. A. Thiers. que j’ai sous les yeux, est un exemplaire d’une édition populaire à un franc, publiée sous les auspices du Comité central de l’Association pour la Défense du Travail national. La couverture invite le lecteur par un N. B. à voir, à la première page, la circulaire de VAssociation. Pénétrous-nous des intentions de cette circulaire.
« Un livre, y est-il dit, qui vient de paraître, nous a semblé
« éminemment propre à remplir le but que nous poursuivons,
« c’est celui que M. Thiers a publié sous le titre : De la Propriété,
« Ce livre, déjà traduit et tiré en Angleterre à cent mille exem-
/ a plaires, que l’Allemagne et l’Espagne se sont également
/ « empressées de traduire, et dont la Belgique a fait une édition
« populaire , a été considéré partout comme la meilleure
^ « réponse à ces attaques systématiques dirigées par difîérentes
« sectes contre l’ordre social.
« L’œuvre de M. Thiers ne laisse en effet subsister aucun
« des paradoxes à l’aide desquels on a essayé de pervertir le
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a bon et du juste. »
Puis donc que M. Thiers se pose en défenseur de l’ordre social et se fait accepter pour tel, c’est à lui seul qu’il faut s’attaquer. Et il faut faire voir combien cet Achille conservateur a compromis l’Ilion qu’il s’était chargé de défendre.
1 De la Propriété, p. 3.
Le travaiLest le vrai fondement du droit de propriété.— Soit ! L’idée que M. Thiers s’efforce ainsi d’exprimer est aussi la mienne. J’admets donc ce principe, sauf à protester encore uoe fois contre la démonstration matérialiste, par le besoin, qu’en a donnée l’auteur, sauf à faire encore une observation très-importante.
Le droit de propriété est un ; mais l’exercice de ce droit est complexe. La propriété est individuelle ou collective. D’où vient donc qu’il n’y a pas non plus, chez M. Thiers, la moindre trace de cette distinction ?
M. Thiers ne connaît absolument et uniquement qu’une forme de la propriété, la propriété individuelle. M. Thiers qui voit et qui conçoit les lapins propriétaires ne voit pas, ne conçoit pas les communautés propriétaires. N’est-ce point une lacune énorme et impardonnable ? car enfin, en fait et endroit, la propriété, collective existe. En fait, certaines congrégations, les hospices, un grand nombre de communes, des sociétés industrielles, l’État lui-même sont propriétaires. En droit, ils le peuvent être parfaitement : car il est aussi vrai que les congrégations, les hospices, les communes, les sociétés industrielles, l’Etat sont des personnes morales qu’il est vrai que les lapins n’en sont pas.
Où cela nous mène-t-il ? Je supplie le Comité central de
honorable association existe encore, de vouloir bien y réfléchir très sérieusement. Etant admise la fanaille, il faut la doter. Étant admis l’État, il lui faut un revenu, une fortune. Sous le régime féodal, constitué sur le modèle de la famille, le chef de l’État était propriétaire de la fortune de l’État : c’était encore la propriété individuelle, c’en était au moins la forme. De nos jours, le régime féodal étant proscrit, le droit de propriété de l’État ne peut pas être autre chose qu’un droit de propriété collective. Il faut alors de deux choses Tune : affirmer l’État ou le nier ; doter l’Etat ou le ruiner. Dans le premier cas, la propriété individuelle étant garantie, il faut immédiatement faire la part de la propriété collective. Dans le second cas, si l’on veut anéantir l’État et le dépouiller, il faut faire ce que fait M. Thiers.
M. Thiers constitue la propriété individuelle ; il se donne garde de souffler mot de la propriété collective. Il enfle sa voix
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du droit de propriété !
La propriété, dit Bastiat, c’est le droit de s’appliquer à soi’ ^même ses propres efforts, ou de ne les céder que moyennant la cession en retour d’efforts équivalents1.—V*oilà donc ce qu’est, pour Bastiat, le principe de la propriété ! Mais passons ; ce n’est point la question morale qui nous occupe ici, c’est le problème
1 Harmonies économiques, Propriété, Communauté.
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économique. Tout mutilé qu’il est, ce principe s’applique-t-il à l’ensemble de toute la richesse sociale ? Voilà ce qu’il s’agit d’éclaircir.
Selon Bastiat,—la. valeur, c’est le rapport db deux
S’il est un don que l’auteur n’ait point, c’est celui du stvje \ scientifique ; s’il est un talent qui lui manque, c’est celui d’énoncer une fois pour toutes son idée en termesjsuffisamment clairs et précis. Pour résumer en deux lignes quelques centaines de pages, je dirai que Bastiat nomme service l’effort fait par un individu pour la satisfaction du besoin d’un autre individu.
Maintenant je demande ;—Comment s’évaluent les services dans l’échange ? Appelons le premier de nos deux individus vendeur ; appelons acheteur le second. La valeur du service, tel qu’il est défini, doit se mesurer soit sur l’effort du vendeur, soit sur le besoin de l’acheteur et sur la satisfaction de ce besoin. La valeur du service se mesure-t-elle sur l’effort du vendeur ? Nous arrivons tout simplement à cette hypothèse de l’école anglaise que la valeur se fonde sur le travail, se mesure sur les frais de production et ïe prixjle revient. L’observation des faits contredit formellement cette hypothèse, et l*ldée des économistes anglais n’est point celle de Bastiat. La valeur du service se mesure-t-elle sur le besoin de l’acheteur et sur la satisfaction de ce besoin ? Nous retombons ni plus ni moins dans la théorie de J.-B. Say qui met l’origine et la mesure de la valeur dans l’utilité ; et la réalité des phénomènes économiques s’oppose encore ici radicalement à cette conclusion que d’ailleurs Bastiat n’a point admise.
Enfin, que répond Bastiat ?—C’est que la valeur des services est proportionnelle non point à l’effort fait par le vendeur, mais à l’effort évité par l’échange à l’acheteur.
Simple question. Si nous sommes quinze cents personnes écoutant au Conservatoire, les unes moyennant 10 francs, les autres moyennant 6 francs, d’autres enfin moyennant 4 francs,
1 Harmonies économiques, De la Valeur.
la symphonie en la de Beethoven, quel est l’effort que nous évite à tous la société des concerts ? L’effort de construire nous-mêmes une salle disposée dans des conditions d’acoustique favorables comme celle du Conservatoire ? L’effort d’écrire nous-mêmes la partition de la symphonie en la ? Ou l’effort de nous l’exécuter à nous-mêmes, comme le font MM. Alard, Franchomme et autres ?
La thèse de Bastiat n’est pas soutenable. Pourtant il fau-
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