« L’Économie politique et la justice » : différence entre les versions

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=== § 5. L’école économiste et la Distribution de la richesse. ===
 
« Une révolution sociale ! suffit-il de la vouloir pour l’ac-<br />
« complir ?... Ah î! vous êtes jaloux de la gloire d’accomplir<br />
« une révolution sociale, eh bien ! il fallait naître soixante ans<br />
« plus tôt, et entrer dans la carrière en 1789...1789… Dans ce temps-<br />
« là en effet tout le monde ne payait pas l’impôt. La noblesse<br />
« n’en supportait qu’une partie, le clergé aucune,…<ref>M. A. Thiers, ''De la Propriété'', p. 11.</ref>»<br />
 
Qui parle ainsi ? C’est M. Thiers s’exprimant dans son ''langage libre, véhément, sincère, comme il a toujours été, comme il sera toujours''<ref>Idem, p.6.</ref>.
« là en effet tout le monde ne payait pas l’impôt. La noblesse
« n’en supportait qu’une partie, le clergé aucune,.... ! » j
 
« …Ce qui est fait n’est plus à faire… Y a-t-il, en effet,<br />
Qui parle ainsi ? C’est M. Thiers s’exprimant dans son j
« quelque part un four ou un moulin banal à supprimer ?<br />
langage libre, véhément, sincère, comme il a toujours été, comme j
« Y a-t-il du gibier qu’on ne puisse tuer quand il vient sur<br />
il sera toujours \ \
« votre terre ?... Y a-t-il d’autre inégalité que celle de l’es-<br />
« prit, qui n’est pas imputable à la loi, ou celle de la fortune,<br />
« qui dérive du droit de propriété<ref>Idem, p.13.</ref> ? »
 
Eh ! mon Dieu, peut-être bien, monsieur Thiers. Et si cette inégalité existe, nous la voulons découvrir ; et si tout au contraire elle n’existe pas, nous voulons nous en convaincre. Et si les socialistes se sont trompés, nous le leur ferons voir. Pourquoi tant de véhémence ? — Mais laissons M. Thiers voler à la défense de la propriété : car aussi bien son impétuosité naturelle est si grande qu’on a de la peine à le contenir.
« .... Ce qui est fait n’est plus à faire.... Y a-t-il, en effet,
« quelque part un four ou un moulin banal à supprimer ?
« Y a-t-il du gibier qu’on ne puisse tuer quand il vient sur
« votre terre ?... Y a-t-il d’autre inégalité que celle de l’es-
v prit, qui n’est pas imputable à la loi, ou celle de la fortune,
<* qui dérive du droit de propriété 8 ? »
 
Comment procède M. Thiers ? Il ne cherche, croyez-le bien, l’origine et le fondement de la propriété ni dans le droit divin, ni dans le droit du plus fort, ni dans le droit du premier occupant. Non ; mais où donc le cherche-t-il ? Dans l'''instinct'' ! Ainsi, dès le premier pas qu’il fait, voilà M. Thiers embourbé, côte à côte avec M. Proudhon, dans les marais de l’empirisme. Tous deux de concert confondent la propriété qui est un droit avec l’appropriation qui est un fait. La propriété n’est plus ni pour l’un ni pour l’autre un pouvoir moral, apanage exclusif des personnes raisonnables et libres ; la propriété est un fait instinctif. Mais, à ce compte, les animaux sont aussi susceptibles d’être propriétaires que l’homme ? — Évidemment, selon M. Thiers.
Eh I mon Dieu, peut-être bien, monsieur Thiers. Et si cette
inégalité existe, nous la voulons découvrir ; et si tout au con-
traire elle n’existe pas, nous voulons nous en convaincre. Et si
les socialistes se sont trompés, nous le leur ferons voir. Pour-/
quoi tant de véhémence ? — Mais laissons M. Thiers voler à la’
défense de la propriété : car aussi bien son impétuosité natu-
relle est si grande qu’on a de la peine à le contenir.
 
« Les naturalistes en voyant un animal qui, comme le castor<br />
Comment procède M. Thiers ? Il ne cherche, croyez-le bien,
« ou l’abeille, construit des demeures, déclarent sans hésiter<br />
l’origine et le fondement de la propriété ni dans le droit divin,
« que l’abeille, le castor sont des animaux constructeurs. Avec<br />
ni dans le droit du plus fort, ni dans le droit du premier occu-
« le même fondement, les philosophes, qui sont les naturalistes<br />
pant. Non ; mais où donc le cherche-t-il ? Dans Y instinct l Ainsi,
« de l’espèce humaine, ne peuvent-ils pas dire que la propriété<br />
dès le premier pas qu’il fait, voilà M. Thiers embourbé, côte à
« est une loi de l’homme, qu’il est fait pour la propriété,<br />
côte avec M. Proudhon, dans les marais de l’empirisme. Tous ]
« qu’elle est une loi de son espèce ! Et ce n’est pas dire assez<br />
deux de concert confondent la proj^^iLqui est un d^oit avec
« que de prétendre qu’elle est une loi de son espèce, elle est<br />
l’appropriation qui est un fait. La propriété n’est plus ni pour
« celle de toutes les espèces vivantes. Est-ce que le lapin n’a<br />
l’un ni pour l’autre un pouvoir moral, apanage exclusif des
« pas son terrier, le castor sa cabane, l’abeille sa ruche ?<br />
personnes raisonnables et libres ; la propriété est un fait in-
« Est-ce que l’hirondelle, joie de nos climats..... etc., etc.<ref>''De la Propriété'', p. 27.</ref> ?»
stinctif. Mais, à ce compte, les animaux sont aussi susceptibles
d’être propriétaires que l’homme ? — Évidemment, selon
M. Thiers.
 
Oui, monsieur Thiers, le lapin a son terrier ; mais, faut-il donc vous l’apprendre ? il en est possesseur et non propriétaire. Le castor a sa cabane ; mais il n’a pas sur elle un droit de propriété. L’abeille a sa ruche ; mais elle en est si peu propriétaire que vous avez, vous, sans le savoir et sans savoir pourquoi, le droit de la lui ravir, et que vous la lui ravissez. Que répondriez-vous donc à Tabeille si, quand vous vous emparez tout à la fois de sa ruche et de son miel, elle vous traitait de voleur ou de socialiste ? Sauriez-vous lui dire qu’elle n’est qu’un animal dominé par l’instinct, et que vous êtes un homme raisonnable et libre ? qu’elle est une ''chose'' et que vous êtes une ''personne'' ? qu’elle n’a ni droits ni devoirs, que vous avez, vous, le droit et le devoir d’accomplir votre destinée, de l’accomplissement duquel votre liberté vous fait responsable ? Le sauriez-vous ? J’ai tout lieu d’en douter. Mais heureusement les abeilles ne lisent point M. Thiers ; et elles ignorent ses doctrines subversives et plus que démagogiques.
« Les naturalistes en voyant un animal qui, comme le castor
« ou l’abeille, construit des demeures, déclarent sans hésiter
« que l’abeille, le castor sont des animaux constructeurs. Avec
« le même fondement, les philosophes, qui sont les naturalistes
« de l’espèce humaine, ne peuvent-ils pas dire que la propriété
« est une loi de l’homme, qu’il est fait pour la propriété,
 
Telle est la philosophie de M. Thiers ; nous aurons occasion de juger tout à l’heure son économie politique ; l’une et l’autre se valent. Toutefois, pour être juste, il faut bien reconnaître que l’auteur, malgré sa médiocrité scientifique, et tout en n’unissant à une grande pauvreté d’idées qu’une platitude assez remarquable de style, parvient à constituer une apparence de théorie de la propriété. Nous avons constaté par avance que la base en était tout empirique ; constatons aussi que cette théorie, par elle-même, n’est rien moins que philosophique.
1 M. A. Thiers, De la Propriété, p. 11.
 
M. Thiers établit : — ''Que V homme a dans ses facultés personnelles une première propriété incontestable, origine de toutes les autres.'' (Chapitre iv.)
* Idem, p. 6.
 
Cette première propriété est incontestable , je le veux bien. Le fait est pourtant qu’elle a été contestée. M. Thiers le nie ; je l’affirme.
3 Idem, p. 13. .
 
 
« qu’elle est une loi de son espèce ! Et ce n’est pas dire assez
« que de prétendre qu’elle est une loi de son espèce, elle est
« celle de toutes les espèces vivantes. Est-ce que le lapin n’a
« pas son terrier, le castor sa cabane, l’abeille sa ruche ?
« Est-ce que l’hirondelle, joie de nos climats..... etc., etc.1 ?»
 
Oui, monsieur Thiers, le lapin a son terrier ; mais, faut-il donc
’ vous l’apprendre ? il en est possesseur et non propriétaire. Le
castor a sa cabane ; mais il n’a pas sur elle un droit de pro-
priété. L’abeille a sa ruche ; mais elle en est si peu propriétaire
que vous avez, vous, sans le savoir et sans savoir pourquoi, le
droit de la lui ravir, et que vous la lui ravissez. Que répon-
driez-vous donc à Tabeille si, quand vous vous emparez tout à
la fois de sa ruche et de son miel, elle vous traitait de volgur
ou de socialiste ? Sauriez-vous lui dire qu’elle n’est qu’un
animal dominé par l’instinct, et que vous êtes un homme
raisonnable et libre ? qu’elle est une chase et que vous êtes une
personne ? qu’elle n’a ni droits ni devoirs, que vous avez, vous,
le droit et le devoir d’accomplir votre destinée, de l’accom-
plissement duquel votre liberté vous fait responsable ? Le
sauriez-vous ? J’ai tout lieu d’en douter. Mais heureusement les
abeilles ne lisent point M. Thiers ; et elles ignorent ses doctrines
subversives et plus que démagogiques.
 
Telle est la philosophie de M. Thiers ; nous aurons occasion
de juger tout à l’heure son économie politique ; l’une et l’autre
se valent. Toutefois, pour être juste, il faut bien reconnaître
que l’auteur, malgré sa médiocrité scientifique, et tout en
n’unissant à une grande pauvreté d’idées qu’une platitude assez
remarquable de style, parvient à constituer une apparence de
théorie de la propriété. Nous avons constaté par avance que la
base en était tout empirique ; constatons aussi que cette théorie,
par elle-même, n’est rien moins que philosophique.
 
M. Thiers établit : — Que V homme a dans ses facultés person-
nelles une première propriété incontestable, origine de toutes les
autres. (Chapitre iv.)
 
Cette première propriété est incontestable , je le veux bien.
Le fait est pourtant qu’elle a été contestée. M. Thiers le nie ;
je l’affirme.
 
« Ces pieds, ces bras, ces mains sont à moi, incontesta-
« blement à moi.... Si quelqu’un y touchait, si quelqu’un mar-
 
« chait méchamment sur f un de mes pieds, je m’irriterais, et
i De la Propriété, p. 27.
 
a blement à moi.... Si quelqu’un y touchait, si quelqu’un mar-
te chait méchamment sur f un de mes pieds, je m’irriterais, et
« si j’étais assez fort je me jetterais sur l’offenseur pour me
« venger....venger…
 
« C’est là une première propriété incontestable,......pour la-