« Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Cloître » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
en cours ...
 
Aucun résumé des modifications
Ligne 520 :
grand pas de fait vers le système admis au XIII<sup>e</sup> siècle, car les claires-voies
font déjà pressentir les meneaux appliqués un peu plus tard entre les
travées des cloîtres. Le cloître de Fondfroide ne fut jamais surmonté d'un
premier étage, mais couvert en terrasses par des dalles, de manière à
prendre le moins de hauteur possible au-dessus des voûtes et à permettre
ainsi d'ouvrir des jours au-dessus de ces couvertures pour éclairer les salles
voisines (voy. <b>DALLAGE</b>). En effet, le bas-côté de l'église accolé à la galerie
sud du cloître prend ses jours par des fenêtres cintrées dont les appuis
sont posés immédiatement au-dessus des terrasses. Les œils qui s'ouvrent
dans les tympans des archivoltes du cloître de Fontfroide n'ont jamais été
destinés à être vitrés; mais il est facile de comprendre que dans un climat
plus humide et plus froid, en laissant ouverte l'arcature, on pouvait vitrer
ces œils et garantir ainsi les moines de la pluie ou du vent, sinon modifier
la température extérieure, car les arcatures sont si peu élevées et ses galeries
comparativement si profondes, qu'en supposant les œils vitrés, le
vent ne pouvait chasser la pluie sur le pavé de ces galeries. Or il existe
encore, le long du flanc sud de la nef de la cathédrale de Laon, un cloître
qui remplit exactement ces dernières conditions. L'espace étroit dont
pouvait disposer l'architecte ne lui permit pas de donner à ce cloître la
forme d'un carré en plan; ce n'est qu'une galerie composée de sept
travées faisant face à l'église et s'y réunissant par une seule travée, de sorte
que le préau donne un parallélogramme ayant en longueur sept fois sa
largeur.
 
[Illustration: Fig. 13]
 
La fig. 13 présente le plan d'une portion de ce cloître. Il est voûté en
arcs d'ogives et date des premières années du XIII<sup>e</sup> siècle. Mais, à Laon,
les voûtes sont dépourvues de formerets; ceux-ci, par conséquent, ne
traversent pas la construction et ne présentent pas à l'extérieur une suite
de grandes archivoltes d'une pile à l'autre, comme à Fontenay et à Fontfroide.
Ces piles sont buttées par des contre-forts saillants, et (14)
l'arcature
est surmontée de roses inscrites sous les voûtes. Ces roses étaient
vitrées, et l'arcature ne l'était pas; on obtenait ainsi un abri convenable et
des jours suffisants pour éclairer la galerie. Les colonnettes de l'arcature
sont en calcaire schisteux aussi résistants que le marbre, ce qui a permis
aux constructeurs de les faire grêles; les piles et contre-forts sont bâtis en
assises et portent tout le poids de la construction, car on remarquera, en
examinant la coupe (fig. 14), que le mur percé de roses qui surmonte,
l'arcature est très-mince, O,35 c., et n'est réellement qu'une cloison évidée
qui ne charge pas les trois colonnettes destinées à la porter. L'unique galerie
du cloître de la cathédrale de Laon est fort rapprochée de l'église, et ses baies
sont ouvertes au nord; le cloître eût donc été triste et obscur, si l'architecte
n'avait eu la précaution d'y faire entrer le soleil par des fenêtres
carrées percées dans le mur de clôture du côté de la rue, au sud. Ce mur,
épais à sa base, sans ressauts, afin d'éviter les dépôts d'immondices, se
retraite au-dessus de la naissance des voûtes et laisse paraître alors de
petits contre-forts au droit des poussées.
 
[Illustration: Fig. 14]
 
[Illustration: Fig. 15]
 
[Illustration: Fig. 16]
 
Nous donnons (15) une portion de ce mur, vu de l'extérieur, qui
explique ce que nous venons de dire. Une belle corniche sculptée le
couronne et porte le comble en charpente couvert d'ardoises. Afin de
dissimuler la monotonie de ce mur qui venait masquer l'un des flancs de
la cathédrale, l'architecte eut l'idée de disposer à l'un de ses angles (celui
qui se détourne vers le portail du sud) une sorte de grand éperon servant
de pignon au comble du cloître, de décorer sa tête sur la rue par une
figure d'ange surmontée d'un dais, et de dégager l'angle dans sa partie
inférieure en le soutenant par deux colonnes posées de manière à détruire
son aiguité<span id="note13"></span>[[#footnote13|<sup>13</sup>]]]. Ce motif, qui n'est qu'une pure décoration et un arrangement
de retour d'équerre, est fort beau; nous le représentons (16). Il nous
fournit l'occasion de faire ressortir encore les qualités toujours neuves et
imprévues qui distinguent l'architecture de cette époque et avec quel art,
d'une nécessité vulgaire, les architectes savaient tirer un parti décoratif.
Comment cette originalité, cette fertilité d'invention se sont-elles éteintes
chez nous, pour être remplacées par des formes de convention, prévues
avant même d'être exécutées? C'est une grosse question qu'il n'est pas
temps de résoudre ici. Contentons-nous de signaler cet exemple, qui
viendra, ainsi que beaucoup d'autres, à l'appui de ce que nous aurons à
dire sur les causes de cette décadence du génie architectonique de notre
pays (voy. <b>GOÛT</b>, <b>STYLE</b>).
 
[Illustration: Fig. 15.]
 
Presque toujours les murs extérieurs des cloîtres de cathédrales, murs
qui devaient conserver l'apparence sévère d'une clôture rigoureuse, présentaient
aux-yeux des passants des motifs de décoration qui masquaient
la recherche et la froideur de ces sortes de constructions. Leurs angles,
vus sous plusieurs aspects à l'extrémité des rues qui entouraient ces grands
monuments, étaient particulièrement ornés de quelque statue de saint,
devant laquelle était suspendu un fanal pendant la nuit; et, pour gêner le
moins possible la circulation, ces angles, comme à Laon, étaient portés
sur des trompillons, des colonnes ou des encorbellements plus ou moins
décorés de sculptures. Quant aux portes des cloîtres de cathédrales, lorsqu'elles
donnaient immédiatement sur la voie publique, elles étaient
habituellement d'une grande simplicité, afin de laisser aux portes de
l'église toute leur importance et leur richesse.
 
Mais avant d'aller plus avant et de quitter les cloîtres romans des provinces
méridionales, nous devons observer que beaucoup de ces cloîtres
furent rebâtis pendant les XIII<sup>e</sup> et XIV<sup>e</sup> siècles. Ces cloîtres romans, comme
nous l'avons dit, se composaient de galeries continues formées de colonnettes
portant les archivoltes qui soutenaient l'égout du comble. Ce mode
 
[Illustration: Fig. 16.]
 
de construction était suffisant pour recevoir une charpente apparente ou
lambrissée. Un cloître du XII<sup>e</sup> siècle dépendant de l'église de
Saint-Michel
de Cuxa près Prades (Pyrénées-Orientales) conserve la disposition primitive
des galeries couvertes par des charpentes. Il se compose de rangées
de colonnettes simples et non accouplées, interrompues seulement de
distance en distance par des piles carrées, afin de maintenir cette longue
claire-voie dans son plan vertical.
 
[Illustration: FIG. 17.]
 
[Illustration: Fig. 18.]
 
Voici (17) une portion du plan de ce cloître; dans la longueur de chaque
rangée de colonnes, il n'y a que les piles d'angles et deux piles intermédiaires
A qui maintiennent le dévers de l'arcature. Les colonnettes, étant
simples et non jumelles, sont courtes et trapues; nous donnons (18) une
portion de l'arcature bâtie entièrement en marbre de Villefranche; en B
est tracée la coupe de cette arcature avec la pile d'angle.
 
Mais, dès le XIII<sup>e</sup> siècle, les voûtes prévalurent dans la construction des
cloîtres, et à cette époque on démonta la plupart des galeries romanes
non voûtées (c'était le plus grand nombre) pour y substituer des galeries
couvertes par des voûtes d'arêtes. Toutefois, dans les provinces méridionales,
les colonnettes et chapiteaux étant le plus souvent en marbre et
d'un beau travail, on les conservait autant que possible et on les faisait
entrer dans la nouvelle ordonnance. Ce remaniement est surtout visible
dans le beau cloître de l'abbaye d'Elne, située à quelques lieues de Perpignan.
Il présente une grande quantité de colonnettes et chapiteaux de
marbre du XII<sup>e</sup> siècle, entremêlés de piles, chapiteaux et colonnettes du
XIV<sup>e</sup> siècle. Reconstruit évidemment à cette dernière époque, le cloître
d'Elne fut alors voûté; mais les formerets des voûtes ne traversent pas le
mur de la galerie comme à Fontenay et à Fontfroide. Les architectes se
contentèrent de placer de trois en trois arcades une pile cubique, soit
prise parmi les piles du cloître primitif, soit taillée pour cette nouvelle
disposition; car il faut remarquer qu'à Elne comme à Moissac, outre les
colonnettes jumelles, il devait exister, au XII<sup>e</sup> siècle, des piles rectangulaires
de distance en distance pour donner plus de résistance à ces longues
galeries, comme aussi à Saint-Michel de Cuxa.
 
[Illustration: FIG. 19.]
 
Voici (19) une portion du cloître d'Elne, dont le plan d'ensemble donne
un losange se rapprochant du carré. On voit en A les piles qui reçoivent
les retombées des arcs doubleaux et des arcs ogives des voûtes construites
avec beaucoup de soin. La fig. 20 présente la coupe de ce cloître et une
travée extérieure<span id="note14"></span>[[#footnote14|<sup>14</sup>]]. Comme sculpture, ce cloître est le plus riche de tous
ceux existant encore de nos jours dans cette partie de la France. Les
chapiteaux reposés appartenant au XII<sup>e</sup> siècle et même ceux du XIV<sup>e</sup> siècle
sont d'un beau travail; les fûts des colonnettes donnant du côté intérieur
de la galerie sont tous couverts de sculptures d'une grande délicatesse, et les
deniers constructeurs cherchèrent à se rapprocher autant qu'ils le pouvaient
du style adopté par les architectes du premier cloître. On se rendra
compte de cet effort et de l'influence des arts romans en plein XIV<sup>e</sup> siècle,
dans ces contrées, si l'on examine les colonnettes appartenant à ces deux
époques (XII<sup>e</sup> et XIV<sup>e</sup> siècles), que nous donnons au mot <b>COLONNETTE<b>.
 
[Illustration: FIG. 20.]
 
Nous avons encore un exemple de ces remaniements dans le cloître de
l'ancienne église de Saint-Papoul, près Castelnaudary. Celui-ci fut rebâti
au XIV<sup>e</sup> siècle avec des fragments du commencement du XIII<sup>e</sup>. Mais Saint-Papoul était pauvre; les galeries furent simplement couvertes par une
charpente, et les colonnettes jumelles furent refaites en petits carreaux de
briques octogonales, posés les uns sur les autres et réunis par un lit de
mortier.
 
Quant aux charpentes en appentis qui couvrent les cloîtres, elles sont
d'une grande simplicité; elles se composent habituellement d'une suite
de chevrons soulagés par des liens, et formant à l'intérieur un angle obtus
dont les rampants étaient quelquefois lambrissés et peints.
 
[Illustration: Fig. 21]
 
La fig. 21 donne une de ces charpentes<span id="note15"></span>[[#footnote15|<sup>15</sup>]]; en A nous avons reproduit le
profil de l'extrémité des chevrons. Ces charpentes, sans entraits, poussaient
les murs des galeries, surtout lorsque ces murs n'étaient pas maintenus
par des piles assez rapprochées, et lorsqu'ils étaient montés sur de longues
rangées de colonnettes accouplées. Aussi faut-il attribuer en grande partie
la reconstruction de presque tous les cloîtres romans à la mauvaise combinaison de ces charpentes qui durent hâter leur ruine. Nous
devons faire
remarquer que parfois, comme à Moissac et à Saint-Lizier par exemple,
les colonnettes des galeries des cloîtres romans sont tantôt accouplées,
tantôt simples: lorsqu'elles sont simples, le chapiteau est beaucoup plus
évasé, dans le sens de l'épaisseur du mur que dans l'autre sens;
lorsqu'elles
sont jumelles, souvent les chapiteaux doubles sont pris dans un
seul morceau de pierre, ainsi que les deux bases, afin de bien relier les
fûts des colonnettes et de les rendre solidaires. Si les chapiteaux doubles
sont indépendants l'un de l'autre, ce sont alors des tailloirs qui relient les
colonnes accouplées sous le sommier des archivoltes. Les déversements
fréquents des galeries des cloîtres romans, produits par la poussée des
charpentes, firent évidemment substituer d'abord les colonnes jumelles
aux colonnettes simples, puis obligèrent les constructeurs à prendre des
précautions particulières lors de la pose de ces colonnettes jumelles:
comme, par exemple, de tailler les chapiteaux accouplés dans un seul
morceau de pierre et de leur donner un fort volume comparativement au
diamètre et à la hauteur de la colonne; comme de poser ces colonnettes,
généralement peu ou point galbées, celle du dedans ayant son parement
intérieur vertical, et celle extérieure légèrement inclinée, ou, pour employer
un terme de bâtisse, ayant du fruit sur le dehors.
 
[Illustration: Fig. 22]
 
Une figure est nécessaire pour faire comprendre cette précaution des
constructeurs romans. Soit (22) la coupe d'une colonnade de cloître
portant des archivoltes; soit <b>A</b> l'intérieur de la galerie et <b>B</b> le préau,
la colonnette <b>C</b> sera posée verticale, tandis que la colonnette <b>D</b> sera posée inclinée de 0,02 c. ou 0,03 c., de <b>G</b> en <b>H</b>. La base double <b>I</b> étant
prise dans un seul morceau de pierre, ainsi que le chapiteau double
<b>K</b>, les deux colonnettes forment ainsi un véritable chevalement résistant
à une poussée agissant suivant la ligne <b>L M</b>. Malgré ces précautions,
basées sur une observation très-juste, le temps, la négligence,
l'affaissement
de charpentes mal entretenues et pourries, ont cependant fait déverser la plupart des colonnades des cloîtres romans couverts par
des lambris. Mais ce qui nous a permis de constater ce fait
intéressant,
ce sont les centres des bases, en plan, qui sont presque toujours
plus écartés que les centres des astragales des chapiteaux de
0,01 c., 0,02 c. ou même 0,03 c.; c'est encore l'alignement du parement intérieur des bahuts <b>O</b> (qui n'a pu
changer) comparé à l'alignement primitif intérieur N des archivoltes,
donné par les angles des cloîtres, lesquels n'ont pu varier non plus. Mais
nous avons l'occasion de nous étendre sur ces précautions des
constructeurs
dans la pose des membres de l'architecture au mot <b>CONSTRUCTION</b>.
 
[Illustration: Fig. 23]
 
[Illustration: Fig. 24]
 
Pour clore ce que nous avons à dire sur les cloîtres romans, nous
signalerons à nos lecteurs le cloître de Saint-Lizier (Ariége) [fin du
XII<sup>e</sup> siècle]. Sa construction est d'une extrême simplicité. Il se compose de
deux étages de galeries, l'une au rez-de-chaussée, en maçonnerie, l'autre
au premier, en charpente. La fig. 23 donne la moitié du plan général
de
ce cloître, et la fig. 24 sa coupe avec l'élévation des galeries. On ne saurait
bâtir deux étages de portiques avec plus d'économie. Les colonnettes et
bases sont en marbre, n'ont que 0,11 c. de diamètre (il faut dire que le
marbre n'est pas, dans cette contrée, une matière rare); elles posent sur
une seule assise continue et si basse qu'on ne peut guère la considérer
comme un bahut. Les chapiteaux, très-évasés, sont en pierre ainsi que
les archivoltes, les murs au-dessus en maçonnerie. Un plancher couvre
cette galerie. Au-dessus, le mur forme un appui sur lequel sont posées
des piles en brique dans les angles et sur les milieux de deux des côtés du
cloître; puis des poteaux à huit pans en bois avec base et chapiteau pris
dans la masse, portant de longs poitrails posés de champ, sur lesquels
sont fixés les chevrons dont la saillie abrite toute la
construction<span id="note16"></span>[[#footnote16|<sup>16</sup>]]. On
n'oserait aujour'd'hui exécuter une bâtisse aussi légère, qui doit sa solidité
à l'extrême simplicité des moyens employés.
 
[Illustration: Fig. 23.]
 
Revenons maintenant aux cloîtres de l'époque gothique; après tout, les
cloîtres romans n'offrent que peu de variétés, et ce que nous en avons
donné suffit pour se faire une idée passablement complète de ces sortes
de constructions. Il n'en est pas de même des cloîtres élevés pendant la
période gothique, surtout au moment où cet art commence à se développer.
Le programme d'un cloître était, pour les architectes du XIII<sup>e</sup> siècle,
un thème précieux dont ils devaient tirer un grand parti. L'orientation, la
disposition d'un cloître relativement à ses annexes, les besoins particuliers
à telle communauté, la nature des matériaux, la nécessité de clore telle
partie, de laisser l'autre ouverte, les écoulements d'eau pluviale, les
 
[Illustration: Fig. 24.]
 
moyens de recueillir ces eaux dans des citernes, tout cela devait exciter et
excitait le génie inventif des architectes de cette époque. Il nous serait
difficile, au milieu de tant de ruines regrettables (car ces dépendances de
nos églises ont été presque partout transformées, dévastées ou même
démolies), de ne rien omettre; toutefois, nous essayerons du moins de
faire connaître les modifications successives apportées dans ces constructions
et de présenter les exemples les plus complets et les plus remarquables
que le temps et la main des hommes n'ont pas détruits. Les
cloîtres encore debout, abandonnés, sans usage aujourd'hui, construits la
plupart très-légèrement, tendent tous les jours à disparaître, et notre
travail pourra perpétuer pour l'étude des œuvres dont il ne restera bientôt
plus trace<span id="note17"></span>[[#footnote17|<sup>17</sup>]].
 
Nous avons vu déjà qu'à Laon les constructeurs avaient vitré les ouvertures
supérieures prises sous les formerets des voûtes du cloître et avaient
laissé les arcatures inférieures libres, comme les anciennes galeries
romanes. Mais à Laon, bien que ce cloître soit déjà gothique par ses
voûtes, la claire-voie inférieure est complétement distincte de la rose
vitrée, comme dans les cloîtres de transition, tels que ceux de Fontenay et
de Fontfroide. Cette disposition ne fut pas longtemps conservée; bientôt
tout l'espace compris entre les formerets, les piles et le bahut, fut rempli
par des meneaux; mais ces meneaux ne furent pas entièrement vitrés
comme ceux des fenêtres des collatéraux d'une église. On se contenta
d'abord de vitrer les compartiments supérieurs et de laisser à jour les intervalles
entre les colonnettes. Il existe un cloître de ce genre, d'une disposition
charmante, sur le flanc sud de l'église collégiale de Sémur-en-Auxois.
Il est fort petit, puisque chacun de ses côtés ne contient que deux travée.
 
En voici le plan entier (25), à l'échelle de 0,005 millimètres pour mètre.
Profitant avec une intelligence rare des poussées égales qui, dans les
angles, agissent en sens contraire et se neutralisent par conséquent,
l'architecte, au lieu de donner à ces angles, comme dans les cloîtres
romans, une épaisseur considérable, en a fait une pile composée de six
colonnettes réunies et prises dans un seul morceau de pierre. Cette jolie
disposition donne une légèreté extraordinaire à ce cloître, tout en lui
conservant une palfaite solidité. Les seuls points résistants de la construction
sont les quatre contre-forts plantés sur le milieu de chacune des faces
de la galerie et les divisant en deux travées. Un puits est creusé au milieu
du petit préau.
 
La fig. 26 présente la coupe et l'élévation d'une travée du cloître de
Sémur, ainsi qu'un détail du plan des piles en A. Les intervalles entre les
colonnettes n'étaient pas vitrés, tandis que les compartiments des
meneaux au-dessus de l'arcature l'étaient<span id="note18"></span>[[#footnote18|<sup>18</sup>]]. On obtenait ainsi, pour
éclairer les galeries, beaucoup plus de jour que dans les cloîtres romans,
et la pluie ni le vent ne pouvaient gêner les personnes qui circulaient sous
les galeries. Les roses et découpures des meneaux vitrés formaient comme
des écrans transparents opposés au vent et au soleil. La sculpture des
chapiteaux est fort belle, large, abondante, et les matériaux des piles de
grande dimension, suivant le mode bourguignon. Ce cloître est du temps
de l'église et dut être bâti entre les années 1230 et 1240.
 
[Illustration: Fig. 25.]
 
Cependant il arrivait souvent, au XIII<sup>e</sup> siècle, que les travées des cloîtres
voûtés étaient garnies de meneaux sans vitraux, qui n'étaient alors que
des claires-voies de pierre destinées à briser l'effort du vent et à garantir
les personnes qui passaient dans les galeries contre la vivacité de l'air ou
des rayons du soleil. Nos églises du nord possédaient beaucoup de cloîtres
de ce genre vitrés partiellement ou complétement à claires-voies. La
cathédrale de Noyon, le long de la nef, au nord, conserve encore la
 
[Illustration: Fig. 26]
 
galerie occidentale de son cloître du XIII<sup>e</sup> siècle, sur laquelle s'ouvre une
belle salle capitulaire dont les piles d'entrée sont richement décorées de
sculptures, d'ornements et de statues d'évêques (voy. <b>SALLE CAPITULAIRE</b>).
Ce cloître, ainsi que ses dépendances, était autrefois crénelé du côté
extérieur, afin de pouvoir, au besoin, se défendre contre un coup de
main. La construction des galeries est large, simple, bien conçue et
bien exécutée.
 
[Illustration: Fig. 27.]
 
Voici (27) le plan et (28) l'élévation extérieure d'une des travées du
cloître de la cathédrale de Noyon. La claire-voie est complétement à jour,
sans verrières, et son archivolte sert de formeret aux voûtes en arcs
d'ogives; du côté du mur, les arcs portent sur des culs-de-lampe sculptés,
afin de ne pas gêner la circulation par la saillie de piles engagées. Aujourd'hui,
la construction est dérasée au niveau A (fig. 28); les gargouilles,
pinacles, larmiers et balustrades qui couronnaient certainement la belle
corniche feuillue n'existent plus. Nous donnons en B une coupe sur l'axe
de la travée, qui fait voir l'extrême simplicité de cette construction, ne
consistant réellement qu'en des contre-forts réunis par des archivoltes
recevant l'intrados des voûtes. Il est bon d'examiner ce cloître après
celui de l'église de Sémur que nous avons donné (fig. 26); ces deux
petits édifices sont contemporains, ils sont élevés entre les années 1230
et 1240.
 
On peut observer ici la différence des deux écoles bourguignonne et
française: la première hardie, élégante, avec un mélange de rudesse,
employant des matériaux résistants et sachant en tirer les avantages
 
[Illustration: Fig. 28.]
 
résultant de leur nature; l'autre fine, sobre, possédant un sentiment très-vif
des proportions, évitant les exagérations et les étrangetés. Il ne
faudrait pas croire cependant que les architectes des provinces françaises
eussent adopté un <i>poncif</i> aussi simple dans la construction de leurs
cloîtres. L'amour du luxe, un instant comprimé par les cisterciens, reprit
un nouvel essor au commencement du XIII<sup>e</sup> siècle chez les religieux réguliers.
À cette époque, en France, en Italie, en Espagne, en Allemagne et
en Angleterre, les monastères virent s'élever des cloîtres qui rivalisaient
entre eux comme étendue, en richesse de matériaux et de sculpture. En
Italie, ce fut alors qu'on éleva les cloîtres de marbre, couverts de sculptures
et de mosaïques, de Saint-Paul-hors-les-murs, de Saint-Jean de
Latran, à Rome; en Sicile, l'admirable et immense cloître de Montréale,
singulier mélange d'architecture normande et de traditions des Maures;
en France, les beaux cloîtres de Saint-Léger et de
Saint-Jean-des-Vignes
de Soissons. Nous nous occuperons de ce dernier cloître, dans lequel les
religieux, tout en restant fidèles au principe appliqué avec une si grande
sobriété à Noyon, déployèrent un luxe de sculpture peu commun.
 
[Illustration: Fig. 29]
 
[Illustration: Fig. 30]
 
Nous donnons (29) le plan et (30) l'élévation extérieure d'une travée du
cloître de Saint-Jean-des-Vignes, contemporain de celui de Noyon. La
galerie du rez-de-chaussée était probablement surmontée d'un étage qui
n'existe plus. Les contre-forts, les tympans entre les archivoltes sont couverts
de sculpture. Le plan présente une multitude de colonnettes dont
la fonction est déterminée par les arcs des voûtes, et qui sont couronnées
par des chapiteaux finement travaillés dont la réunion forme, à l'intérieur
comme à l'extérieur de la galerie, un brillant cordon d'ornements. Les
voûtes, du côté du mur, ainsi qu'à Noyon, sont portées sur des
culs-de-lampe
naissant sur des têtes humaines. Quant à la claire-voie, ses roses
seules étaient vitrées<span id="note19"></span>[[#footnote19|<sup>19</sup>]].
 
Cette richesse, si fort en contradiction avec le principe des ordres religieux,
ne laissait pas d'exciter déjà, au XIII<sup>e</sup> siècle, le blâme ou la raillerie.
On est trop disposé à croire que les XVI<sup>e</sup> et XVIII<sup>e</sup> siècles ont été les seuls à
critiquer le luxe des moines. Un poëte du XIII<sup>e</sup> siècle qui était reçu à la
 
[Illustration: FIG. 30.]
 
cour de saint Louis, Rutebeuf, ne manque pas une occasion d'exercer sa
verve contre les ordres religieux. On en jugera par ce passage extrait de
la <i>Vie de sainte Elysabel</i>:
 
<center>
«Une foiz entra en .i. cloistre<br>
De povres genz qui pas acroistre<br>
Ne se pooient de lor biens;<br>
Fors d'aumosne n'avoient riens.<br>
Ymages li monstrent bien fètes,<br>
Bien entaillies et portrètes;<br>
Mult orent cousté, ce li samble,<br>
Ainçois que il fussent ensamble;<br>
Mult l'en pesa, et bien lor monstre.<br>
Et mult lor en va à l'encontre,
Et dist: «Je croi miex vous en fust,
Se ce ç'on a mis en ce fust
Por fere entaillier ces ymages
Fust mis en preu; c'or est domages
Qui a l'amor de Dieu el cuer
Les ymages qu'il voit defuer,
Si ne li font ne froit ne chaut.
Endroit de moi il ne m'en chaut,
Et bien sachiez, ce me conforte,
Que chascun crestiens, là, porte
Les ymages el cuer dedenz.
Les lèvres muevre ne les denz
Ne font pas la religion,
Mès la bone compontion<span id="note20"></span>[[#footnote20|<sup>20</sup>]].»
</center>
 
Un huguenot n'aurait pas parlé autrement au XVI<sup>e</sup> siècle.
 
Afin de meubler la nudité des murs intérieurs des galeries des cloîtres
entre les culs-de-lampe portant les voûtes, on les décorait de peintures et
même quelquefois de bas-reliefs et d'arcatures. Le cloître de la cathédrale
de Toul, commencé vers 1240 et terminé à la fin du XIII<sup>e</sup> siècle, nous
donne une jolie décoration de ce genre, consistant en une suite d'arcatures
trilobées, sous chacune desquelles était sculpté un petit bas-relief porté
sur une sorte de tablette ornée peu saillante.
 
Nous donnons (31) l'une des travées intérieures de ce cloître<span id="note21"></span>[[#footnote21|<sup>21</sup>]]. À
l'extérieur, le cloître de la cathédrale de Toul présente une disposition
analogue à celle des cloîtres de Noyon et de Soissons, si ce n'est que les
formerets des voûtes ne pénètrent pas à travers l'épaisseur du mur, et que
les archivoltes des claires-voies sont bandées en dedans de ces formerets.
Il reste ainsi, de chaque côté des contre-forts, une portion de trumeau.
Cette disposition est moins franche que celle des cloîtres présentés
ci-dessus. D'ailleurs la galerie n'était point vitrée. À Toul, les chéneaux du
cloître sont disposés d'une façon particulière; ils consistent,
au-dessus de
la corniche, en une assise de pierre taillée suivant les pentes correspondant
à l'écoulement des eaux, lequel a lieu par les gargouilles percées au milieu
de chaque tête de contre-fort (32).
 
Jusque vers le milieu du XIII<sup>e</sup> siècle, les combles des cloîtres égouttent,
sauf de très-rares exceptions, leurs eaux directement sur le préau
sans chéneaux; la présence des chéneaux est un perfectionnement qui
depuis fut introduit dans la construction des cloîtres. Dans les localités
où l'eau de source manquait, on profita des combles des cloîtres et
 
[Illustration: FIG. 31.]
 
[Illustration: FIG. 32.]
 
salles voisines pour recueillir les eaux pluviales dans une citerne ménagée
sous le préau. Il arriva parfois alors qu'au lieu de jeter les eaux
à gueule bée sur l'aire du préau, et pour éviter que des ordures pussent
 
[Illustration: Fig. 33.]
 
être entraînées dans la citerne, on plaça des tuyaux de descente en pierre
de distance en distance dans les angles formés par les contre-forts
(voy. <b>CONDUITE</b>); ou si l'on admettait les gargouilles, ce qui était le cas
le plus ordinaire, on établissait un caniveau en pierre au-dessous d'elles,
tout autour du préau, pour recueillir les eaux et les envoyer, par
des pertuis, dans la citerne. Quelquefois même ce caniveau était un petit
égout souterrain ayant un pertuis garni d'une crapaudine au-dessous de
la gueule de chacune des gargouilles. Plus rarement l'aire du préau était
dallée comme l'aire de l'<i>impluvium</i> antique et conduisait l'eau par des
pentes, se dirigeant vers le milieu, dans la citerne. On recueillait ainsi
non-seulement les eaux tombant sur les combles, mais aussi celles reçues
sur la surface totale du préau. Le préau du cloître de l'abbaye du Mont-Saint-Michel-en-Mer
est couvert de plomb; mais nous aurons l'occasion de
parler bientôt de ce cloître remarquable.
 
Cependant, certains cloîtres de cathédrales particulièrement furent, au
XIII<sup>e</sup> siècle, surmontés d'un étage, probablement à cause du peu d'espace
dont on disposait autour de ces monuments élevés au centre de cités
populeuses. Il existe, à Langres, les restes d'un cloître de ce genre qui
est d'un fort bon style et qui appartient au milieu de ce siècle.
 
La fig. 33 présente l'une de ses travées. Un premier étage, percé d'une
petite fenêtre carrée au-dessus de chaque arcade, était destiné
peut-être
au logement des chanoines. Ici ce sont les formerets des voûtes qui,
comme à Noyon, servent d'archivoltes à la claire-voie. Le mur du fond du
cloître de la cathédrale de Langres est décoré d'une triple arcature sous
chaque formeret, portée sur des colonnettes et des chapiteaux admirablement
sculptés. Quant aux contre-forts, épais et saillants dans la hauteur
du rez-de-chaussée, pour contre-butter la poussée des voûtes, ils se
réduisent sensiblement dans la hauteur du premier étage, qui n'était
couvert que d'une charpente<span id="note22"></span>[[#footnote22|<sup>22</sup>]].
 
Mais le plus beau cloître qui nous soit conservé (en partie du moins)
possédant un premier étage est certainement le cloître de la cathédrale
de Rouen. Cette construction date de 1240 environ, et son ensemble
comme ses détails sont exécutés avec un grand luxe et un soin minutieux.
 
La fig. 34 nous donne l'élévation d'une des travées du cloître de la
cathédrale de Rouen. Ces travées sont larges, percées à la base par quatre
arcades libres portées sur des colonnettes monolithes. Au-dessus de ces
arcades, la claire-voie est vitrée. L'archivolte est épaisse, composée de
deux rangs de claveaux, celle supérieure servant de formeret aux voûtes à
l'intérieur. Ces archivoltes soutiennent un grand talus sur lequel viennent
pénétrer les piles et trumeaux des fenêtres jumelles du premier étage.
Une corniche à double rang de crochets et une balustrade dont les quatre-feuilles
seuls sont ajourés couronnent le premier étage, qui porte chéneau.
Au milieu de la tête de chacun des contre-forts, complètement dépourvus
 
[Illustration: FIG. 34.]
 
d'ornements, sort une gargouille rejetant à l'extérieur l'eau recueillie
dans les chéneaux. Des pinacles surmontaient ces contre-forts; ils sont
malheureusement détruits.
 
[Illustration: FIG. 35.]
 
Voici (35) le plan de ces contre-forts et d'une travée à
rez-de-chaussée.
On voit combien cette construction est simple et légère. Toute la
résistance consiste seulement dans les contre-forts et les piles carrées
qu'ils viennent épauler. Quant à la claire-voie, elle est indépendante de la
bâtisse proprement dite. Il n'est pas besoin de dire que ce cloître est voûté
en arcs ogives, composant une suite de travées sur plan barlong; c'est là
une disposition généralement admise pour les cloîtres au XIII<sup>e</sup> siècle et
suivie plus tard. Le premier étage n'existait que sur l'un des côtés du
cloître et contenait la bibliothèque du chapitre; il formait une grande
salle couverte par une charpente lambrissée<span id="note23"></span>[[#footnote23|<sup>23</sup>]].
 
Les dispositions des cloîtres admises dès le commencement du XIII<sup>e</sup> siècle
ne varient guère jusque vers le milieu du XIV<sup>e</sup>; ce sont toujours des
voûtes carrées dont les formerets extérieurs sont remplis par des meneaux
vitrés dans la partie supérieure ou dépourvus de vitraux. Au XIV<sup>e</sup> siècle,
les églises cathédrales et monastiques, étant moins riches qu'elles ne
le furent au XIII<sup>e</sup>, revinrent aux cloîtres composés d'arcatures continues,
comme les cloîtres romans primitifs, dont les galeries sont couvertes
par des charpentes apparentes ou lambrissées. Mais le système de construction
n'est plus celui du cloître roman. Les archivoltes composées de
claveaux disparaissent souvent et sont remplacées par une claire-voie qui
ressemble assez à une grande balustrade. Le flanc sud de la cathédrale de
Bordeaux a conservé un cloître élevé suivant ce mode; il date du XIV<sup>e</sup> siècle.
L'une de ses quatre galeries s'engage dans les contre-forts isolés de la
cathédrale, les trois autres sont libres.
 
[Illustration: FIG. 36.]
 
La fig. 36 présente le plan d'un des angles du cloître de la cathédrale
de Bordeaux. En A, nous avons tracé la section horizontale d'une des
piles, à l'échelle de 0,05 c. pour mètre. Sur un bahut continu s'élèvent
des faisceaux de colonnettes présentant beaucoup plus de profondeur que
de largeur. Ces piles sont prises dans un seul morceau de pierre, et elles
portent une arcature dont chaque triangle est taillé dans un seul bloc,
ainsi que l'indique la fig. 37, qui donne l'élévation et la coupe du cloître
de la cathédrale de Bordeaux. Une corniche composée de longs morceaux
de pierre relie le tout; un surhaussement moderne, formé de deux assises
de pierre, charge cette légère construction. Mais autrefois, ainsi que le
prouve la présence des gargouilles encore en place, la corniche portait un
chéneau sur lequel venait reposer la charpente; nous avons cru devoir
rétablir l'état primitif dans notre fig. 37<span id="note24"></span>[[#footnote24|<sup>24</sup>]]. La charpente apparente était
composée d'une suite de chevrons portant ferme, retenus par des liens
reposant sur des corbeaux. Ce genre de construction n'offrait pas une
grande solidité; aussi la plupart de ces cloîtres furent-ils renversés par la
poussée de la charpente dépourvue d'entraits, et, au XV<sup>e</sup> siècle, on reprit
le mode adopté par le XIII<sup>e</sup> siècle, c'est-à-dire qu'on en revint aux cloîtres
voûtés avec meneaux sous les formerets, et ces meneaux furent vitrés. Il
est cependant des exceptions à cette règle, surtout dans les provinces
méridionales.
 
[Illustration: Fig. 37.]
 
Ainsi le cloître de la cathédrale de Narbonne, qui date des premières
années du XV<sup>e</sup> siècle, se compose d'une série d'arcades sans meneaux,
séparées par des contre-forts épais.
 
La fig. 38 présente le plan du quart de ce cloître. En A, nous donnons
la section horizontale de la pile d'angle, et en B celle d'une des autres
piles, à l'échelle de 0,02 c. pour mètre. La fig. 39 nous montre un des
angles de ce cloître, vu en perspective.
 
Le cloître de Narbonne possède un bahut; les arcades sont hautes,
contrairement aux habitudes des constructeurs du moyen âge; il est
couvert en terrasses dallées, protégées par une balustrade, ainsi que le
cloître de la cathédrale de Béziers, qui date du XIV<sup>e</sup> siècle.
 
Les cloîtres du XV<sup>e</sup> siècle en général ne diffèrent de ceux du XIV<sup>e</sup> que
par la décoration des contre-forts, les compartiments des meneaux, la
construction des voûtes et les détails de l'architecture. Il n'est donc pas
nécessaire de nous en occuper ici, puisque nous retrouvons ces détails
dans les différents articles de ce <i>Dictionnaire</i>.
 
[Illustration: FIG. 38.]
 
Nous terminerons ce que nous avons à dire sur ces monuments par la
description du cloître de l'abbaye du Mont-Saint-Michel-en-Mer, l'un des
plus curieux et des plus complets parmi ceux que nous possédons en
France.
 
[Illustration: FIG. 39.]
 
Nous donnons le plan d'ensemble de ce cloître, ayant vue du côté A
 
[Illustration: FIG. 40.]
 
[Illustration: FIG. 41.]
 
sur la mer par des fenêtres oblongues et très-étroites (40). Les galeries ont
été couvertes primitivement par une charpente lambrissée. L'arcature se
compose de deux rangées de colonnettes se chevauchant, ainsi que l'indique
le détail de l'angle du plan (41). Des archivoltes en tiers-point
portent sur les colonnettes, de A en B, de B en C, à l'extérieur; de D en E,
de E en F, à l'intérieur, et des arcs diagonaux très-aigus sont bandés de
A en D, de A en E, de E en B, de B en F, de F en C, etc.; les triangles
laissés entre les archivoltes et les arcs diagonaux sont remplis comme des
triangles de voûtes ordinaires. Il est évident que ce système de colonnettes
posées en herse est plus capable de résister à la poussée ou au mouvement
d'une charpente que le mode de colonnes jumelles, car les arcs diagonaux
AD, AE, EB, etc., opposent une double résistance à ces poussées, étrésillonnent la construction et rendent les deux rangs de colonnettes solidaires.
D'ailleurs il n'est pas besoin de dire qu'un poids reposant sur trois
pieds est plus stable que s'il repose sur deux ou sur quatre. Or la galerie
du cloître de l'abbaye du Mont-Saint-Michel n'est qu'une suite de trépieds.
 
[Illustration: FIG. 42.]
 
Voici (42) une coupe sur O P, et (43) une élévation intérieure de ces
arcatures. Les profils et l'ornementation rappellent la véritable architecture
normande du XIII<sup>e</sup> siècle. Les chapiteaux, suivant la méthode
anglo-normande,
sont simplement tournés, sans feuillages ni crochets autour de la
corbeille. Seuls, les chapiteaux de l'arcature adossés à la muraille sont
décorés de crochets bâtards. Les écoinçons entre les archivoltes de l'intérieur
des galeries présentent de belles rosaces sculptées en creux, des
figures, l'agneau surmonté d'un dais (fig. 43), puis au-dessus des arcs une
frise d'enroulements ou de petites rosaces d'un beau travail. Entre les
naissances des arcs diagonaux des petites voûtes sont sculptés des crochets.
Ce cloître était complétement peint, du moins à l'intérieur et entre les
deux rangs de colonnettes. En B {fig. 40) est la seule entrée des galeries
dans le préau, bien qu'il soit facile d'enjamber par-dessus les bahuts entre
 
[Illustration: FIG. 43.]
 
les colonnettes, et ce préau est complétement couvert de lames de plomb,
destinées à recueillir les eaux pluviales dans une grande citerne réservée
sous l'église. Sous le cloître est bâtie la salle des Chevaliers, composée
d'un quinconce de colonnes (voy. <b>ARCHITECTURE MONASTIQUE</b>, fig. 18 et 19);
sous la salle des Chevaliers est un étage inférieur. Ainsi le cloître de l'abbaye
du Mont-Saint-Michel-en-Mer est situé au sommet d'un immense
édifice, et ses galeries sont portées sur des voûtes; c'est pourquoi on a
cherché à donner à cette construction une extrême légèreté.
 
La renaissance éleva quelques jolis cloîtres, mais qui ne présentent
aucune particularité digne d'être notée. Les dispositions générales des
cloîtres, à partir du XIII<sup>e</sup> siècle, varient peu en France, ainsi que nous
l'avons dit déjà, et les détails de l'architecture seuls se modifient en raison
du goût de chaque époque. Ces détails trouvent leur place dans le
<i>Dictionnaire</i>; il est donc inutile de les mentionner ici.
 
<br><br>
Ligne 587 ⟶ 1 254 :
monastiques agissaient, quelle que fût leur position sur le territoire occidental, d'après
une direction uniforme, en tant qu'elles appartenaient au même ordre.
 
<span id="footnote13">[[#note13|13]] : Au XVI<sup>e</sup> siècle, un cadran solaire fut attaché à la statue de l'ange; peut-être en
existait-il un autre avant cette époque. Nous devons les dessins de ce cloître à M. Bœswilwald,
architecte de la cathédrale de Laon.
 
<span id="footnote14">[[#note14|14]] : Nous devons ces dessins et ceux de Saint-Michel de Cuxa à l'obligeance de
M. Laisné, architecte diocésain d'Auch, qui a relevé le cloître d'Elne pour la Commission
des monuments historiques.
 
<span id="footnote15">[[#note15|15]] : C'est la charpente du cloître de Saint-Papoul, qui date du XIV<sup>e</sup> siècle.
 
<span id="footnote16">[[#note16|16]] : M. Ruprich Robert a bien voulu nous confier les études qu'il a faites sur ce cloître; elles nous ont servi à donner ces figures.
 
<span id="footnote17">[[#note17|17]] : En compulsant nos notes, nous sommes obligé de reconnaître que, depuis le
temps où quelques-unes d'entre elles ont été prises, des exemples de cloîtres encore
existant il y a quelques années sont aujourd'hui détruits. On ne doit point s'en étonner;
la vie s'est retirée de ces dépendances des églises depuis longtemps, et bien avant
les dernières années du dernier siècle déjà, la plupart des cloîtres des cathédrales et des
abbayes étaient laissés à l'abandon, comme des constructions qui n'ont plus de raison
d'être.
 
<span id="footnote18">[[#note18|18]] : Ce cloître est aujourd'hui engagé dans des constructions plus récentes et en partie détruit; cependant il en reste assez pour prendre une idée complète de ses dispositions
générales, de sa construction et même de ses détails.
 
<span id="footnote19">[[#note19|19]] : Les dessins de ce cloître nous ont été donnés par M. Bœswilwald, architecte diocésain de Soissons.
 
<span id="footnote20">[[#note20|20]] : <i>Œuvres comp. de Rutebeuf</i>, recueillies par A. Jubinal. Paris, 1839. <i>La Vie de sainte Elysabel</i>, t. II, p. 216.
 
<span id="footnote21">[[#note21|21]] : Il ne reste plus que des traces des bas-reliefs qui, à la fin du dernier siècle, ont été brisés. M. Bœswilwald a bien voulu nous fournir les dessins de ce cloître.
 
<span id="footnote22">[[#note22|22]] : Ce cloître n'appartient plus à la cathédrale; il fut vendu par le Domaine il y a une
vingtaine d'années; il sert aujourd'hui de magasin à des marchands de meules à aiguiser.
Nous ne savons ce que le Domaine a retiré de cette vente; mais lorsqu'on voudra
racheter ce cloître, ce qu'il faudra faire un jour ou l'autre, ne
fût-ce que pour assainir
la cathédrale de Langres, il est probable qu'on payera cher cet abandon.
 
<span id="footnote23">[[#note23|23]] : Les restes de ce cloître tombaient en ruine par suite de surcharges sur les voûtes et
de l'abandon dans lequel ce précieux débris d'architecture était laissé. L'administration
des cultes depuis peu, a fourni à MM. Barthélemy et Desmarets, architectes diocésains
de Rouen, les moyens de restaurer les parties les plus endommagées. Mais des logements
sont établis au premier étage et contribuent à détruire ce qui reste des belles
fenêtres. On ne saurait trop souhaiter de voir enfin ce magnifique spécimen d'un cloître
de cathédrale débarrassé de services que rien n'empêche de placer partout ailleurs.
 
<span id="footnote24">[[#note24|24]] : Nous devons les dessins de ce cloître à l'obligeance de M. Alaux, architecte à Bordeaux.