« Contre Verrès (traduction Auger)/1 » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
typo
match
Ligne 1 :
==__MATCH__:[[Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/105]]==
 
PREMIÈRE ACTION CONTRE VERRÈS.
 
 
 
DISCOURS CINQUIÈME.
 
 
 
ARGUMENT.
 
Cicéron l’emporta sur Cécilius, et fut choisi pour accusateur. Il demanda cent dix jours pour parcourir toute la Sicile, faire des informations contre Verrès, se procurer des pièces et des témoins ; il mit tant de diligence dans son voyage et dans ses recherches, qu’il revint au bout de cinquante jours. I1 s’aperçut de toutes les manœuvres de ses adversaires pour corrompre les juges, et pour traîner la cause jusqu’au temps où Hortensius, défenseur de l’accusé, serait consul. Il prit donc le parti, dans une première action ou plaidoirie, de faire paraître les témoins et de produire les pièces pour établir chaque fait, en se contentant, pour cette fois, de quelques réflexions interrompues, et se réservant à développer les faits, à étendre les preuves, dans une seconde action, où il ferait des discours suivis. Il obligea Hortensius d’interroger les témoins à mesure qu’il les faisait paraître.
 
Nous n’avons pas la première plaidoirie de l’orateur, que, probablement, il n’a pas cru devoir écrire : le discours qui en porte le nom n’en est, pour ainsi dire, que l’exorde et le préambule. Il fut prononcé environ trois mois après le Discours contre Cécilius, au commencement du mois d’août, l’an de Rome 683.
 
L’orateur y donne une idée générale de l’accusation ; il montre au grand jour toute la perversité de Verrès ; il détaille ses intrigues ; ses paroles et ses démarches ; ses manœuvres pour reculer le jugement, pour corrompre les juges, ou pour en avoir dont il puisse disposer. Il prouve combien il importe à la république, à tout l’ordre des sénateurs, que Verrès soit jugé sévèrement. II déploie un courage capable d’intimider l’accusé, ses défenseurs et les juges eux-mêmes.
 
PRÉAMBULE.
 
I. Ce que vous deviez désirer le plus, ce qui pouvait rendre surtout à votre ordre sa gloire, et aux tribunaux la considération, vous est accordé, vous est offert aujourd’hui, non par les hommes mais, j’ose le dire, par les dieux mêmes, dans les circonstances les plus décisives pour la république. En effet, il y a longtemps que, non seulement à Rome, mais chez les nations étrangères, il s’est répandu une opinion funeste à la république et dangereuse pour vous. On dit que de la manière dont la justice s’exerce aujourd’hui, l’homme riche, fût-il coupable, ne peut jamais être condamné. Et voilà qu’au moment même où votre ordre et vos tribunaux sont menacés, au moment où l’on se prépare à enflammer les esprits contre le sénat par des harangues et des projets de lois, on accuse devant vous C. Verrès, homme déjà condamné par l’opinion publique pour sa vie et ses actions, mais absous par ses richesses, à en juger par ses espérances et ses discours. Dans cette cause, juges, jaloux de répondre aux vœux et à l’attente du peuple romain, je me suis présenté comme accusateur, non pour augmenter la haine qu’on porte à cet ordre, mais pour le défendre contre une infamie qui nous est commune. En effet, j’amène devant vous un homme qui vous offre l’occasion de rendre à vos jugements l’influence qu’ils ont perdue, de regagner l’estime du peuple romain, et de donner satisfaction aux nations étrangères ; le spoliateur du trésor public, l’oppresseur de l’Asie et de la Pamphylie ; le brigand ravisseur de vos droits dans sa préture de Rome ; la honte et le fléau de la province de Sicile. Si vous jugez cet homme avec une religieuse sévérité, la puissance, qui doit résider en vous, sera fixée et affermie ; si, au contraire, les immenses richesses de l’accusé triomphent ici de la justice et de la vérité, j’espère montrer du moins que, s’il a manqué à la république un tribunal, un accusé n’a pas manqué aux juges, ni un accusateur au coupable.