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rester fidèle à son génie national, doit chercher sa grandeur dans les mœurs et les traditions slaves. Ce parti, ou mieux cette école, s’oppose en Russie aux Occidentaux, partisans de l’imitation des institutions européennes, et le plus grand nombre des slavophiles ne songe guère plus à l’annexion à la Russie des Slaves des Balkans, que leurs adversaires les Occidentaux ne songent à l’annexion de l’Occident. Ce terme de slavophile ne répond donc nullement an mot de panslaviste, expression originaire d’Allemagne, et qu’en parlant des partis russes la presse européenne devrait abandonner, Certes il y a chez le plus grand nombre de ces slavophiles, comme chez la plupart des Russes, de vives sympathies pour les Slaves orthodoxes et une vive répulsion pour la Turquie musulmane; mais chez eux comme chez la plupart de leurs compatriotes, ces sympathies restent vagues, idéales, et ne sont nullement formulées en politique déterminée.

Pour dire toute la vérité, nous nous méprenons en prêtant d’ordinaire à la Russie et aux Russes sur la Turquie et sur Constantinople des vues précises, des projets calculés. Ce qui se rencontre en Russie, c’est plutôt une vague attraction, d’indécises visées, d’incertaines velléités. Les peuples, les gouvernemens mêmes, sont comme les individus, loin d’avoir toujours un parti-pris, une résolution arrêtée, en un mot, un plan. Il y a des nations auxquelles la nature même a marqué un but qu’elles se sentent obligées d’atteindre; ainsi pour l’Italie unifiée était Venise, ainsi était Rome. Aucun Italien ne niait sérieusement un fait aussi évident, aucun ne songeait à dissimuler l’objectif national, quelque intérêt momentané que pût avoir le gouvernement italien à donner sur ce point le change à l’étranger. Rien de pareil en Russie. Peu de Russes confessent des vues sur le Bosphore, moins encore sur le Balkan, et les plus sérieux traitent de telles visées de dangereuses chimères. Si les Russes jettent naturellement les yeux de ce côté, c’est moins sur le Danube que sur le Bosphore même; ils s’inquiètent moins d’agrandir leur empire en y faisant entrer des frères slaves que d’avoir par la possession des détroits un libre accès sur la Méditerranée. Or il ne faut point beaucoup de réflexion pour sentir ce qu’à ce point de vue pourrait avoir de précaire et de décevant l’occupation du bas Danube, des Balkans, de Constantinople même. Quand les Russes camperaient à Péra et dans Stamboul, il serait encore facile à une puissance maritime, à l’Angleterre par exemple, de fermer à la Russie l’étroite et double porte des détroits. Il suffirait pour cela de se faire à l’extrémité des Dardanelles, dans la presqu’île de Gallipoli ou ailleurs, un autre Gibraltar, et les Anglais seraient plus maîtres de-cette issue de la Méditerranée qu’ils