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le plus habitués à commander, le moins résignés à rien abdiquer de leur suprématie [1]. La Bosnie offre cette singulière anomalie que les musulmans n’y ont guère donné moins de tracas à la Porte que les chrétiens. Les uns et les autres, ceux-là pour maintenir leurs privilèges, ceux-ci pour s’affranchir du joug des begs, ont tour à tour eu recours aux armes. Entièrement abandonnée à elle-même, la Bosnie risquerait de devenir comme un champ-clos où mahométans et chrétiens, orthodoxes grecs et catholiques latins, lutteraient entre eux pour la liberté ou la domination. Dans une telle contrée, il ne saurait guère y avoir de paix durable sans un pouvoir arbitral extérieur, sans une force armée du dehors musulmane ou chrétienne. Durant la dernière insurrection, bien des gens ont en France et à l’étranger proposé d’ériger la Bosnie et l’Herzégovine en principauté vassale, sans s’apercevoir qu’il n’y avait pas là, comme en Serbie ou en Roumanie, d’élément politique ou religieux homogène, capable de servir de base à un état indépendant. Les insurgés bosniaques auraient réussi à chasser les Turcs, que, pour mettre fin à leurs discordes intérieures, ils eussent été obligés de se jeter dans les bras d’un de leurs voisins, obligés de s’annexer à la Serbie, au Monténégro, à l’Autriche, ou à tous les trois à la fois. L’on sait que tels étaient les vœux de ces provinces, les orthodoxes penchant vers les principautés, les catholiques vers l’Autriche. La défaite de la Serbie maintient aujourd’hui les Bosniaques sous le sceptre du sultan. L’autonomie réclamée pour eux ne doit point les exposer à un danger auquel, en devenant indépendans, ils n’eussent échappé qu’en aliénant leur indépendance le jour même où ils l’eussent conquise. La Bosnie est la dernière partie de l’empire turc pour laquelle les amis des chrétiens puissent réclamer une entière autonomie; l’intérêt même des habitans interdit de les laisser seuls en face les uns des autres.

Pour les Bulgares, il y a aussi des difficultés particulières, mais en grande partie d’un autre ordre. Là, le caractère tranquille de la population n’expose pas aux mêmes troubles qu’en Bosnie. A ce point de vue, il serait vraiment dommage de refuser aux plus paisibles et aux plus travailleurs des chrétiens ce que l’on propose d’accorder aux plus turbulens. Le côté délicat du problème, pour les Bulgares, c’est de fixer les limites, les contours matériels de la région appelée à bénéficier du self-government. Les Bulgares en effet ne sont pas seulement le peuple le plus nombreux de la Turquie d’Europe, ils en sont aussi le plus diffus, le plus épars. En

  1. Voyez, sur les begs musulmans de la Bosnie, l’étude de M. Yriarte, dans la Revue du 1er mars 1876.