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En Turquie comme en Autriche, le slavisme a des racines séculaires, des racines indigènes dans la tradition, dans l’histoire, dans la conscience même des Slaves, Serbes ou Bulgares, Tchèques ou Slovaques. Chez tous ces peuples longtemps oubliés de l’Europe et souvent même de leurs maîtres, les promoteurs de l’idée slave, de l’idée nationale, n’ont été d’ordinaire ni des étrangers ni des Russes, ni des hommes d’état, ni des écrivains politiques. En Turquie comme dans l’Autriche-Hongrie, ce furent des poètes, des philologues, des historiens, des érudits, qui, en remettant en honneur les idiomes, les légendes, la poésie, l’histoire des petits peuples slaves, leur rendirent avec leurs titres nationaux une conscience nationale. A cet égard, les Tchèques de Bohême ont plus fait pour le réveil du slavisme que les Russes de Pétersbourg ou de Moscou.

Ces apôtres d’une grande race, morcelée en de nombreuses petites nationalités, toutes soumises à l’étranger, levèrent naturellement les yeux sur le seul peuple slave qui fût indépendant et puissant, sur le seul état de l’Europe qui semblât leur devoir prêter un appui. C’est ainsi que les Slaves, les orthodoxes et les sujets de la Porte surtout, s’habituèrent à tourner leurs sympathies et leurs prières vers Moscou, comme vers la ville sainte nationale, vers une sorte de La Mecque ou de Jérusalem slavonne d’où devait un jour leur venir la rédemption. De leur dispersion et de leur abandon, de leurs souffrances dans le présent et de leurs espérances dans l’avenir, est ainsi né ce penchant dès Slaves de la Turquie pour leur grande congénère de Russie, penchant vague et le plus souvent irréfléchi, dont quelques esprits ont voulu tirer toute une doctrine, toute une politique, et qui plus ou moins encouragé des Russes, a reçu des Allemands et des Hongrois le nom de panslavisme.

Une nation qui rencontre au dehors de pareilles sympathies n’a garde de les négliger. Les hommes d’état russes étaient trop habiles pour ne point entretenir les sentimens qui s’élevaient vers la Russie, des rives du Danube, de la Save et de l’Adriatique. La protection des petits peuples de même race et de même religion est devenue de plus en plus un point fixe, un dogme de la politique russe ; mais ici encore il ne faut point confondre ce qui revient aux cabinets et ce qui revient au peuple, ce qui est le fait des calculs de la politique avec ce qui appartient aux instincts nationaux. En Russie comme chez les Slaves non Russes, ce double courant de sympathie réciproque a sa première source dans la conscience populaire. Le peuple russe, demeuré des siècles sous la domination ou la suzeraineté des Tatars, et depuis lors en guerres fréquentes avec les Turcs, le peuple russe, habitué à voir dans l’islamisme l’ennemi héréditaire de sa patrie et de sa foi, était merveilleusement disposé