« Les Révoltés de la Bounty » : différence entre les versions
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Tout semblait calme, en effet, lorsque tout à coup une animation insolite se propage sur le bâtiment. Quelques matelots s’accostent, échangent deux ou trois paroles à voix basse, puis disparaissent à petits pas.
Est-ce le quart du matin qu’on relève
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Suivi d’une dizaine de matelots armés de sabres, de coutelas et de pistolets, Christian se glissa dans l’entrepont
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La porte céda sous une pression vigoureuse, et les matelots se précipitèrent dans la cabine.
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Surpris d’abord par l’obscurité, et réfléchissant peut-être à la gravité de leurs actes, ils eurent un moment d’hésitation.
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— Silence, Bligh
— Inutile de t’habiller, ajouta Bob. Tu feras toujours assez bonne figure, lorsque tu seras pendu à la vergue d’artimon
— Attachez-lui les mains derrière le dos, ChurchilI, dit Christian, et hissez-le sur le pont
— Le plus terrible des capitaines n’est pas bien redoutable, quand on sait s’y prendre,
Puis le cortège, sans s’inquiéter de réveiller ou non les matelots du dernier quart, encore endormis, remonta l’escalier et reparut sur le pont.
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Quant aux hommes de l’équipage, les hésitants avaient dû céder pour l’instant, tandis que les autres, sans armes, sans chef, restaient spectateurs du drame qui allait s’accomplir sous leurs yeux.
Tous étaient sur le pont, rangés en silence
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— Je ne vous reconnais pas le droit…, répondit le capitaine.
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— Ne perdons pas de temps en protestations inutiles. s’écria Christian, qui interrompit Bligh,
Je suis, en ce moment, l’interprète de tout l’équipage de la Bounty. Nous n’avions pas encore quitté l’Angleterre que nous avions déjà à nous plaindre de vos soupçons injurieux, de vos procédés brutaux. Lorsque je dis nous, j’entends les officiers aussi bien que les matelots. Non seulement nous n’avons jamais pu obtenir la satisfaction qui nous était due, mais vous avez toujours rejeté nos plaintes avec mépris
— Oui, oui, à mort
— Capitaine Bligh, reprit Christian, quelques uns avaient parlé de vous hisser au bout d’une corde entre le ciel et l’eau. D’autres proposaient de vous déchirer les épaules avec le chat à neuf queues, jusqu’à ce que mort s’ensuivît. Ils manquaient d’imagination. J’ai trouvé mieux que cela. D’ailleurs, vous n’êtes pas seul coupable ici. Ceux qui ont toujours fidèlement exécuté vos ordres, si cruels qu’ils fussent, seraient au désespoir de passer sous mon commandement. Ils ont mérité de vous accompagner là où le vent vous poussera.
— Qu’on amène la chaloupe
Un murmure désapprobateur accueillit ces dernières paroles de Christian, qui ne parut pas s’en inquiéter. Le capitaine Bligh, que ces menaces ne parvenaient pas à troubler, profita d’un instant de silence pour prendre la parole.
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— Nous savons parfaitement à quoi nous nous exposons, répondit Churchill.
— Assez
— Eh bien, dit Bligh, s’il vous faut une victime, que ce soit moi, mais moi seul
La voix du capitaine fut alors couverte par un concert de vociférations, et il dut renoncer à toucher ces cœurs devenus impitoyables.
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Cependant, un assez vif débat s’était élevé entre le second et plusieurs des révoltés qui voulaient abandonner sur les flots le capitaine Bligh et ses compagnons sans leur donner une arme, sans leur laisser une once de pain.
Quelques-uns —et c’était l’avis de Churchill,— trouvaient que le nombre de ceux qui devaient quitter le navire n’était pas assez considérable. Il fallait se défaire, disait-il, de tous les hommes qui, n’ayant pas trempé directement dans le complot, n’étaient pas sûrs. On ne pouvait compter sur ceux qui se contentaient d’accepter les faits accomplis. Quant à lui, son dos lui faisait encore mal des coups de fouet qu’il avait reçus pour avoir déserté à Taïti. Le meilleur, le plus rapide moyen de le guérir, ce serait de lui livrer d’abord le commandant
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— Que vous ai-je fait, Christian, pour que vous me traitiez ainsi
— Les récriminations sont inutiles
Mais ces officiers, au lieu de se diriger vers la chaloupe, se rapprochèrent du capitaine Bligh, et Fryer, qui semblait le plus déterminé, se pencha vers lui en disant
«
Déjà les officiers prenaient leurs dispositions pour se jeter sur les révoltés, occupés à dépasser la chaloupe de ses porte-manteaux, lorsque Churchill, à qui cet entretien, si rapide qu’il fût, n’avait pas échappé, les entoura avec quelques hommes bien armés, et les fit embarquer de force.
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Deux mâts avec leurs voiles, quelques clous, une scie, une demi-pièce de toile à voile, quatre petites pièces contenant cent vingt-cinq litres d’eau, cent cinquante livres de biscuit, trente-deux livres de porc salé, six bouteilles de vin, six bouteilles de rhum, la cave à liqueur du capitaine, voilà tout ce que les abandonnés eurent permission d’emporter. On leur jeta, en outre, deux ou trois vieux sabres, mais on leur refusa toute espèce d’armes à feu.
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Ils ne l’avaient pas trahi, mais Christian avait résolu de les garder à bord.
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Le capitaine eut alors un moment de découragement et de faiblesse bien pardonnable, qui ne dura pas.
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— Si vous aviez eu quelque honneur, répondit Christian, les choses n’en seraient point arrivées à ce point. Si vous-même aviez pensé un peu plus souvent à votre femme, à votre famille, aux femmes et aux familles des autres, vous n’auriez pas été si dur, si injuste envers nous tous
A son tour, le bosseman, au moment d’embarquer, essaya d’attendrir Christian. Ce fut en vain.
«
Les ordres de Christian furent exécutés, non sans quelque protestation.
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Tandis que les révoltés saluaient d’acclamations ironiques le capitaine Bligh et ses malheureux compagnons, Christian, appuyé contre le bastingage, ne pouvait détacher les yeux de la chaloupe qui s’éloignait. Ce brave officier, dont la conduite, jusqu’alors loyale et franche, avait mérité les éloges de tous les commandants sous lesquels il avait servi, n’était plus aujourd’hui que le chef d’une bande de forbans. Il ne lui serait plus permis de revoir ni sa vieille mère, ni sa fiancée, ni les rivages de l’île de Man, sa patrie. Il se sentait déchu dans sa propre estime, déshonoré aux yeux de tous
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Avec ses dix-huit passagers, officiers et matelots, et le peu de provisions qu’elle contenait, la chaloupe qui portait Bligh était tellement chargée, qu’elle dépassait à peine de quinze pouces le niveau de la mer. Longue de vingt et un pieds, large de six, elle pouvait être parfaitement appropriée au service de la Bounty
Les matelots, confiants dans l’énergie et l’habileté du capitaine Bligh et des officiers confondus dans le même sort, nageaient vigoureusement, et la chaloupe fendait rapidement les lames.
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Blîgh, à moins de nécessité absolue, entendait ne pas toucher aux provisions de la chaloupe. Il fallait donc que l’île nourrît ses hommes et lui. Cela semblait devoir être difficile, car, tout d’abord, lorsqu’ils furent à terre, ils ne rencontrèrent pas trace d’habitants. Quelques-uns, cependant, ne tardèrent pas à se montrer, et, ayant été bien reçus, ils en amenèrent d’autres, qui apportèrent un peu d’eau et quelques noix de coco.
L’embarras de Bligh était grand. Que dire à ces naturels qui avaient déjà trafiqué avec la Bounty pendant sa dernière relâche
Dire qu’ils étaient envoyés aux provisions par le bâtiment resté au large
En entendant ce récit, les naturels ne firent paraître ni marque de joie ni signes de chagrin. Leur visage n’exprima qu’un profond étonnement, et il fut impossible de connaître ce qu’ils pensaient
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Les Anglais, véritablement très inquiets des dispositions hostiles des naturels, redescendirent la grève, au milieu de deux cents indigènes, qui n’attendaient qu’un signal pour se jeter sur eux. Cependant, tous venaient d’entrer heureusement dans l’embarcation, lorsque l’un des matelots, nommé Bancroft <sup>(En realité il s’appellait John Norton)</sup>, eut la funeste idée de revenir sur la plage pour chercher quelque objet qu’il y avait oublié. En une seconde, cet imprudent fut entouré par les naturels et assommé à coups de pierre, sans que ses compagnons, qui ne possédaient pas une arme à feu pussent le secourir. D’ailleurs, eux-mêmes, à cet instant, étaient attaqués, des pierres pleuvaient sur eux.
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Les naturels entrèrent alors dans la mer et firent pleuvoir sur l’embarcation une nouvelle grêle de cailloux. Plusieurs hommes furent blessés. Mais Hayward, ramassant une des pierres qui étaient tombées dans la chaloupe, visa l’un des assaillants et l’atteignit entre les deux yeux. L’indigène tomba à la renverse en poussant un grand cri auquel répondirent les hourras des Anglais. Leur infortuné camarade était vengé.
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Sur ces entrefaites, la nuit était entièrement venue, et les indigènes, découragés, abandonnèrent la poursuite de la chaloupe.
Cette première tentative de débarquement était trop malheureuse pour être renouvelée
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— Oui, oui, nous le jurons
— Mes amis, reprit le capitaine, il faut aussi oublier nos torts réciproques, nos antipathies et nos haines, sacrifier en un mot nos rancunes personnelles à l’intérêt de tous, qui doit seul nous guider
— Nous le promettons.
— Si vous tenez votre parole, ajouta Bligh, et, au besoin, je saurai vous y forcer, je réponds du salut.
La route fut faite vers l’O.-N.-O. Le vent, qui était assez fort, souffla en tempête dans la soirée du 4 mai. Les lames devinrent si grosses, que l’embarcation disparaissait entre elles, et semblait ne pouvoir se relever. Le danger augmentait à chaque instant. Trempés et glacés, les malheureux n’eurent pour se réconforter, ce jour-là, qu’une tasse à thé de rhum et le quart d’un fruit à pain à moitiè pourri.
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Le lendemain et les jours suivants, la situation ne changea pas. L’embarcation passa au milieu d’îles innombrables, d’où quelques pirogues se détachèrent.
Était-ce pour lui donner la chasse, était-ce pour faire quelques échanges
Le 9 mai, un orage épouvantable éclata. Le tonnerre, les éclairs se succédaient sans interruption. La pluie tombait avec une force dont les plus violents orages de nos climats ne peuvent donner une idée. Il était impossible de faire sécher les vêtements. Bligh, alors, eut l’idée de les tremper dans l’eau de mer et de les imprégner de sel, afin de ramener à la peau un peu de la chaleur enlevée par la pluie. Toutefois, ces pluies torrentielles, qui causèrent tant de souffrances au capitaine et à ses compagnons, leur épargnèrent d’autres tortures encore plus horribles, les tortures de la soif, qu’une insoutenable chaleur eût bientôt provoquées.
Le 17 mai, au matin, à la suite d’un orage terrible, les plaintes devinrent unanimes
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un moment de repos
— Je refuse, répondit Bligh. Ce serait agir comme des fous. Comment
Et Bligh se mit à peindre à grands traits la nature du sol, les mœurs des indigènes, le peu de fonds qu’il fallait faire sur leur accueil, toutes choses que son voyage avec le capitaine Cook lui avait appris à connaître. Pour cette fois encore, ses infortunés compagnons l’écoutèrent et se turent.
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Le lendemain, Bligh trouva dans la chaloupe un verre grossissant, un briquet et du soufre. Il fut donc à même de se procurer du feu pour faire cuire le gibier ou le poisson.
Bligh eut alors la pensée de diviser son équipage en trois escouades
L’un d’eux, plus violent ou plus énervé que ses camarades, alla même jusqu’à dire au capitaine
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Bligh, comprenant que cet esprit de mutinerie devait être enrayé sur-le-champ, saisit un coutelas, et, en jetant un autre aux pieds du rebelle, il lui cria
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Cette attitude énergique fit aussitôt rentrer le mutin en lui-même, et le mécontentement général se calma.
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Pendant cette relâche, l’équipage de la chaloupe récolta abondamment des huîtres, des peignes et de l’eau douce.
Un peu plus loin, dans le détroit de l’Endeavour, de deux détachements envoyés à la chasse des tortues et des noddis, le premier revint les mains vides
Sans les vivres et l’eau douce qu’il venait de trouver sur la côte de la Nouvelle-Hollande, il est bien certain que Bligh et ses compagnons auraient péri. D’ailleurs, tous étaient dans un état lamentable, hâves, défaits, épuisés, — de véritables cadavres.
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Après que le capitaine Bligh eut été abandonné en pleine mer, la Bounty avait
fait voile pour Taïti. Le jour même, elle atteignait Toubouïa. Le riant aspect de cette petite île, entourée d’une ceinture de roches madréporiques, invitait Christian à y descendre
Ce fut le 6 juin 1789 que l’ancre tomba dans la rade de Matavaï. La surprise des Taïtiens fut extrême en reconnaissant la Bounty. Les révoltés retrouvèrent là les indigènes avec lesquels ils avaient été en rapport dans une précédente relâche, et ils leurs racontèrent une fable, à laquelle ils eurent soin de mêler le nom du capitaine Cook, dont les Taïtiens avaient conservé le meilleur souvenir.
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Cependant, dix-huit mois s’étaient écoulés lorsque, le 23 mars 1791, un vaisseau doubla la pointe Vénus et s’arrêta dans la baie Matavaï. C’était la Pandore, envoyée à la poursuite des révoltés par l’Amirauté anglaise.
Heywood et Stewart s’empressèrent de se rendre à bord, déclarèrent leurs noms et qualités, racontèrent qu’ils n’avaient pris aucune part à la révolte
Le 19 mai, la Résolution, qui avait été pourvue de voiles, et la Pandore reprirent la mer. Pendant trois mois, ces deux bâtiments croisèrent à travers l’archipel des Amis, où l’on supposait que Christian et le reste des révoltés avaient pu se réfugier. La Résolution d’un faible tirant d’eau rendit même de grands services pendant cette croisière
La Pandore avait repris la route d’Europe avec ses prisonniers, lorsque, dans le détroit de Torrès, elle donna contre un écueil de corail et sombra presque aussitôt avec trente et un de ses matelots et quatre des révoltés.
L’équipage et les prlsonniers qui avaient échappé au naufrage gagnèrent alors un îlot sablonneux. Là, les officiers et les matelots purent s’abriter sous des tentes
Les naufragés restèrent sur cet îlot pendant quelques jours
Arrivés en Angleterre au mois de juin 1792, les révoltés passèrent devant un conseil de guerre présidé par l’amiral Hood. Les débats durèrent six jours et se terminèrent par l’acquittement de quatre des accusés et la condamnation à mort des six autres, pour crime de désertion et enlèvement du bâtiment confié à leur garde. Quatre <sup>(En realité trois)</sup> des condamnés furent pendus à bord d’un vaisseau de guerre
Mais qu’était devenue la Bounty
En 1814, vingt-cinq ans après la scène par laquelle ce récit commence, deux navires de guerre anglais croisaient en Océanie sous le commandement du capitaine Staines. Ils se trouvaient, au sud de l’archipel Dangereux, en vue d’une île montagneuse et volcanique que Carteret avait découverte dans son voyage autour du monde, et à laquelle il avait donné le nom de Pitcairn. Ce n’était qu’un cône, presque sans rivage, qui s’élevait à pic au-dessus de la mer, et que tapissaient jusqu’à sa cime des forêts de palmiers et d’arbres à pain. Jamais cette île n’avait été visitée
Le capitaine Staines résolut de la reconnaître et d’y chercher un endroit convenable pour débarquer.
En s’approchant de la côte, il fut surpris d’apercevoir des cases, des plantations, et, sur la plage, deux naturels qui, après avoir lancé une embarcation à la mer et traversé habilement le ressac, se dirigèrent vers son bâtiment. Mais son étonnement n’eut plus de bornes, lorsqu’il s’entendit interpeller, en excellent anglais, par cette phrase
«
A peine arrivés sur le pont, les deux robustes rameurs furent entourés par les matelots stupéfaits, qui les accablaient de questions auxquelles ils ne savaient que répondre. Conduits devant le commandant, ils furent interrogés réguIièrement.
«
— Je m’appelle Fletcher Christian, et mon camarade, Young.
Ces noms ne disaient rien au capitaine Staines, qui était bien loin de penser aux survivants de la Bounty.
«
— Nous y sommes nés.
— Quel âge avez-vous
— J’ai vingt-cinq ans, répondit Christian, et Young dix-huit.
— Vos parents ont-ils été jetés sur cette île par quelque naufrage
Christian fit alors au capitaine Staines l’émouvante confession qui va suivre et dont voici les principaux faits
En quittant Taîti
Le premier soin de Christian et de ses compagnons dès qu’ils eurent atteint l’île Pitcairn, avait été de détruire la Bounty, afin de n’être pas découverts. Sans doute, ils s’étaient enlevé par là toute possibilité de quitter l’île, mais le soin de leur sécurité l’exigeait.
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John Adams fut alors le dernier survivant de l’équipage des révoltés.
Resté seul avec plusieurs femmes et vingt enfants, nés du mariage de ses camarades avec les Taïtiennes, le caractère de John Adams s’était modifié profondément. Il n’avait que trente-six ans alors
Dans la bibliothèque de la Bounty, conservée sur l’île, se trouvaient une Bible et plusieurs livres de prières. John Adams, qui les lisait fréquemment, se convertit, éleva dans d’excellents principes la jeune population qui le considérait comme un père, et devint, par la force des choses, le législateur, le grand-prêtre et, pour ainsi dire, le roi de Pitcairn.
Cependant, jusqu’en 1814, ses alarmes avaient été continuelles. En 1795, un bâtiment s’étant approché de Pitcairn, les quatre survivants de la Bounty s’étaient cachés dans des bois inaccessibles et n’avaient osé redescendre dans la baie qu’après le départ du navire. Même acte de prudence, lorsqu’en 1808, un capitaine américain débarqua sur l’île, où il s’empara du chronométre et d’une boussole, qu’il fit parvenir à l’Amirauté anglaise
Tel fut le récit fait au commandant Staines par les deux naturels, anglais par leurs pères, l’un fils de Christian, l’autre fils de Young
Le commandant, après avoir assuré aux deux jeunes gens que John Adams était couvert par la prescription, puisque vingt-cinq ans s’étaient écoulés depuis la révolte de la Bounty, descendit à terre et il fut reçu à son débarquement par une populatiion composée de quarante-six adultes et d’un grand nombre d’enfants. Tous étaient vigoureux, avec le type anglais nettement accusé
Les lois mises en vigueur dans l’île étaient des plus simples. Sur un registre était noté ce que chacun avait gagné par son travail. La monnaie était inconnue
Le commandant Staines, après avoir recueilli les documents les plus curieux sur cette île, perdue dans les parages les moins fréquentés du Pacifique, reprit la mer et revint en Europe.
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