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considérer sous cette forme pour apercevoir l’absurdité qu’elle recèle.
3o\ MECANISME ET CONCEPTUALISME


Une idée construite de toutes pièces par l’esprit n’est une idée, en effet, que si les pièces sont capables de coexister ensemble : elle se réduirait à un simple mot, si les éléments qu’on rapproche pour la composer se chassaient les uns les autres au fur et à mesure qu’on les assemble. Quand j’ai défini le cercle, je me représente sans peine un cercle noir ou un cercle blanc, un cercle en carton, en fer ou en cuivre, un cercle transparent ou un cercle opaque, — mais non pas un cercle carré, parce que la loi de génération du cercle exclut la possibilité de limiter cette figure avec des lignes droites. Ainsi mon esprit peut se représenter abolie n’importe quelle chose existante, mais si l’abolition de n’importe quoi par l’esprit était une opération dont le mécanisme impliquât qu’elle s’effectue sur une partie du Tout et non pas sur le Tout lui-même, alors l’extension d’une telle opération à la totalité des choses pourrait devenir chose absurde, contradictoire avec elle-même, et l’idée d’une abolition de tout présenterait Peut-être les mêmes caractères que celle d’un cercle carré : ce ne serait plus une idée, ce ne serait qu’un mot. Examinons donc de près le mécanisme de l’opération.
considérer sous cette forme pour apercevoir l'absurdité
qu'elle recèle.


En fait, l’objet qu’on supprime est ou extérieur ou intérieur : c’est une chose ou c’est un état de conscience. Considérons le premier cas. J’abolis par la pensée un objet extérieur : à l’endroit où il était, « il n’y a plus rien ». — Plus rien de cet objet, sans aucun doute, mais un autre objet a pris sa place : il n’y a pas de vide absolu dans la nature. Admettons pourtant que le vide absolu soit possible ; ce n’est pas à ce vide que je pense quand je dis que l’objet, une fois aboli, laisse sa place inoccupée, car il s’agit par hypothèse d’une ''place, ''c’est-à-dire d’un
Une idée construite de toutes pièces par l'esprit n'est
une idée, en eiïet, que si les pièces sont capables de co-
exister ensemble : elle se réduirait à un simple mot, si les
éléments qu'on rapproche pour la composer se chassaient
les uns les autres au fur et à mesure qu'on les assemble.
Quand j'ai défini le cercle, je me représente sans peine un
cercle noir ou un cercle blanc, un cercle en carton, en fer
ou en cuivre, un cercle transparent ou un cercle opaque,
— mais non pas un cercle carré, parce que la loi de gé-
nération du cercle exclut la possibilité de limiter cette
figure avec des lignes droites. Ainsi mon esprit peut se
représenter abolie n'importe quelle chose existante, ma. s
si l'abolition de n'importe quoi par l'esprit était une opé-
ration dont le mécanisme impliquât qu'elle s'effectue sur
une partie du Tout et non pas sur le Tout lui-même, alors
l'extension d'une telle opération à la totalité des choses
pourrait devenir chose absurde, contradictoire avec elle-
même, et l'idée d'une abolition de tout présenterait peut-
être les mêmes caractères que celle d'un cercle carré : ce
ne serait plus une idée, ce ne serait qu'un mot. Examinons
donc de près le mécanisme de l'opération.

En fait, l'objet qu'on supprime est ou extérieur ou inté-
rieur : c'est une chose ou c'est un état de conscience.
Considérons le premier cas. J'abolis par la pensée un
objet extérieur : à l'endroit où il était, « il n'y a plus
rien». — Plus rien de cet objet, sans aucun doute, mais
un autre objet a pris sa place : il n'y a pas de vide absolu
dans la nature. Admettons pourtant que le vide absolu
soit possible ; ce n'est pas à ce vide que je pense quand je
dis que l'objet, une fois aboli, laisse sa place inoccupée,
car il s'agit par hypothèse d'une place, c'est-à-dire d'un.

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